M. Julien Benda se fit jadis connaître par un roman, l’Ordination, et aussi par un éreintement du Bergsonisme fort bien composé.
Il vient de publier deux livres. Du premier, Belphégor, nous aurons l’occasion de reparler. Pour aujourd’hui, contentons-nous de dire quelques mots du Bouquet de Glycère.
Le Bouquet de Glycère est une petite et luxueuse plaquette, éditée par Émile-Paul. C’est le recueil de trois dialogues philosophiques intéressants, certes, mais où l’audace de la pensée n’est point excessive.
Le premier : Philarète ou du courage, fait converser Socrate avec son disciple Philarète. Une distinction subtile s’y établit, entre le vrai courage et le faux… mais ce n’est que du courage guerrier qu’il s’agit!…
Le second : Callicrate ou la furie intellectuelle, conte l’aveuglement d’un jeune guerrier qui s’en prend à « l’intellectuel », qu’il accuse d’avoir plutôt préparé les esprits au règne de la Raison qu’à celui de la Force. Le jeune guerrier entre chez le philosophe avec l’état d’ame de Villain rôdant rue Montmartre fin juillet 1914… Mais le Callicrate de M. Benda n’est point assassiné, il fait d’abord un petit mea culpa puis, toujours subtil, comme, M. Benda lui-même, il vaticine philosophiquement cependant que le jeune Iphiclès reprend le chemin de la guerre…
Le troisième dialogue : Isaac ou la passion moraliste, s’adorne d’un épigraphe de Fontenelle. Ce dialogue est moderne : Un jeune étudiant troublé par l’horreur de la guerre, doute de la philosophie ; le docteur Snyders le console. Le docteur Snyders admet de cette guerre une explication unilatérale, et il semble bien que cela n’est guère d’un philosophe. Néanmoins, c’est un vrai penseur qui attache beaucoup plus de prix à une étude profonde qu’aux vains mouvements des hommes… toujours analogues.
M. Julien Benda est un philosophe, mais non pas un philosophe parfait. Romain Rolland naguère nous révéla le docteur Nicolaï qui nous semble bien, plus que l’imaginaire Snyders et que M. Benda digne du nom de philosophe.