Dans le Nord, — domaine incontesté du christianisme social — se présente une splendide occasion qui pourra nous donner la mesure de ce que peuvent faire les chrétiens sociaux, ou plutôt, les vrais disciples du Christ, — j’ai nommé les « Corridas » avec mise à mort qu’on s’efforce d’implanter dans la région.
Que les courses de taureaux soient un spectacle ignoble, infâme, dépravant, personne n’en doute. Je renvoie à l’article de notre ami Méaly publié d’autre part et je me contenterai d’extraire d’un grand quotidien de Paris, les lignes suivantes prises dans un compte rendu d’un de ces dégoutants spectacles :
La bête s’acharna sur lui, exaspérée, voyant rouge, lui arrachant les entrailles, lui faisant jaillir les viscères. Et lorsque cette pauvre forme humaine, déchiquetée, dépecée, réduite à l’état de bouillie sanglante, put enfin être emportée hors de l’arène, la foule d’hommes, de femmes, d’enfants, ivre de joie, battit des mains et acclama le taureau !…
Ça suffit, n’est-ce pas.
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Quelle a été l’activité des chrétiens sociaux jusqu’à présent ?
Elle s’est bornée avec quelques coups de sifflets isolés au torodrome lors de la corrida du 25 août — avec femmes-toreadores, s’il vous plaît — ; elle s’est bornée, dis-je :
- À l’affichage des petites étiquettes assez spirituelles comme LES TAUREAUX DEMANDENT L’APPLICATION DE LA LOI GRAMMONT. —.OU SONT LES FAUVES ? DANS LES TRIBUNES, etc.
- À l’affichage de la protestation suivante, qui, elle, a eu une portée morale dont il serait injuste de méconnaître la valeur :
[|Citoyens honnêtes|]
Pour l’honneur de notre Patrie !
Pour enrayer la démoralisation déjà si grande dans notre cité.
Pour conserver auprès des nations environnantes le beau renom de la galanterie française.
Nous ne laisserons pas passer sous silence le fait que le 18 août des animaux seront martyrisés et que des femmes exposeront leur vie pour l’amusement de quelques blasés.
En vain les administrateurs du torodrome s’efforceront-ils d’acclimater chez nous ces jeux barbares.
Ils n’y réussiront pas !
1. – Parce que le peuple français a encore du cœur et qu’il protestera au nom de l’humanité.
2. – Parce qu’il protestera au nom de la loi qui représente des siècles de labeurs et de luttes.
Et enfin parce que les honnêtes gens de tous les partis et les chrétiens de toutes dénominations s’abstiendront d’aller aux courses de taureaux et feront contre ce sport de décadents, une propagande énergique et incéssante.
Pour l’honneur de la France
Pour la morale et pour le Christ.
Un groupe de Chrétiens.
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Voilà ce qui a été fait.
Pouvait-on et devait-on faire davantage ?
Il y a là, je le répète, l’occasion de montrer ce que peuvent faire une poignée d’hommes et de femmes imbus de l’esprit chrétien. Et leurs efforts doivent tendre à la suppression de ces exhibitions sanguinaires.
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Une nouvelle course a lieu le 15 septembre. La question se résout à savoir si les chrétiens militants de la région la laisseront avoir lieu.
Un mot pour terminer.
Si l’activité des chrétiens sociaux de la contrée obtient la suppression des boucheries du torodrome de Croix, qui nous dit les conséquences prochaines ou lointaines ?
Qui sait si l’occasion ne se présentera pas d’intervenir dans un de ces conflits que créent la déplorable situation économique actuelle ? Qui sait même si l’influence acquise ne permettra pas de créer ce courant qui attire la foule vers ceux dont l’énergie lui paraît sincère, vers ceux qui font ce qu’ils disent et qui poussent la conviction jusqu’au sacrifice, jusqu’au martyre.
On peut être certain que l’Ère Nouvelle s’intéresse vivement à la question.
E. Armand