La Presse Anarchiste

Du haut de mon mirador

Il n’est peut-être pas trop lard pour rap­pel­er les paroles qui suiv­ent, extraites du tes­ta­ment du com­mu­nard Gus­tave Lefrançais, qui se mon­tra tou­jours scep­tique, d’ailleurs, à l’é­gard de l’anarchisme :

« Je meurs, de plus en plus con­va­in­cu que les idées sociales que j’ai pro­fessées toute ma vie et pour lesquelles j’ai lut­té autant que j’ai pu sont justes et vraies. Je meurs, de plus en plus con­va­in­cu que la société au milieu de laque­lle j’ai vécu n’est que le plus cynique et le plus mon­strueux des brig­andages. Je meurs, en pro­fes­sant le plus pro­fond mépris pour tous les par­tis poli­tiques, fussent-ils social­istes, n’ayant jamais con­sid­éré ces par­tis que comme des groupe­ments de sim­ples, mais dirigés par d’éhon­tés ambitieux, sans scrupule ni vergogne.

Pen­sons que face aux faits poli­tiques actuels, la posi­tion du proud­honien Lefrançais resterait la même.

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Dans les pris­ons améri­caines, con­damnés à de lour­des peines, végè­tent encore 3.000 objecteurs de con­science. Vingt intel­lectuels anglais bien con­nus vien­nent d’adress­er au prési­dent Tru­man une let­tre col­lec­tive récla­mant l’am­nistie en faveur de ces vic­times de la démoc­ra­tie roo­sevel­ti­enne. Sig­nalons par­mi les sig­nataires : Fen­ner Brock­way, T. S. Eliot, A. Koestler, Bertrand Rus­sell, G. B. Shaw, etc.

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Une récente émis­sion de la Radio « Réponse à Tout » était con­sacrée à la pros­ti­tu­tion, émis­sion nuancée, comme on le pense bien, mais où il fut dit des choses intéres­santes. Entre autres, une par­tic­i­pante à cette émis­sion ― Mme Joliot-Curie ― pro­posa de don­ner aux pros­ti­tuées un statut légal, de les recon­naître comme exerçant un méti­er sem­blable aux autres métiers, avec droit aux assur­ances sociales, etc. Au fait, puisqu’on con­sid­ère comme pro­fes­sion admise celle des entremet­teurs qui pro­posent de met­tre en rela­tions en vue du mariage les lecteurs des jour­naux qui insèrent leurs annonces, on ne voit pas pourquoi, les maisons clos­es étant sup­primées, on ne plac­erait pas sur le même pied que ces prox­énètes paten­tés, les pro­fes­sion­nelles de la pros­ti­tu­tion. Quoi qu’il en soit de cette opin­ion, il paraît que des « mères de famille » des mem­bres de Ligues de moral­ité publique, ont protesté con­tre cette émis­sion — mal­gré le ton réservé de l’échange de vues auquel il don­na lieu. Est-ce que nous allons être assail­lis a nou­veau par cette vague d’hypocrisie sex­uelle qui niera la pros­ti­tu­tion parce parce qu’on aura fer­mé, les maisons d’il­lu­sion ? Il est vrai que le ridicule ne tue plus, en notre chère France.

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D’ailleurs, ce n’est pas que chez nous que règne l’ig­no­rance en matière de sex­u­al­isme. Free­dom du 1er juin dernier, nous donne le compte ren­du d’une réu­nion tenue à Lon­dres ayant pour titre « Le Sexe et la Pros­ti­tu­tion » où le con­férenci­er a véhé­mente­ment attaqué l’at­ti­tude du gou­verne­ment anglais quant au fait sexuel.

Cette atti­tude, basée sur la morale chré­ti­enne, donne les résul­tats suiv­ants : oppo­si­tion à toute édu­ca­tion sex­uelle et igno­rance des moyens de se préserv­er des mal­adies vénéri­ennes — obsta­cles à la dif­fu­sion d’in­for­ma­tions con­cer­nant la lim­i­ta­tion volon­taire des nais­sances (Birth Con­trol) ― lois con­tre l’a­vorte­ment favorisant la clan­des­tinité en cette matière, tou­jours plus prof­itable aux rich­es qu’aux pau­vres, bien enten­du — lois con­cer­nant « maisons de débauche » (dis­oder­ly bous­es) qui donne à l’É­tat des pou­voirs éten­dus lui per­me­t­tant d’empiéter sur l’in­tim­ité et la lib­erté indi­vidu­elle. C’est ain­si que même à titre gra­tu­it, recevoir chez soi des gens non mar­iés pour y faire l’amour, con­stitue un délit et la police se mon­tre tra­cas­sière inquisi­to­ri­ale à un degré inouï. Que serait-ce si l’É­tat deve­nait l’u­nique pro­prié­taire immo­bili­er ? — enfin priv­ilèges réservés aux cou­ples mar­iés légale­ment par rap­port à ceux qui ne le sont pas (allo­ca­tions famil­iales, sec­ours médi­caux, délivrance de passe­port, indem­nités et pen­sions en cas de divorce, etc.)

Le con­férenci­er, Albert Craig, réclame la dif­fu­sion, comme nous le faisons ici, d’une édu­ca­tion sex­uelle inté­grale. En atten­dant, nous devons prêch­er d’ex­em­ple, dit-il, en abor­dant ces sujets avec autant d’in­tel­li­gence et d’hu­maine com­préhen­sion que possible.

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De quoi réjouir les non-con­formistes en matière amoureuse !

