La Presse Anarchiste

Comment assurer la fonction sexuelle

[(Nous avons reçu l’ar­ticle ci-des­sous en réponse à l’é­tude du Dr P. Vigné d’Oc­ton. Nous l’in­sé­rons, tout en regret­tant que notre ami ne soit plus là pour y répondre ou faire connaître les réflexions que ledit article aurait pu sus­ci­ter de sa part. )]

J’ai sous les yeux la deuxième par­tie d’un article du Dr Paul Vigné d’Oc­ton, inti­tu­lé : « Com­ment, assu­rer la fonc­tion sexuelle », article dans lequel il cite de longs pas­sages de « Régé­né­ra­tion » du Dr O. Z. Hanish et de « Renais­sance indi­vi­duelle », d’a­près Hanish par Car­los Runge. À ce pro­pos, le Dr Vigné d’Oc­ton attire l’at­ten­tion sur une soi-disant confu­sion qu’au­rait faite le Dr Hanish entre les glandes externes et internes. Or, loin de les confondre, le Dr Hanish a constam­ment insis­té, dans ses cours et confé­rences publiques — que j’ai eu le grand pri­vi­lège soit de suivre, soit de tra­duire — sur la dif­fé­rence entre les sécré­tions internes des glandes endo­crines et les sécré­tions glan­du­laires externes, par­ti­cu­liè­re­ment celles des glandes géni­tales, aus­si bien fémi­nines que masculines. 

Les gardes internes sécrètent des hor­mones, qui sont ver­sées dans le sang. Les glandes externes des tes­ti­cules sécrètent le sperme, dans lequel nagent les sper­ma­to­zoïdes. Lorsque le sperme n’est pas éja­cu­lé, les sper­ma­to­zoïdes sont résor­bés par conju­gai­son avec les cel­lules épi­thé­liales, de carac­tère fémi­nin. Cette conju­gai­son est com­pa­rable à une fécon­da­tion inté­rieure, une auto-fécon­da­tion, qui consti­tue la « régé­né­ra­tion » ou « renais­sance indi­vi­duelle ». De cette résorp­tion des sper­ma­to­zoïdes résultent des sels et des essences vola­tiles, qui sont entraî­nés dans la lymphe, puis conver­tis en éther dans la plèvre par l’ef­fet de la res­pi­ra­tion. Ces éthers montent alors à tra­vers les tis­sus cel­lu­laires et pénètrent, jus­qu’à la matière grise dont ils excitent l’é­tat vibra­toire. Les vibra­tions sont trans­mises aux cel­lules céré­brales, qui en sont rani­mées, voire réveillées d’un état jus­qu’a­lors léthargique. 

Chez la femme, le corps jaune qui se forme dans l’o­vaire après l’ex­pul­sion de l’o­vule joue un rôle tout à fait ana­logue à celui des sper­ma­to­zoïdes résorbés. 

Pour plus de pré­ci­sion, per­met­tez-moi de citer un ancien élève et ami du Dr Hanish, le Dr Nico­las Mül­ler. « Les tes­ti­cules sont consti­tués par une quan­ti­té innom­brable de petits canaux, qui sont revê­tus de l’é­pi­thé­lium ger­mi­na­tif et servent à la pro­duc­tion du sperme. Par divi­sion conti­nuelle des cel­lules épi­thé­liales se forment les sper­ma­to­zoïdes, encore à l’é­tat lar­vaire. Ce sont des demi-cel­lules, de carac­tère mas­cu­lin. Ceux-ci se détachent de l’é­pi­thé­lium et pénètrent dans le lumen (l’es­pace creux) des canaux tes­ti­cu­laires, où ils subissent plu­sieurs méta­mor­phoses avant d’at­teindre l’é­tat par­fait. Si l’on exa­mine l’in­té­rieur des canaux, l’on voit des cel­lules fixes qui allongent une pointe dans l’in­té­rieur du canal ; ce sont les cel­lules fol­li­cu­laires, dites de Sertol. 

