La Presse Anarchiste

Du haut de mon mirador

Nous avons reçu l’an­nonce d’un « Congrès com­mu­nau­taire » qui a eu lieu les 31 août — 1er sep­tembre. Nous sommes fort sym­pa­thiques aux idées qui ont pré­si­dé à l’é­la­bo­ra­tion de ce Congrès, quoi­qu’en géné­ral les Congrès n’a­bou­tissent pas à grand’-chose. Mais ce qui ne nous a pas plu du tout, c’est le ques­tion­naire posé aux per­sonnes dési­rant assis­ter au Congrès dont s’a­git et qui se mêle de ce qui ne regarde que l’in­di­vi­du. Il importe peu de connaître « la classe sociale » des parents, le « par­ti poli­tique » (?) auquel on appar­tient, si on a « une reli­gion » ou si on « y croit ». La ques­tion est de savoir si on a d’a­bord la men­ta­li­té, le tem­pé­ra­ment vou­lu pour vivre « en com­mu­nau­té », ensuite si on pos­sède un métier ou une pro­fes­sion ren­dant le can­di­dat apte à contri­buer au suc­cès et à la pros­pé­ri­té de la com­mu­nau­té. Le reste est sans impor­tance. Il n’y a que l’es­prit com­mu­nau­taire qui compte. L’at­tri­bu­tion aux assis­tants de voix déli­bé­ra­tives ou consul­ta­tives, fait res­sem­bler ce Congrès à une réunion de l’As­sem­blée des Nations. Je ne parle que pour mémoire du mal­heu­reux « audi­teur » qui peut pos­sé­der un esprit com­mu­nau­taire bien supé­rieur à ceux aux­quels on a géné­reu­se­ment octroyé une « voix » ! Je me demande ce qu’il y a de révo­lu­tion­naire en tout cela ?

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Par­mi les ques­tions posées aux per­sonnes dési­rant par­ti­ci­per au dit Congrès figure celle-ci « Jouis­sez-vous de tous vos droits civiques — Sinon pour­quoi ? » Qu’est-ce que la jouis­sance des droits civiques peut bien avoir à faire avec l’es­prit com­mu­nau­taire ? Si les ini­tia­teurs de ce Congrès connais­saient bien l’his­toire des ten­ta­tives ana­logues à celles qu’ils ont vou­lu ou veulent créer, ils sau­raient que par­mi les élé­ments les meilleurs se trou­vèrent des hommes ne jouis­sant plus de leurs droits civiques, les­quels, en révolte contre les formes éco­no­miques de la Socié­té, ont four­ni le meilleur ren­de­ment lors­qu’ils se sont trou­vés dans un milieu où l’ex­ploi­ta­tion de l’homme par l’homme ou le milieu social avait disparu. 

Sans comp­ter que l’his­toire des mou­ve­ments d’a­vant-garde est rem­plie de faits ― clas­siques ― où de très braves gens, confiants, ont été vic­times de machi­na­tions poli­cières les entraî­nant dans des affaires de droit com­mun. Les ini­tia­teurs du Congrès en ques­tion ne devraient pas l’ignorer. 

Dans le Comi­té du Congrès figurent deux catho­liques et un pro­tes­tant. Ces mes­sieurs pensent-ils qu’une des condi­tions pour faire par­tie de la com­mu­nau­té de Jéru­sa­lem où « la mul­ti­tude de ceux qui avaient cru n’é­tait qu’un cœur et qu’une âme », où « nul ne disait que ses biens lui appar­tinssent en propre, mais tout était com­mun entre eux » (Actes, IV, 32, etc.). — Ces Mes­sieurs pensent-ils qu’on exi­geait des par­ti­ci­pants une carte d’é­lec­teur ou un cer­ti­fi­cat de civisme ? Je ne crois pas que ceux qui entou­raient ou sui­vaient l’Homme de Naza­reth étaient des plus recom­man­dables au point de vue de la res­pec­ta­bi­li­té. Que n’ont-ils accom­pli cependant ! 

