La Presse Anarchiste

Résistance

Toi, rêveur soli­taire, être incompréhensible
A la foule des gens qui for­maient « ton pays ».
Toi, qui par la pen­sée aus­si nous a trahis
 — En pré­voyant nos maux — tu n’es point invincible.
Le Monde se trans­forme et tu n’es qu’un manant
Dans la foule, il faut donc te taire maintenant.

Tu ne rever­ras plus ces époques passées
Où chaque indi­vi­du gui­dé par ses désirs
Pou­vait perdre son temps, se gri­ser de plaisirs
Au lieu d’œu­vrer en vain ; vivre avec ses pensées
Hors la Socié­té. Rentre dans le courant
Par force, mal­gré toi, comme coule un torrent.

Il n’est plus désor­mais de cause personnelle,
Il n’est qu’un seul des­sein et c’est la nation
Qui com­mande l’ef­fort, car la moindre action
Doit ser­vir le pays, toute autre est criminelle.
Et les hommes iront, enfin, vers l’Unité (?)
Après s’être cou­verts, de lâche indignité.

L’on ne per­met­tra plus les êtres qui divaguent
Ou res­tent dans l’abs­trait, les oisifs et les fous.
Bien­tôt l’on taxe­ra même les rendez-vous.
Bien­tôt tous les humains seront comme les vagues
De l’o­céan, n’ayant pour but qu’un résultat :
Le plai­sir de ser­vir pour que vive l’État.

Tu chan­te­ras poète — ain­si le veut ton rôle
Les ver­tus des grands chefs, leur belle mission,
Et tu récol­te­ras ta rétribution,
Comme un bon fonc­tion­naire, un sol­dat qui s’enrôle,
Car l’É­tat ne veut pas que ta plume se perde
L’É­tat veut te sau­ver. Le veux-tu ? Réponds !

Merde !…

Léo­nev (2 jan­vier 1941)

Or, en 1946 la Résis­tance continue…

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