La Presse Anarchiste

Au cours de la plume

Le budget du jeu

Le bud­get du jeu dans le monde fait observ­er M. Elie Gounelle dans son remar­quable opus­cule Jeu d’ar­gent et Jeux bar­bares doit être fan­tas­tique. Pour la France, il ne doit pas être inférieur à un demi-mil­liard par an.

Si l’on songe qu’il y a env­i­ron 500.000 est­a­minets, cafés, débits ou cer­cles, et si l’en éval­ue à 23 le nom­bre moyen des joueurs de cartes par semaine et par est­a­minet, et à un franc seule­ment la moyenne heb­do­madaire risquée par chaque joueur, on arrive au bout de l’an­née au chiffre de 65O mil­lions de francs risqués au jeu de cartes. Il est évi­dent que ces éval­u­a­tions sont au-dessous de la réal­ité ! Ce n’est guère que l’es­ti­ma­tion de ce qui se joue dans le peu­ple. Car enfin, il y a le jeu dans les maisons privées, qui échappe à toute appré­ci­a­tion. Il y a le temps per­du et que le joueur ne regagne jamais. Et qui saura ce qui se joue dans les milieux rich­es ? Nous devons dépass­er de beau­coup le milliard !

Il est vrai que tout cet argent prof­ite aux est­a­minets, qu’il fait par­tie du bud­get de l’al­coolisme ou… de la débauche. Un argent risqué au jeu est tou­jours un argent gaspillé.

Justice russe

« Le con­seiller privé Paniutin avait pour fonc­tion de sur­veiller la dépor­ta­tion des nihilistes dans l’île de Sachalin. Il y avait la plus de sept cents jeunes gens qu’on allait embar­quer, les uns pour des griefs sérieux, d’autres peur des vétilles, et un cer­tatin nom­bre prob­a­ble­ment par­faite­ment inno­cents. Tous devaient être con­duits dans un pays où, selon le proverbe russe, Makar n’a pas encore mené ses bestiaux.

« Quand allez-vous juger tous ces cas ? deman­da Sko­bel­eff ; cela pren­dra un temps ter­ri­ble­ment long. »

« Que par­lez-vous de juger, répon­dit le con­seiller ; il ne faut pas tant de temps pour les con­damn­er. Nous nous bor­no­ns à les déporter ; Dieu les jugera là-bas. » (Sou­venirs du pein­tre Vas­sili Verescha­gin.)

« Déportez, déportez ! Dieu les jugera là-bas ! »

C’est à peu près le mot du légat du pape au mas­sacre de Béziers :

« Tuez, tuez ! Dieu recon­naitra les siens ! » 

Et cela se dit aujour­d’hui, comme au treiz­ième siè­cle, dans l’empire de notre auguste ami et allié !

Heureuse­ment qu’en­tre l’É­vangile du vrai Christ et les soi-dis­ant reli­gions catholiques ou ortho­dox­es il y a un abîme — celui qui sépare la vie de la mort.

Drames de la misère

1. – Dans une cham­bre d’hô­tel meublé, rue des Pois­son­niers à Paris, vivaient les époux D., et leurs qua­tre enfants. Le ménage est pau­vre, la mère est malade et le père sub­vient seul aux besoins de la famille. En retard depuis quelques semaines pour payes le logeur, M. R.…. celui. ci réso­lut d’ex­pulser lui-même ses insolv­ables locataires et, une après-midi de la dernière quin­zaine, après avoir appliqué une échelle con­tre le mur afin de pénétr­er dans le loge­ment de la famille D., il mon­ta, accom­pa­g­né de sa femme.

Mais ses plans furent déjoués. Le fils de M. D., âgé de onze ans, ayant vu leurs pré­parat­ifs, fer­ma brusque­ment la fenêtre. Le logeur s’ar­ma alors d’une barre de fer et défonça la porte de ses locataires, puis il se rua sur Mme D, que sa femme avait saisie par les cheveux. Au parox­ysme de la fureur, il tira un révolver de sa poche et en menaça la pau­vre femme.