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Nous rece­vons des bro­chures concer­nant l’É­thio­pie et l’É­ry­thrée. Que les fas­cistes ita­liens aient com­mis des crimes mons­trueux en Éthio­pie, cela ne fait aucun doute et lorsque la bro­chure inti­tu­lée Ita­ly’s War Crimes in Ethio­pia éta­blit que le nombre des vic­times de l’oc­cu­pa­tion et de la guerre s’é­lève à 760.000, c’est à faire fré­mir, étant don­né la popu­la­tion rela­ti­ve­ment peu impor­tante du pays. Les Éry­thréens vou­draient être réunis à la mère patrie et se plaignent que les auto­ri­tés mili­taires anglaises se servent de fonc­tion­naires ita­liens dans leurs rap­ports avec la popu­la­tion. Non seule­ment, les ras­sem­ble­ments de plus de trois per­sonnes sont inter­dits en Éry­thrée, mais l’en­trée des cafés, ciné­mas, res­tau­rants, hôtels, etc., est inter­dite aux indi­gènes. Les chauf­feurs ita­liens ne peuvent char­ger d’in­di­gènes sous peine de retrait de licence !

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Une des consé­quences de la guerre — une de celles autour de laquelle ont fait le moins de bruit ― c’est l’a­néan­tis­se­ment des deux mil­lions de volumes qu’elle a cau­sé rien qu’en France. Les biblio­thèques de Tours, de Caen, de Douai, de Cam­brai, de Chartres ont été com­plè­te­ment anéan­ties. La biblio­thèque uni­ver­si­taire de Stras­bourg a per­du un demi-mil­lion de livres. Pour Vire, la guerre s’est sol­dée par la des­truc­tion d’une biblio­thèque de 72.000 volumes, de 55.000 pour Beau­vais, de 90.000 pour Brest. Cher­bourg, Dun­kerque, Falaise, Saint-Dié, Vitry-le-Fran­çois ont éga­le­ment per­du tous leurs livres. Or, le livre est deve­nu main­te­nant un objet rare et on ne peut son­ger à rem­pla­cer les ouvrages trai­tant de l’his­toire locale, dont, pour un grand nombre, il n’exis­tait qu’un exem­plaire unique… 

Il serait trop long d’é­nu­mé­rer les pertes irré­pa­rables à déplo­rer en ce domaine, en France comme ailleurs bien enten­du. On ne pré­ten­dra pas pour­tant qu’une biblio­thèque est un objec­tif mili­taire. Mais allez faire entendre rai­son au guer­rier de pro­fes­sion ou d’oc­ca­sion. Dans tout sou­dard, un Omar sommeille.

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Dans Post du 5 juillet Doro­thy Thom­son raconte le fait suivent : « Je connais un citoyen tchèque, un Alle­mand sudète, qui fut tou­jours fidèle à la Répu­blique tché­co­slo­vaque, marié à une Juive. Lorsque les nazis enva­hirent le pays, ils s’a­per­çurent qu’il était Alle­mand de race et ne lui deman­dèrent que de divor­cer, ce à quoi il se refu­sa. Son refus lui valut d’être inter­né dans un camp de concen­tra­tion, sa femme étant dépor­tée dans un autre camp. Le hasard fit que l’un et l’autre sur­vé­curent aux tour­ments et que, le même jour, ils se retrou­vèrent à Prague pour reprendre la vie com­mune. Or, le voi­là arrê­té de nou­veau comme « Alle­mand » et sur le point d’être expul­sé du pays, alors que la femme est auto­ri­sée a demeu­rer en Tché­co­slo­va­quie. mais à condi­tion de divor­cer. Ce qu’à son tour elle refu­sa de faire. Ces deux per­sonnes qui s’aiment et dont rien n’a pu alté­rer l’af­fec­tion com­mune sont vouées à une vie d’exil et de misère. N’est-ce pas honteux ? »

Était-ce la peine de se libé­rer du nazi-fas­cisme pour en arri­ver là ?

