La Presse Anarchiste

Réalités, vérités

Les dirigés sont plus mépris­ables que les dirigeants, car ces derniers tirent leur force des pre­miers. On dit bien que ceux-ci ont une excuse : celle d’être con­stam­ment trompés. Avouons qu’ils met­tent une extrême bonne volon­té à se laiss­er tromper. Les peu­ples sont plus coupables que leurs dirigeants : ils pour­raient leur impos­er leur volon­té : ils préfèrent subir la volon­té des maîtres que leur impuis­sance s’est donnés.

[| – O – |]

L’e­sprit inoc­cupé rem­plit sa vie avec des niais­eries. Les hommes d’au­jour­d’hui sont acca­parés par cer­taines manies — comme, par exem­ple, l’au­di­tion de con­certs par T. S. F. — qui attes­tent com­bi­en ils sont nuls et médiocres. Tout ce qu’ils font est aus­si arti­fi­ciel que superficiel.

[| – O – |]

Qu’est ce que ce pro­grès qui con­siste à empoi­son­ner notre exis­tence, à nous faire vivre à rebours ? L’homme des cav­ernes était moins sauvage que l’homme civil­isé revê­tu d’un uni­forme lui don­nant le droit de tuer, de juger ou d’ad­min­istr­er ses semblables.

[| – O – |]

Le pro­grès ne con­siste pas pour l’in­di­vidu à être trans­porté en quelques heures d’un point à un autre, mais à savoir dis­cern­er ce qui est vrai de ce qui est faux, et à com­bat­tre l’iniq­ui­té sous toutes ses formes. 

[| – O – |]

Un mon­sieur fonde un « prix lit­téraire », à con­di­tion que ce prix lui soit décerné. Char­ité bien ordon­née… Rien de plus nor­mal qu’un tel procédé, dans une société où le tal­ent ne compte pas, où il suf­fit d’«épater le bour­geois » pour mérit­er le nom d’artiste, où cha­cun fait l’im­pos­si­ble pour attir­er sur lui l’attention !

[| – O – |]

Quand il n’y a rien dans le cerveau des hommes que de l’ig­no­rance et de la haine, ils ne sont guère intéressants.

[| – O – |]

Les médiocres se fau­fi­lent partout et obti­en­nent tout ce qu’ils veu­lent. C’est dans la norme. Il est naturel que dans une société dont ils sont les sou­tiens ils soient les pre­miers servis. Ils ont l’é­chine sou­ple et savent quels moyens employ­er pour « réus­sir ». Ils ne recu­lent devant aucun procédé. Tout leur est bon. Que pou­vons-nous con­tre cette médiocratie dont l’in­so­lence et la canail­lerie sont sans bornes ? C’est une force red­outable con­tre laque­lle vien­nent se bris­er les efforts les plus persévérants.

[| – O – |]

Qu’on ne nous accuse pas de pes­simisme lorsque le spec­ta­cle dé la société présente nous fait dés­espér­er de l’amélio­ra­tion de l’e­spèce humaine. Nous ne sommes ni opti­mistes ni pes­simistes, nous ne savons ce que ces ter­mes sig­ni­fient. Nous con­sta­tons sim­ple­ment la réal­ité, et nous con­clu­ons. Nos con­clu­sions ne sont guère ent­hou­si­astes ; nous ne pou­vons exul­ter devant le tri­om­phe de la stu­pid­ité et de la haine. La société est pour­rie, quelle autre con­clu­sion pou­vons-nous tir­er de la réal­ité qui nous entoure ?

[| – O – |]

De tous les mil­i­tarismes, le moins sup­port­able, c’est encore celui des anti­mil­i­taristes. Car il ne rejette un fardeau que pour nous en impos­er un autre : loin de détru­ire l’ar­mée et la guerre, il les éternise. Avec le « mil­i­tarisme révo­lu­tion­naire » on perd l’e­spoir d’a­bat­tre le mil­i­tarisme tout court. C’est la même tyran­nie por­tant un autre nom.

[| – O – |]

On est ten­té, à chaque instant, de crier aux cama­rades, dont l’in­er­tie est sans excuse : « Mais remuez-vous donc ! Que faites-vous ? Qu’at­ten­dez-vous pour agir ? Vous vous agitez, vous faites du bruit, vous pronon­cez de grands mots. Vous piétinez sur place. Pen­dant ce temps vos adver­saires vous pressent, et bien­tôt ils vous dévoreront ».

Gérard de Lacaze-Duthiers