« Voi­ci main­te­nant ce qui se passe : comme atti­rés par un aimant, les sper­ma­to­zoïdes encore lar­vaires (qu’on nomme « sper­mites ») se jettent sur les cel­lules fol­li­cu­laires où ils s’im­plantent par petits groupes. Il se pro­duit là une véri­table « conju­gai­son », l’u­nion des deux pôles dans l’in­di­vi­du même, l’u­nion du prin­cipe fémi­nin fixe (la cel­lule fol­li­cu­laire) et du prin­cipe mas­cu­lin mobile (le sper­ma­to­zoïde), qui consti­tue la fécon­da­tion interne ou résorp­tion du sperme. Chez les gar­çons, avant la puber­té, les sper­mites, ces sper­ma­to­zoïdes encore lar­vaires, ne pour­suivent pas leur déve­lop­pe­ment, mais sont entiè­re­ment absor­bés par les cel­lules fol­li­cu­laires ; ils s’y dis­solvent et libèrent des liquides, gra­nules et cris­taux qui seront absor­bés par le sang et la lymphe. Ce n’est qu’a­près la puber­té qu’on voit les sper­mites, plan­tés sur les cel­lules fol­li­cu­laires, comme le pol­len sur les éta­mines d’une fleur, mûrir à l’é­tat de sper­ma­to­zoïdes com­plets. Le noyau devient la tête et le corps s’é­tire en un long fla­gel­lum qui ser­vi­ra au sper­ma­to­zoïde à nager dans le liquide, comme un petit ani­mal, au moment de la concep­tion. À ce moment, les sper­ma­to­zoïdes se détachent et sont expul­sés avec le liquide sper­ma­tique. Il n’y a mal­heu­reu­se­ment pas que la concep­tion ; ce même fait se pro­duit aus­si dans le cas de pertes volon­taires (mas­tur­ba­tion) ou invo­lon­taire (pol­lu­tions); tou­te­fois, nor­ma­le­ment, c’est-à-dire si l’in­di­vi­du jouit d’une san­té nor­male, la semence qui n’est pas des­ti­née à la pro­créa­tion ne doit pas se déta­cher des cel­lules ; elle s’y unit au contraire plus étroi­te­ment, pour finir par être entiè­re­ment résor­bée et subir une méta­mor­phose et un raf­fi­ne­ment, iden­tique aux pro­ces­sus décrits chez le gar­çon. Là où se pro­duisent des pertes volon­taires ou invo­lon­taires, le pou­voir de résorp­tion fait défaut, il n’est pas déve­lop­pé on bien il est entra­vé par l’ir­ri­ta­tion due à un état d’im­pu­re­té ou pas­sion­nel. De même que les fleurs non fécon­dées tombent inutiles de l’arbre, l’homme se trouve dépouillé des sub­stances et des forces les plus pré­cieuses de son être, sub­stances et forces qui auraient dû ser­vir à son déve­lop­pe­ment, à son épa­nouis­se­ment, à son évo­lu­tion supé­rieure. » (Dr N. Mul­ler, Die Funk­tio­nen des Keim­drü­sen).

Per­met­tez-moi encore une remarque. Le Dr Vigné d’Oc­ton écrit entre autres : «… cet orgasme qui du sage le plus aus­tère, du plus grave phi­lo­sophe, fait pour quelques secondes une bête déli­rante, une sorte de brute bavante et fré­mis­sante par toutes les fibres de son corps. » Je dirais que cet indi­vi­du n’est ni un sage, ni même un phi­lo­sophe, car il est atten­du d’un phi­lo­sophe, et à plus forte rai­son d’un sage, qu’il sache se contrô­ler et domi­ner ses affects. Il s’a­git là d’une maî­trise qui ne concerne pas les seuls sages ou phi­lo­sophes, mais chaque, indi­vi­du rai­son­nable, et qui s’ac­quiert par le contrôle conscient de la fonc­tion res­pi­ra­toire, joint à la concen­tra­tion men­tale et à la relaxa­tion mus­cu­laire et nerveuse.

Il n’y a pas un mot à retran­cher au texte du Dr Hanish cité par le Dr Vigné d’Oc­ton, par­ti­cu­liè­re­ment en ce qui concerne le coït magné­tique. J’a­jou­te­rai seule­ment que, même avec une longue pra­tique de l’«Art de la Res­pi­ra­tion », il n’est pas tou­jours aisé de pous­ser l’acte jus­qu’à l’orgasme sans émis­sions. À moins de se sen­tir extrê­me­ment sûr de soi et par­fai­te­ment relaxé, il sera en géné­ral pré­fé­rable de renon­cer à atteindre l’or­gasme. Les bien­faits résul­tant de l’ac­cou­ple­ment magné­tique, même sans aller jus­qu’à l’or­gasme, sont incom­pa­rables, si l’on consi­dère la san­té phy­sique, morale et men­tale qui en résulte. J’a­jou­te­rai encore que, si l’on ne peut déci­dé­ment pas empê­cher l’é­mis­sion, celle-ci ne doit jamais être arrê­tée brus­que­ment — ce qui pro­duit un choc ner­veux ― ni ne doit être invo­lon­taire ― ce qui laisse une impres­sion pénible de fai­blesse ―, mais elle doit être alors libre­ment consen­tie de part et d’autre.

Le grand prin­cipe, pour pra­ti­quer aisé­ment le coït magné­tique, consiste : 1° à res­pi­rer tou­jours len­te­ment et pro­fon­dé­ment, bien tran­quille­ment ; 2° tout en jouis­sant de l’acte, à reti­rer toutes les sen­sa­tions des extré­mi­tés du corps vers le som­met de la tête (l’é­pi­physe), et, de là, à les diri­ger vers le cœur ; 3° aucun vête­ment, pour évi­ter l’é­chauf­fe­ment élec­trique ; 4° non le soir, mais à l’au­rore, après un bon repos noc­turne et ablu­tion préalable.

Pierre Mar­tin, prof. Maz­daz­nan (Genève).

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