mériter et ramasser, en flattant ses manies, les applaudissements de la foule ;
On peut, en se courbant bien bas, décrocher les honneurs, les distinctions, la notoriété,
passer tous ses jours a croître à l’ombre des grands de ce monde,
trouver le but de sa vie à faire du bruit autour de soi et ne se complaire que dans la recherche de la célébrité, même malsaine !
On peut n’avoir, comme but de ses efforts, que de faire de bonnes affaires,
sacrifier toute autre considération à l’accumulation des billets de banque,
n’envisager êtres, bêtes et choses qu’au point de vue du bénéfice qu’on en peut tirer,
être prêt à immoler chacun et tous sur l’autel de ses intérêts pécuniers,
suer sang et eau, peiner le jour et veiller la nuit pour remplir ses coffres,
être poursuivi jusqu’en ses songes par l’appât de l’argent !
Mais on peut aussi tout simplement assigner comme but à son existence
de rendre heureux quelqu’un que le destin, comme par hasard, a placé sur votre sentier,
quelqu’un qui se morfondait, amer et tourmenté, dans l’ombre, et que votre rencontre
a sorti des ténèbres. Quelqu’un pour qui vous êtes ciel ensoleillé, nuit étoilée,
compréhension de la vie et joie d’exister. Quelqu’un qui, si vous lui manquiez,
retomberait dans les ténèbres et le dégoût d’être. Et cet but-là
ne passe-t-il pas la recherche de l’illustration ou de la richesse ?
2 juillet 1942. E. Armand