Croy­ant la vie de sa mère en dan­ger, l’en­fant cou­rut pren­dre dans le tiroir d’une com­mode un révolver appar­tenant à son père. Il en dirigea le canon vers M. R.… qui fut assez griève­ment blessé a la tête par une balle. Mme D. et son fils se rendirent alors au com­mis­sari­at de police de Clig­nan­court et se con­sti­tuèrent prisonniers.

L’en­quête ayant établi que le logeur et se femme avaient été les agresseurs, la mère et l’en­fant ont été lais­sés en liberté.

2. – Des gen­darmes en tournée sur­pre­naient un matin, il y a quelques jours, dans des cul­tures maraîchères en bor­dure du boule­vard de Stains à Aubervil­liers, deux vieil­lards qui dérobaient un sac de pommes de terre.

En vain, l’homme, âgé de soix­ante-seize ans, et sa femme, âgée de soix­ante-neuf ans, déclarèrent-ils n’avoir pas mangé depuis plusieurs jours, ajoutant qu’ils ne s’é­taient résignés à ce larcin, que pressés par la faim atroce qui les tenail­lait, les gen­darmes ont con­duit les deux mal­heureux au com­mis­sari­at de police. Il faut savoir être esclave de sa con­signe, ajoute déli­cieuse­ment le jour­nal auquel j’emprunte ce fait divers.

Sim­ple ques­tion ? M. R., le logeur de la rue des Pois­son­niers et les braves gen­darmes de Stains ont-ils jamais eu faim de leur vie ?

Méfaits alcooliques

« Quant aux motifs des sui­cides, ils sont nom­breux, fait remar­quer le Dr Soc­quet de Paris, dans un récent rap­port. Les mal­adies cérébrales et l’ivrogner­ie vien­nent en tête, puis les revers de for­tune, l’amour, la jalousie et la débauche. L’al­coolisme est la cause de presque tous les drames qui se déroulent pen­dant l’été.

« C’est par cen­taines, en ce moment, que les aliénés alcooliques afflu­ent à l’in­firmerie du Dépôt.

Voyez égale­ment la cause des drames qui se déroulent depuis quelques jours. Sur cinq meur­tri­ers il y en a qua­tre alcooliques et la pro­por­tion men­ace d’aug­menter encore. »

Lorsqu’un homme tue un autre homme, il est empris­on­né et puni comme assas­sin, déchu de ses droits civils, civiques et poli tiques, repoussé de la société comme un être indigne.

En France, 170.000 per­son­nes meurent chaque années des suites directes ou indi­rectes de l’alcoolisme.

Tous les ans, l’É­tat tire de cet empoi­son­nement, un revenu de 450 mil­lions de francs.

La plus grande dis­til­lerie de France, située dans le départe­ment de la Seine, et dont le pro­prié­taire vient d’être décoré de le croix d’Of­fici­er de la Légion d’hon­neur ! ! paie à l’É­tat, sur ses alcools, un impôt annuel de 15.000.000 de francs.

L’universelle se recherche

De G. Clé­menceau dans la Mêlée Sociale :

« À cet égard, incré­d­ules ou croy­ants d’au­jour­d’hui en sont au même point. Sous des formes dif­férentes, avec des for­mules var­iées, ce qu’ils cherchent d’un même désir, d’une même anx­iété, c’est la pitié de l’im­placa­ble univers, c’est la bon­té de l’in­sen­si­ble loi, c’est la jus­tice de la force. Ils inter­ro­gent le ciel et scru­tent la planète, et s’analy­sent, et raison­nent d’eux-mêmes, cher­chant à tâtons dans la nuit la jus­ti­fi­ca­tion des choses. Les uns la trou­ve dans une divinité sou­veraine, les autres, en eux-mêmes, dans leur seule con­cep­tion du bien et du beau. Au fond, tous sen­tent de même, tous cherchent la sat­is­fac­tion d’un besoin nou­veau, d’une faim nou­velle qui com­bat l’autre, une faim de jus­tice, une faim de bon­té qui pré­tend régler d’une loi supérieure l’ap­pétit des organes de la vie végétative. »

C’est ce que le Christ a voulu faire en étab­lis­sant le « Roy­aume de Dieu » sur cette pau­vre terre. Lisez le « ser­mon de la Mon­tagne ». La promesse est : Vous serez heureux. Et il ne dépend que de nous de l’être, si nous suiv­ons sa doctrine.


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