La Presse Anarchiste

Défilés !

… Et voi­ci les sol­dats, les simples au cœur nu…
Vers quelque grand des­tin qui leur reste inconnu,
Forêt en marche où les fusils dressent leurs branches,
Ce qu’a don­né de mieux la bonne chair de France,
Bons­hommes bleus par files de quatre serrés,
Dans un cli­que­tis d’arme et de sou­liers ferrés.
Ils passent, leur car­casse, un ins­tant héroïque,
Au coup de fouet tri­vial d’une grosse musique.
Sans cher­cher à savoir s’ils en redescendront,
Ils montent vers l’en­fer aux cent routes du front ;
Bar­dés de cuir, de car­tou­chières, de musettes.
Tape à leur flanc la baïonnette,
Qui scande la mesure et grince à chaque pas :
« C’est moi qui te tue­rai si tu ne me tues pas ! »
Ils passent, si nom­breux que le cœur vous en tourne,
Et que le bon badaud lui-même s’en détourne.
Pous­sés par l’ha­bi­tude, entraî­nés par les rangs,
Ils passent au milieu des chers indifférents.
Der­rière eux on res­pire une sueur guerrière,
Comme si la mort, en rude cavalière,
For­çait déjà la bête aux galops sans espoirs,
Nage un double relent d’é­table et d’abattoir.

Hen­ry-Jacques

(Sym­pho­nie Héroïque)

Alle­gro.

La Presse Anarchiste