La Presse Anarchiste

Pensées féminines

Pour répondre au cama­rade du sexe mas­cu­lin qui a adres­sé le reproche au sexe fémi­nin de son manque d’ex­pan­si­bi­li­té dans l’U­nique, et me sen­tant pro­vo­quée du fait que j’ap­par­tiens moi-même à ce sexe (ce dont il n’y a pas de quoi se van­ter), ce sexe dit : beau mais « faible » ce qui est dis­cu­table, car, pour ma part, je le dési­re­rais sur­tout plus beau mora­le­ment, au risque d’être moins beau phy­si­que­ment (bien que l’un ne devrait pas empê­cher l’autre). En effet, cette trans­for­ma­tion chan­ge­rait sen­si­ble­ment la face du monde. Oui ! Ce sexe « faible » influence beau­coup le sexe dit : « fort » — n’est-ce pas Messieurs ?

Je reviens au sujet, c’est-à-dire à la réponse :

Pour ma part, étant, je crois, véri­ta­ble­ment et peut-être affreu­se­ment indi­vi­dua­liste, je n’é­prouve pas le besoin de publier mes pen­sées qui, je le sais par expé­rience, risquent d’être plus ou moins bien inter­pré­tées, ce qui me ferait beau­coup de peine. Cha­cun agit à sa guise, selon ses propres rai­sons. Je ne sais s’il y a des cama­rades fémi­nines qui sont de mon avis, mais à part quelques excep­tions, je crois que notre sexe est beau­coup plus sage et moins ambi­tieux. Nous savons nous conten­ter d’un petit cercle d’a­mis choi­sis dans le grand cercle ambiant, amis envers les­quels nous nous mon­trons telles que nous sommes, avec nos défauts et qua­li­tés ; c’est alors que par­fois il arrive que nous nous replions sur nous-mêmes, nous aper­ce­vant que ce petit cercle « choi­si » ne fait aucun effort pour nous com­prendre, soit par indif­fé­rence, soit par pur ins­tinct de domi­na­tion, ce qui revient au même.

Quant à la pro­pa­gande par les idées trans­crites noir sur blanc, j’en suis encore à me deman­der si vrai­ment c’est de la bonne pro­pa­gande, car elle met tou­jours la sin­cé­ri­té en doute (pour qui s’en sou­cie, évi­dem­ment). Pour moi, main­te­nant, seuls les gestes, les com­por­te­ments objec­tifs et les réac­tions spon­ta­nées me prouvent la sin­cé­ri­té des cama­rades. Vous savez, hélas ! comme moi que beau­coup trop par­mi les nôtres sont loin de mettre leur vie en har­mo­nie avec les idées qu’ils défendent si ardem­ment, mais ver­ba­le­ment seule­ment, au cours de nos longues discussions.

Je sais qu’il est dif­fi­cile d’être sin­cère avec soi-même dans la socié­té actuelle, mais il ne faut pas non plus mettre tou­jours cette socié­té en cause, car ce sont « nous les Hommes » en géné­ral qui la com­po­sons, cette mau­dite socié­té. Or, chez, nous qui nous pré­ten­dons des « sur­hommes » donc consti­tuons une socié­té supé­rieure, n’a­vez-vous jamais remar­qué comme il y a peu de dif­fé­rence avec l’autre socié­té ? Si vous saviez comme cela m’at­teint per­son­nel­le­ment quand il m’ar­rive de le consta­ter, vous com­pren­driez pour­quoi je vous parais si affreu­se­ment individualiste.

Comme le répète un de nos cama­rades pari­siens, nous ne sommes que des bêtes… C’est très bien d’en avoir conscience, mais ce qui serait mieux c’est de nous rendre compte que nous pou­vons être des ani­maux supé­rieurs en nous ser­vant « avan­ta­geu­se­ment » des dons dont Dame Nature nous a si géné­reu­se­ment fait cadeau, telles : l’in­tel­li­gence et la volon­té, je n’ose dire la bon­té (à cha­cun selon ses propres moyens, évi­dem­ment)! Et sur­tout lors­qu’on n’en a pas trop pour soi, ne devrait-on pas s’oc­cu­per des autres par soi-disant altruisme ou autre raison.

Il me semble, pour conclure, qu’en effet si cha­cun se sou­ciait sur­tout de sa propre per­son­na­li­té, de sa propre beau­té inté­rieure, le monde fini­rait peut-être par tour­ner rond et être enfin plus habi­table. C’est une chose en laquelle je n’ai plus foi. Cepen­dant je crois quand même en la sin­cé­ri­té et en la beau­té inté­rieure de quelques-uns de nos cama­rades. Et ceci me console de cela. 

Kene­ta

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