La Presse Anarchiste

L’imprimé, la scène, l’écran

Jean Hyti­er : André Gide, avec qua­tre por­traits inédits (Ed. Char­lot, 140 fr.). —M. Jean Hyti­er, en écrivant cet ouvrage s’est placé au point de vue où l’au­rait souhaité Gide lui-même : le point de vie esthé­tique. Naturelle­ment, il me faudrait un autre espace que celui dont je dis­pose peur ren­dre con­ven­able­ment compte de cet ouvrage con­sacré à un homme qui demeure l’un de nos plus grands écrivains con­tem­po­rains. Qu’il s’agisse des pros­es lyriques ou des œuvres ironiques, des réc­its, du théâtre, des romans, M. Hyter demeure fidèle à l’idée qu’il a conçue de la man­i­fes­ta­tion gidi­enne, ce qui ne lui fait pas oubli­er qu’«en sec­ond lieu » Gide est aus­si un moral­iste et un péd­a­gogue. « Il a ça dans le sang » comme me dis­ait quelqu’un pour qui son œuvre n’a pas de secret

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KAFKA : Jour­nal intime (intro­duc­tion et tra­duc­tion) de Pierre Klos­sows­ki, Ed. Gras­set, 120fr.). Je ne puis cel­er quels sen­ti­ments hési­tants, mor­bides, acca­blants m’ont accom­pa­g­nés tout au long de la lec­ture de ce « jour­nal » pour­tant sym­pa­thique puisqu’on y sent pal­piter une âme frêle, irré­solue, trop tour­men­tée encore par des influ­ences judaïques, des­tinée à la mort prochaine. Évidem­ment, il y a à glan­er dans ce livre, mais rien qui vous pousse, vous emporte, fasse de vous quelqu’un qui « par­tit en vain­queur et pour vain­cre ». Je cite sans choisir : « la tac­i­tur­nité est l’un des attrib­uts de la pléni­tude » — « Libre à toi de t’é­carter des souf­frances de ce monde, cela répond à ta nature, mais peut-être le fait de t’é­carter est-elle la seule souf­france que tu puiss­es éviter » — « la fréquen­ta­tion des hommes porte a s’é­gar­er dans l’ob­ser­va­tion de soi-même»…

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AU CŒUR DE LA NUIT. — Après « L’É­trange Rêve»… « Au Cœur de la Nuit » (In dead night), fil­in psy­ch­an­a­ly­tique ? Film curieux, où sous pré­texte de présen­ter de l’in­con­naiss­able débité en tranch­es, on replace le ciné­ma dans sa sit­u­a­tion pre­mière de moyen d’ex­pres­sion du mer­veilleux et du fan­tas­tique. On a dit quelque part que pour goûter vrai­ment le Ciné­ma, il faut pos­séder l’âme d’un enfant, écoutant un con­te de fées. Pour appréci­er des ban­des comme Blind Alley, In Dead Night, ressen­tir le fris­son de ter­reur indis­pens­able aux moments voulus, il faut en effet rede­venir « pareils à des petits enfants ». Le ciné­ma ne manque ‑t-il pas son des­tin quand il exige de nous aune chose ? 

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« Apuntes » — Voici devant moi le dernier fas­ci­cule d’A­puntes, le petit cahi­er men­su­el où Elias Jimenez Rojas, le Sage de San José de Cos­ta-Rica, exhor­tait, cri­ti­quait, tradui­sait, extrayait. Ce n’é­tait pas qu’un sage, s’é­tait aus­si un savant, for­mé en Europe aux dis­ci­plines sci­en­tifiques, au demeu­rant un bon et brave homme, qui ne red­outait pas la mort et s’en est allé silen­cieuse­ment par une nuit d’oc­to­bre 1945, comme il l’avait souhaité, sans souf­france. Depuis des lus­tres, je rece­vais les péri­odiques que Rojas pub­lia suc­ces­sive­ment : Eos, Repro­duc­tion, Apuntes ; il s’y mon­trait indi­vid­u­al­iste, libéral, enne­mi acharné de toutes les tyran­nies, de tous les sys­tèmes visant à faire de l’u­nité humaine un numéro, un matricule, un par­ti­san. Il s’in­surgeait sans éclats de voix, calme­ment, sûr de lui. Il ne pen­sait pas comme tout le monde, son style lui était per­son­nel, on recon­nais­sait l’austérité de ses moeurs ; il se con­cen­trait dans ses recherch­es et ses études. Matéri­al­iste con­va­in­cu, Atom­iste, il pos­sé­dait un fonds de spir­i­tu­al­isme, pas trop, juste le néces­saire. Sig­nalons que cet ultime fas­ci­cule d’A­puntes, dont Rojas avait porté la copie à l’im­primerie, con­tient la tra­duc­tion d’une étude de Rudolf Rock­er sur les « Cor­ri­entes lib­erales en los Esta­dos Unidos », où une large part est faite à l’in­di­vid­u­al­isme anar­chiste et à ses revendications.

E. A.


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