La Presse Anarchiste

Charité ou aumône

C’est que l’on a dénaturé, appau­vri, dimin­ué l’idée de la char­ité en l’i­den­ti­fi­ant avec l’aumône. L’aumône est néces­saire tant qu’on ne l’a pas rem­placée par quelque chose de meilleur ; mais elle n’épuise pas, loin de là, l’idée de la char­ité ; au con­traire elle peut con­stituer une dis­pense d’être vrai­ment char­i­ta­ble, un moyen de con­gédi­er au plus vite le prochain, le frère déshérité, pour ne pas regarder de près sa mis­ère et se charg­er d’une part de son fardeau. Mais la vraie char­ité com­plète, c’est la fra­ter­nité, celle qui se met au niveau de ceux que l’on veut aider, qui sent avec eux et pour eux, qui leur épargne les froisse­ments et les humil­i­a­tions, qui, par dessus tout, leur fait jus­tice.

Pourquoi donc sépar­er et oppos­er l’une à l’autre la char­ité et la jus­tice ? Enten­dues comme elles doivent l’être, elles se con­fondent ou du moins se rejoignent dans une vivante unité ; la char­ité est le motif intérieur sans lequel les actes per­dent la moitié de leur valeur ; elle est le don du cœur, précé­dant et inspi­rant une con­duite juste et frater­nelle. Unie à elle, la jus­tice s’élève de la for­mule toute néga­tive : « Ne pas faire aux autres ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fit » à cette autre plus pos­i­tive : « Faire aux autres tout ce que vous voudriez qu’on vous fit. » C’est dans ce sens que les chré­tiens soci­aux dis­ent avec Ch. Secrétan :

« Il faut que cette civil­i­sa­tion se puri­fie et se trans­fig­ure dans le feu de la char­ité ou qu’elle s’écroule dans l’in­cendie allumé par la haine qui cou­ve partout. »

H. Appia


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