Nous avons été comblés de ren­seigne­ments con­cer­nant ces Ori­en­taux qui meurent à 150 ans et même davan­tage, ayant épousé dix ou vingt ans aupar­a­vant leur sep­tième femme et engen­dré une progéni­ture floris­sante autant que nom­breuse. Voici que du Ken­tucky aux États-Unis, nous arrive la nou­velle du mariage d’un jeune homme de 18 ans avec une veuve comp­tant 79 print­emps (veuve depuis 17 ans) sa voi­sine. Le cer­ti­fi­cat prénup­tial a révélé chez l’un et l’autre une excel­lente réac­tion san­guine. Et ce n’est nulle­ment une union intéressée, puisque la veuve en ques­tion perd, en se mari­ant, droit à sa pen­sion de vieillesse.

Il y a aus­si le mariage de Mist­inguette (date de nais­sance. indéter­minée), avec un jeune ténor ital­ien. Mais ceci est une autre histoire.

Il est salu­taire quand même que le « droit à l’amour pour les âgés » ne s’ex­erce pas à sens unique.

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Dans The Word de juin, Alice Park s’oc­cupe des enfants qui, en Angleterre, à l’aide d’armes à feu, sup­primèrent soit leurs com­pagnons de jeux, soit d’autres per­son­nes, et ce pour l’an­née 1944. Leur âge s’é­tage de neuf à 15 ans et leurs vic­times d’un enfant de trois ans a… une grand-mère. Trois enfants, âgés de 12, 12 et 10 ans, ont même été con­damnés, pour meurtre avec prémédi­ta­tion, à de sévères châtiments.

Et, dans la plu­part des cas, les armes util­isées apparte­naient aux par­ents. Et ce sont les par­ents qui en avaient appris l’usage à leurs enfants. À quoi il faut ajouter les armes-jou­ets, les jeux guer­ri­ers dont l’in­flu­ence néfaste ne sera jamais suff­isam­ment dénoncée.

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Dans le Dai­ly Mail du 1er juin dernier une cor­re­spon­dante qui signe « A colo­nial girl » déplore qu’à la prison. de Fresnes se trou­vent des mal­heureux qui n’ont jamais été des traîtres ou des col­lab­o­ra­teurs, mais qui sont enfer­més sur la dénon­ci­a­tion de soi-dis­ant patri­otes dont l’héroïsme con­siste à dénon­cer, parce qu’ils les trou­vaient gênants ou par jalousie tout sim­ple­ment, des con­cur­rents absol­u­ment inno­cents des faits qu’on leur reproche. Il faut que ces choses-là soient dites et dif­fusées. N’est-ce pas une honte de main­tenir sous les ver­rous des gens con­tre lesquels aucune accu­sa­tion ne peut être retenue ?

Certes, la IVe République était belle… sous l’occupation.

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Le même quo­ti­di­en pub­lie un compte ren­du d’un ouvrage « Toute la vérité sur l’af­faire de la Cagoule » (Librairie des Sci­ences et des Arts, 80fr.). dans lequel Joseph Désert racon­te com­ment on assas­si­na Marx Dor­moy, l’an­cien min­istre socialiste

Il venait d’être libéré du camp de Vals et placé en rési­dence sur­veil­lée à l’hô­tel du Relais de l’Em­pereur, à Mon­téli­mar. Là une cer­taine Anna Mouraille, cagoularde, se présente à lui pour le con­sol­er, elle gagna l’ami­tié et l’af­fec­tion de Dor­moy, sous le lit duquel, le 21 juil­let 1941, elle plaça une bombe qui devait explos­er à minu­it, ce qui eut lieu, et l’an­cien min­istre fut réduit pièces ! On ne sait ce que Anna Mouraille est devenue.

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On lit cela et on passe. N’a-t-on pas, de l’autre côté de la bar­ri­cade, à se reprocher des « liq­ui­da­tions » aus­si crim­inelles. On lit cela, dis-je, et on apprend, sans s’en éton­ner out­re mesure, que dans tel hameau de la Haute-Vienne, un ancien mil­i­taire avait fab­riqué une machine infer­nale pour se débar­rass­er d’un mari gênant — pas telle­ment gênant puisqu’il ne s’é­tait pas opposé aux rela­tions que sa femme entrete­nait avec son futur meur­tri­er et, pour éviter une rup­ture, éle­vait avec les siens, l’en­fant né de ces relations.

La machine infer­nale n’a pas don­né les résul­tats escomp­tés, le mari est tou­jours vivant et la femme affirme n’avoir trem­pé en rien dans l’af­faire. Évidemment.

Et, me dira-t-on, est-ce sur ce fait divers que vous étayez la thèse « plu­ral­iste » de l’U­nique ? Bien sûr que non, notre thèse est à l’usage d’êtres raisonnables, pos­sé­dant la maîtrise de soi, capa­bles de pass­er con­trat, et non de désaxés ou de demi-fous dont la place est tout indiquée dans des étab­lisse­ments psychiatriques.

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Mme Bio De Casseres nous écrit qu’aidée de Winifred Duun, elle pré­pare une biogra­phie de celui qui fut un des plus bril­lant col­lab­o­ra­teur de l’en-dehors et qu’elle entend con­sacr­er le reste de sa vie à l’im­mense tâche de mise en ordre de ses œuvres. Jeanne Hum­bert n’a pas non plus pen­sé que la mort de son com­pagnon dût le faire oublier.

On nous accusera peul-être de sen­si­b­lerie, mais nous pré­ten­dons que de tels exem­ples sont récon­for­t­ants, con­solants et nous reposent de l’in­sou­ciance, du j’m’en-foutisme et de l’in­sen­si­bil­ité ambiante.

Qui Cé


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