La Presse Anarchiste

A travers les journaux et les revues

Reconnaissance légitime

Pen­dant plus de qua­tre ans il fut inter­dit aux écrivains et jour­nal­istes de par­ler de M. Ray­mond Poin­caré. Cet homme émi­nent avait pris soin, dès son élec­tion, de soign­er sa pop­u­lar­ité, on pour­rait facile­ment retrou­ver le fas­ci­cule d’un péri­odique inti­t­ulé « Le fait de la semaine » et dont un numéro de 1914 con­tient un pané­gyrique quelque peu excessif.

C’est M.. Ch.-Henry Hirsch qui, dans le Mer­cure de France du 1er févri­er dernier, vul­garise un intem­pes­tif éloge du prési­dent de la Vic­toire paru dans l’Opin­ion. De ce pané­gyrique nous extrayons les lignes suivantes :

« Metz et Stras­bourg retrou­vés ce n’est pas seule­ment l’œu­vre mag­nifique de nos sol­dats… c’est l’aboutisse­ment d’une poli­tique. Et cette poli­tique n’a pas tou­jours été très facile à faire, avant et pen­dant la guerre.

D’abord parce qu’elle devait se fray­er un chemin à tra­vers les mille dif­fi­cultés sus­citées par les rival­ités de partis.

Ensuite parce qu’elle se heur­tait sou­vent dans l’om­bre aux obsta­cles accu­mulés par une autre poli­tique sournoise­ment poursuivie.

Cepen­dant M. Ray­mond Poin­caré l’a faite avec une adroite per­sévérance qui sac­ri­fi­ait, quand, il le fal­lait, l’ac­ces­soire au prin­ci­pal, les moyens au but, les hommes à l’œuvre.

La vic­toire est venue, elle récom­pense tous les efforts, les accla­ma­tions des deux chères provinces ont déjà payé de ses peines, le Prési­dent de la République. Pour qui a réal­isé son rêve, le reste ne compte pas… Mais l’his­toire va venir, elle met­tra cha­cun à sa place. M. Poin­caré à la pre­mière, non seule­ment pour l’ad­mirable série de ses dis­cours, mais aus­si et surtout pour l’ad­mirable con­ti­nu­ité de ses actes. »

M. Charles-Hen­ry Hirsch con­state que la vic­toire per­met d’im­primer aujour­d’hui ce que la Cen­sure inter­dit depuis qua­tre ans et demi, il ajoute : « On revendique pour M. Poin­caré une respon­s­abil­ité que, sous pré­texte d’u­nion sacrée, on ne pou­vait déclar­er il y a quelques mois. L’his­toire mon­tre que l’ex­cès de zèle rend sou­vent imprudente. »

Cela est indé­ni­able, et, en l’e­spèce, c’est bien d’une ami­tié qu’il s’ag­it, puisque l’ar­ti­cle de l’Opin­ion, signé d’un O, est en réal­ité l’œu­vre d’un C. ancien secré­taire du Prési­dent de la République.

M. Gonzague-Truc et l’anarchisme scientifique.

M. Gon­zague-Truc com­mente dans la Grande Revue (Mars 1919) l’acte de Cot­tin et son rap­port avec ce qu’on appelle l’a­n­ar­chisme scientifique.

M. Gon­zague-Truc n’est point anar­chiste et n’hésite pas à déclar­er que la sci­ence est anti-anar­chiste ou l’a­n­ar­chie anti-sci­en­tifique, ce qui revient au même.

« C’est une cou­tume, dit-il, chez les com­pagnons anar­chistes, que de se réclamer de la sci­ence au nom de laque­lle ils ne craig­nent point d’in­tro­duire la cat­a­stro­phe dans l’é­conomie sociale… et cette atti­tude préal­able dénonce un sophisme essentiel. »

M. Gon­zague-Truc est réal­iste : « Il n’y a de sci­ence que de ce qui est,», dit-il, et il ajoute : « Vouloir démolir la mai­son, certes impar­faite et bis­cor­nue, mais enfin réelle et sub­sis­tante pour la rem­plac­cr par, une con­struc­tion tout idéale et logique, c’est la manœu­vre la plus anti-sci­en­tifique et la plus irra­tionnelle qu’on puisse imaginer. »

Il est évi­dent que la sci­ence n’a, en tant que sci­ence, que fort peu de rap­port avec l’at­ten­tat de Cot­tin, rien n’est sci­en­tifique là-dedans, sauf le pis­to­let per­fec­tion­né dont s’est servi le lib­er­taire exaspéré.