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Nous avons sous les yeux une revue nudiste danoise où il est ques­tion de l’his­toire d’une jeune fille appar­te­nant à une famille nudiste pra­ti­quante et qui rem­por­ta les plus grands suc­cès dans des exa­mens uni­ver­si­taires. Comme on lui deman­dait à quels motifs elle attri­buait sa réus­site, elle répon­dit qu’ayant tou­jours été éle­vée par­mi les nudistes, son esprit n’é­tait plus pré­oc­cu­pé par la ques­tion sexuelle et qu’elle avait pu consa­crer tout son temps à l’é­tude, alors que ses com­pagnes, tour­men­tées par cette ques­tion, s’en entre­te­naient entre elles secrè­te­ment, sui­vaient les leçons avec peine, tou­jours pré­oc­cu­pées de résoudre le soi-disant mys­tère de l’u­nion des sexes. Il convient d’a­jou­ter que cette jeune fille avait reçu de ses parents une édu­ca­tion sexuelle inté­grale. Ce récit nous fait son­ger à ce jour­na­liste qui pré­tend qu’é­du­quer sexuel­le­ment les enfants ce serait détruire « la poé­sie » qui entoure la géné­ra­tion : nou­veaux nés trou­vés sous les choux ou dépo­sés par les cigognes. Quand on pense à tous les mal­heurs et les drames aux­quels cette soi-disant poé­sie a don­né lieu, on se dit qu’il y a des coups de pied quelque part qui se perdent. 

À pro­pos de nudisme, nous appre­nons que sous le titre ÉROS, « Vivre » repa­raît et se publie tous les deux Mois. Édi­tion luxueuse sur papier gla­cé. Natu­rel­le­ment le prix de l’a­bon­ne­ment est éle­vé : 500F L’a­dresse est : de Mon­geot, Manoir Jan, Fon­te­nay-St-Père (Seine-et-Oise).

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Nous sommes à l’âge de la dés­in­té­gra­tion nucléaire, ce qui n’a pas empê­ché « la Sainte Vierge » d’ap­pa­raître (comme si de rien n’é­tait) dans un ter­rain vague de la 200e rue à New York, dans le quar­tier du Bronx, aux regards sur­pris d’un gosse de neuf ans, fils rte parents catho­liques, très igno­rants et très fana­tiques, ce qui va très bien ensemble. Le cré­pus­cule tom­bait, César, c’est le nom de l’en­fant, jouait avec des com­pa­gnons de son âge. Ils allu­mèrent des fagots pour se chauf­fer, le froid étant vif. Sou­dain arri­vèrent deux autres enfants, sur­pris, et effrayés parce qu’il leur avait sem­blé aper­ce­voir une lumière tenue par une main. César, s’ar­mant de cou­rage, s’é­lan­ça… et se trou­va nez à nez avec la « mère de Dieu », laquelle tenait à la main un chan­de­lier doré, muni d’une bou­gie allu­mée ; elle inti­ma au gamin atter­ré d’in­vi­ter les enfants du quar­tier à s’as­sem­bler et à prier tous les soirs à sept heures, puis elle dis­pa­rut. La « vierge » était vêtue d’un man­teau bleu, qui tour­na au rose et sous ce man­teau l’en­fant aper­çut un cos­tume de nonne ou petite sœur.

On juge­ra de la men­ta­li­té de César par sa réponse à un jour­na­liste qui lui deman­dait son jeu pré­fé­ré « jouer à la police et aux voleurs ». Quand même la Madone aurait pu choi­sir un confi­dent plus sérieux.

Gageons que cette his­toire fini­ra par l’é­rec­tion d’une cha­pelle ou d’une église, ce qui aug­men­te­ra dans de fortes pro­por­tions la valeur du ter­rain aban­don­né dont le pro­prié­taire, s’il est croyant, fera sans doute don à l’É­glise… Il n’y a pas à dire, celle-ci est un met­teur. en scène de pre­mier ordre ! Il est vrai qu’elle sait à qui elle s’adresse.

Qui Cé

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