[|La Culotte en jersey de soie, par RENÉE DUNAN, 6 fr. 75. — La Maîtrise de la vie et des hommes (Pensées et Maximes), par JEAN FINOT, 6 fr. 75. — Cicatrices, Éclairs encore des douleurs mortes (poèmes), par MARCEL SAUVAGE, 5 fr. 25.|]
Combien d’hommes d’aujourd’hui ont, au même degré que Renée Dunan, ces qualités de force, d’équilibre et d’audace qu’il est convenu d’appeler viriles ? quel professionnel de l’érudition la surpasse en connaissances variées et rares ? Et quel Sorbonnagre a une philosophie aussi profonde que la sienne ?
Et femme avec cela par un certain accent frémissant, impatient un peu ; par des noblesses de fièvre ; par des langueurs rieuses ; par on ne sait quoi encore de sournois dans ses brutalités les plus voulues. La philosophie ne l’empêche point de se connaître en frivolités et les chiffons sont bien vus par ses yeux qui en jouissent sans jamais lui cacher ni l’histoire ni la vie. Elle est vraiment un des écrivains les plus complets et les plus complexes de notre temps.
Et je l’aime toujours, et je la suis passionnément où que ce soit qu’elle veuille me conduire.
Quel livre multiplement émouvant que La Culotte en jersey de soie ! Les péripéties, prises en elles-mêmes, apportent peu de nouveau. Mais la fougue du récit nous les rend comme inattendues. Et quelle philosophie ardente dans ces histoires qui brûlent.
Oui, Renée Dunan, vous avez raison, si j’ose dire, comme un incendie. Oui, l’attrait qui pousse les sexes l’un vers l’autre est « la seule force qui participe vraiment à l’éternité ; c’est, de la vie, le symbole et la réalité. »
Et pourtant, « la jeune fille qui se refuse représente seule, mieux que le savant et le métaphysicien, ce qui est proprement humain : le choix. » Plus forte que toutes les forces, cette volonté négative ― cette nolonté, comme dirait mon grand ami le philosophe Louis Prat — est une manifestation supérieure de la vie. Et « la vie seule a des droits. »
Ah ! la colère indignée qui gronde en Renée Dunan et qu’elle sait nous communiquer : « Une enfant porte la vie en elle comme un permanent miracle. Que des brutes la viennent souiller!…»
Les problèmes se succèdent, s’imposent, nous hantent ; visages exigeants ou ricaneurs. Renée Dunan, vous avez raison comme un incendie, spectacle magnifique, flamme et lumière : vous nous éclairez merveilleusement la stupide bassesse de la morale courante. Vous nous contraignez à chercher d’autres solutions que « le dressage pour la nuit de noces et le principe de l’obéissance passive. »
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Bien optimiste, le livre de Jean Finot : La maîtrise de la vie et des hommes. Il ne m’a pas persuadé que l’amour d’aujourd’hui soit plus élevé que celui d’hier et que demain doive nécessairement monter plus haut. Mais il y a une infinie sympathie dans le sourire avec lequel nous lisons ces naïvetés d’homme de bon vouloir. Une manière d’admiration aussi, car ces naïvetés sont volontaires, semble-t-il, et, j’allais dire, héroïques. Jean Finot essayait de nous rendre optimistes pour accroître notre force et nous entraîner à l’oeuvre humaine. Hélas ! l’illusion appelle la déception, et celui-là seul fera un travailleur persévérant qui n’aura pas besoin d’espérer.
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Lorsqu’en 1917 ou 1918, dans un atelier de Montparnasse, on lut un des poèmes que Marcel Sauvage nous offre aujourd’hui réunis, tous les auditeurs — dit Édouard Dujardin, le maître admirable de Mari Magno — reconnurent l’accent d’un vrai poète, reconnurent mieux : l’accent sincère, poétique et éloquent sans y songer, d’un homme qui vit, pense, souffre, souffre en lui-même et souffre dans les autres.
Cicatrices, éclairs encore des douleurs mortes nous fait revoir, dans des mutilations, dans des misères, dans des yeux aussi qui se souviennent et qui brillent de colère :
hideuse. »
Le poète regarde le printemps fleurir et ce qu’il voit, mieux que les couleurs balancées au vent, ce sont
Voici de, la tristesse accablée, presque résignée et le refrain nous poursuit comme un remords :
Voici, plus souvent, de la révolte :
« Qu’avez-vous fait, vous, les hommes ? »
La puissance simple de paroles qui sont à la pensée émue un corps précis nous glace souvent d’horreur. Et les dessins de F. Berthet soutiennent les paroles comme un lamento d’instruments soutient une voix et un chant.
Tous ceux qui ont un cœur aimeront ces poèmes pénétrants et vrais. À travers ces poèmes, ils aimeront le poète fraternel, l’homme qui fait jaillir à la la lumière toutes ses profondeurs.
Georgette Ryner.
P.-S. — Prochainement, j’espère pouvoir étudier le beau livre, original et puissant, de Marcello Fabri : L’inconnu sur les villes.
Albin : Maxime Gorki (n°18 des « Croquis Brefs »), chez l’auteur, 4, rue Chaumais, à Lyon, 20 cent.
Elisée Reclus : L’Anarchie et l’Église. — Déjacques : À bas les chefs.— Sébastien Faure : Douze preuves de l’inexistence de Dieu. — Rhillon : Qu’est-ce que la propriété ? selon P.-J. Proudhon ; la propriété fille du travail — G. Butaud et S. Zaïkowka : Tu seras végétarien — (Éditions du « Groupe de propagande par la Brochure »).
Alphonse Momas : Formation spirite du globe terrestre ; les temps de la genèse (3 fr )