L’at­ten­tat de Cot­tin fut évidem­ment inutile et nuis­i­ble à son seul auteur, mais par­tir de ce pos­tu­lat pour refuser aux théories anar­chistes toute valeur sci­en­tifique, c’est aller un peu vite en besogne.

L’an­tique « Natu­ra non fecit saltum » est tombé en désué­tude, et une place a dû être faite aux muta­tions brusques. Au sur­plus, il n’est point ques­tion. de réformer d’un coup l’u­nivers, ain­si que le sup­pose M. Gon­zague-Truc. Nous ne savons ce que pense Cot­tin à. ce sujet, mais il est évi­dent que, même Clemenceau dis­paru, la société idéale de ses rêves n’eût point été édifiée.

À quoi bon épi­loguer sur un acte indi­vidu­el, lequel n’en­gage que son auteur et n’empêchera point l’évo­lu­tion sociale de con­tin­uer, pas plus qu’il ne la hâtera.

On peut réprou­ver un acte de colère, sans faire inter­venir, pour jus­ti­fi­er cette répro­ba­tion, la sci­ence ni la cul­ture, qui n’ont que fort peu de chose à voir dans cette histoire.

Cepen­dant, n’en déplaise à M. Gon­zague-Truc, il y a une Sci­ence Sociale dont les lois, encore mal définies, s’éla­borent lente­ment par les œuvres des Marx, des Bak­ou­nine, des Proud­hon, des Reclus, des Kropotkine, des Tarde, des Guyau, des Jau­rès et autres, et cette sci­ence enreg­istr­era cer­taine­ment dans son his­toire des muta­tions brusques, dont devront tenir compte les obser­va­teurs soucieux de vérité.

[|* * * *|]

Dans le même numéro de la Grande Revue, J. Ernest-Charles, patient, de Paul Bour­get, cite cette phrase désor­mais célèbre de l’au­teur du Dis­ci­ple : « Il n’y a dans le monde que qua­tre forces debout con­tre la bar­barie : la Cham­bre des Lords en Anglel­erre, l’In­sti­tut de France, le grand État-Major alle­mand et le Vatican. »

Quel crédit, peut avoir — demande M. Ernest Charles — le mal­adroit qui écriv­it, ces lignes ?

Eh ! non, pas si mal­adroit, cynique seulement…

Une solution.

Dans le Qua­trième État jour­nal syn­di­cal­iste de Toulouse, Guil­laume Danès écrit :

« Pour sup­primer à jamais les guer­res, nous pro­posons aux chefs de la Con­férence de la Paix de faire adopter par les grandes nations une loi ain­si conçue :

Arti­cle pre­mier. — En cas de guerre, le sou­verain, les princes, les mem­bres du gou­verne­ment et les mem­bres du Par­lement for­meront un batail­lon d’hon­neur que le général en chef plac­era, dans chaque ren­con­tre, en pre­mière ligne jusqu’à com­plète extinction.

Arti­cle 2. — Après la guerre, tous les indi­vidus qui auront con­tribué pour une part et d’une manière quel­conque à la rup­ture de la paix, ou qui auront tiré de la guerre un prof­it quel­conque, moral ou financier, seront livrés aux par­ents des morts, qui dis­poseront d’eux à leur gré. Leurs bien seront le pat­ri­moine des orphe­lins et des pauvres ».

Notre con­frère estime que sa propo­si­tion ne sera pas prise en con­sid­éra­tion. C’est certain!…

Demi-clartés.

M. le doc­teur Toulouse est rem­pli dé bonnes inten­tions. Il essaie de con­cili­er la lib­erté de penser ou de prévoir avec la sat­is­fac­tion don­née à la médi­ocrité publique. Ce dou­ble et con­tra­dic­toire souci donne aux arti­cles qu’il pub­lie dans sa revue Demain (ne pas con­fon­dre avec Demain d’Hen­ri Guil­beaux) une allure ambiguë.

À pro­pos du patri­o­tisme, le doc­teur Toulouse écrit :

La reli­gion et le patri­o­tisme sont deux sen­ti­ments très proches, qui ont longtemps évolué par­al­lèle­ment et qui ont man­i­festé la même intolérance, le même fanatisme, la même bar­barie, comme aus­si les mêmes avantages.

Nous seri­ons curieux de savoir quels sont, d’après le doc­teur Toulouse, les avan­tages qu’ap­portèrent aux hommes ces deux sentiments.


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