La Presse Anarchiste

À travers les périodiques

Voici une excel­lente semaine, tout à fait favor­able au « Mau­vais Esprit », dont je souhaite l’avène­ment puisqu’il est défini­tive­ment réha­bil­ité par les réal­i­sa­tions de l’autre. 

N’est-ce pas en ver­tu de ce dernier que le général Debeney (met­tez-vous donc au garde-à-vous, je vous prie) écrit à pro­pos d’une enquête sur les livres de guerre cette phrase savoureuse : « Il faudrait que les écrivains s’at­tachent (sic) à met­tre en lumière le côté noble de la guerre. » Et plus loin : « Leur tal­ent saura ani­mer ces tableaux et y intro­duire l’at­trait du romanesque. »!!

Voilà ce qui s’ap­pelle par­ler ; on ne peut plus ingénu­ment pré­conis­er le bour­rage des crânes.

Cepen­dant les con­seils du général ne sem­blent guère être suiv­is, si l’on con­sid­ère les derniers suc­cès rem­portés par les ouvrages qui ont flétri le plus grand crime des hommes. Quant à la pro­pa­gande orale, elle se man­i­fes­ta de façon magis­trale au procès Guil­lot où Han Ryn­er, Georges Pioch, Féli­cien Chal­laye, l’ab­bé Bach et le pas­teur Ros­er qui ne marchent pas avec leurs trou­peaux défendirent ardem­ment la ques­tion à l’or­dre du jour : « L’ob­jec­tion de Conscience ».

Mar­cel Theureau, dans la Voix Lib­er­taire, fait une copieuse nar­ra­tion de ce que fut ce procès dont la con­clu­sion n’est pas pour nous éton­ner, mais dont le reten­tisse­ment sera sans doute plus grand que ne l’eussent désiré les juges. Le Lib­er­taire avait d’ailleurs relaté le procès avec des com­men­taires fort spirituels.

Dans Monde, Léon Werth nous par­le du nou­veau culte du Bour­geois pour la pein­ture. Comme il le dit très juste­ment, « la spécu­la­tion et le sno­bisme com­binés ont don­né au tableau une force de péné­tra­tion qu’on ne lui avait point encore con­nue.»

J’ai beau­coup goûté dans l’En dehors, qui débute par une fresque de haute tenue signée d’Ar­mand, un arti­cle d’E­douard Bertran sur le Ban­ditisme anar­chiste. Rap­pelant le fameux classe­ment de Maxwell qui divise les crim­inels en deux caté­gories : « le rétro­grade » et « l’an­téro­grade », Bertran nous mon­tre, et sans aucun para­doxe, l’e­sprit con­ser­va­teur réac­tion­naire, rétro­grade, en un mot, de ceux dont la crim­i­nal­ité dépend de raisons tout autres qu’une déter­mi­na­tion due au mau­vais ordre social. Je suis pleine­ment de son avis. La pègre devient d’ailleurs aus­si vul­gaire que la bour­geoisie. Plus ça va, plus elle s’a­co­quine avec son époque ; les escarpes par­lent le lan­gage de nos dra­maturges : hon­neur, jalousie, courage ; les bals musettes, chers à Fran­cis Car­co, sont rem­plis de têtes à képis : « bien élevés », ces gars-là eussent fait d’ex­cel­lents adjudants.

Dans Le Semeur, Bar­bé flétrit « l’opin­ion publique » et démon­tre son mécan­isme agencé par des intérêts par­ti­c­uliers. Une grande page est con­sacrée à l’ob­jec­tion de con­science, à Guil­lot, à Odéon ; Romain Rol­land et Vic­tor Mar­guerite soulig­nent le geste de l’ob­jecteur en quelques lignes courageuses et puis­santes. Nous voilà loin, avec eux, de tous ces paci­fistes-eunuques, bêlants, jésuites à réti­cences, qui répon­dent chaque fois que la ques­tion leur est posée : « Oui, je suis con­tre la guerre, en principe… car enfin.. si on nous attaquait ! »

J’ai beau­coup goûté le bref arti­cle de Chris­t­ian Lib­er­tar­ios dans la Voix Lib­er­taire. L’au­teur nous rap­pelle trois inep­ties que les patri­otes pro­fes­sion­nels ser­vaient quo­ti­di­en­nement à l’ar­rière, gen­darme de l’a­vant. En voici une qui fut com­posée par Théodore Botrel :

« Je vous salue Ros­alie pleine de charmes. La vic­toire est avec nous. Vous êtes bénie entre toutes les armes. Que votre pointe qui fouille les entrailles des Boches soit bénie. Ain­si soit-il. »

Je vous laisse le plaisir de lire les deux autres insan­ités, celle d’Hen­ri Lavedan (un Cre­do, ma foi) et l’autre, un Pater Nos­ter, qui débute ain­si : « Notre Jof­fre, qui êtes au feu. »!!!

Aurèle Patorni.

N. B. — J’ap­prends à l’in­stant la con­damna­tion du récent objecteur : Odéon, plus rigide que le Con­seil de Guerre, exé­cu­teur de Guil­lot, où la défense put être enten­due, le con­seiller à la Cour d’Ap­pel qui présidait s’op­posa à tout développe­ment des témoins pou­vant jus­ti­fi­er l’at­ti­tude de l’ac­cusé. Mal­gré l’élo­quence de Me Tor­rès, qui déposa des con­clu­sions pour pro­test­er con­tre cette atteinte aux droits de la défense, celle-ci fut une fois de plus tenue pour nulle et non avenue.

A. P.


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