Vers quelque grand destin qui leur reste inconnu,
Forêt en marche où les fusils dressent leurs branches,
Ce qu’a donné de mieux la bonne chair de France,
Bonshommes bleus par files de quatre serrés,
Dans un cliquetis d’arme et de souliers ferrés.
Ils passent, leur carcasse, un instant héroïque,
Au coup de fouet trivial d’une grosse musique.
Sans chercher à savoir s’ils en redescendront,
Ils montent vers l’enfer aux cent routes du front ;
Bardés de cuir, de cartouchières, de musettes.
Tape à leur flanc la baïonnette,
Qui scande la mesure et grince à chaque pas :
« C’est moi qui te tuerai si tu ne me tues pas ! »
Ils passent, si nombreux que le cœur vous en tourne,
Et que le bon badaud lui-même s’en détourne.
Poussés par l’habitude, entraînés par les rangs,
Ils passent au milieu des chers indifférents.
Derrière eux on respire une sueur guerrière,
Comme si la mort, en rude cavalière,
Forçait déjà la bête aux galops sans espoirs,
Nage un double relent d’étable et d’abattoir.
Henry-Jacques
(Symphonie Héroïque)
Allegro.