La Presse Anarchiste

À travers le monde

[/(De notre cor­res­pon­dant particulier)./]

La-grande grève qui englobe plus de 500.000 mineurs (chiffre offi­ciel), a enfin été déclen­chée. Ceux qui ne connaissent le mou­ve­ment que d’a­près la lec­ture des jour­naux, s’i­ma­ginent, vu l’en­semble par­fait avec lequel les puits ont été déser­tés, que la lourde machine de l’U­nion fonc­tionne avec une régu­la­ri­té d’hor­loge. Seuls les ini­tiés savent que ce n’est que devant la menace de voir se créer une orga­ni­sa­tion rivale, que l’ar­mée de fonc­tion­naires de l’U­nion (plus de 400) s’est déci­dée à sor­tir du doux far­niente où elle cou­lait des jours dépour­vus d’inquiétude.

Quand leurs affaires per­son­nelles leur laissent quelque loi­sir, ces mes­sieurs s’oc­cupent fébri­le­ment de ren­for­cer l’or­ga­ni­sa­tion – car pour pas­ser à la caisse il est de toute néces­si­té que la prin­cesse soit bien pour­vue. L’or­ga­ni­sa­tion a tel­le­ment été ren­for­cée, qu’elle est appe­lée à mou­rir d’une mala­die de crois­sance. Sous peu, nous assis­te­rons, aux États-Unis à une deuxième édi­tion de la lutte qui eut lieu récem­ment dans le Pas-de-Calais, entre le vieux et le nou­veau Syndicat.

Donc au Congrès de Cle­ve­land, qui réunis­sait 2.000 délé­gués, la grève. fut déci­dée pour le 1 novembre. Un Comi­té fut nom­mé pour éla­bo­rer un cahier de reven­di­ca­tions dont les prin­ci­pales sont : aug­men­ta­tion de 60 %, jour­née de 6 heures et cinq jours de tra­vail par semaine. On,comprend aisé­ment le concert de malé­dic­tions qui s’é­le­va dans la presse bien pen­sante, sur cette grève déchaî­née au seuil même de l’hi­ver. La machine gou­ver­ne­men­tale se mit. aus­si­tôt en mou­ve­ment et fit savoir au Pré­sident de l’U­nion que cette grève était illé­gale, et que seule des indé­si­rables pou­vaient vou­loir la ruine de la libre Amé­rique. Mal­gré toute la pres­sion offi­cielle et offi­cieuse l’ordre de grève fut lan­cé, et depuis ce jour, 500.000 mineurs res­tent tran­quille­ment dans leur home.

Ne pou­vant enrayer le mou­ve­ment, le gou­ver­ne­ment a aus­si­tôt employé la manière forte. Après avoir mis la main sur le tré­sor de guerre de l’U­nion, soit douze mil­lions de dol­lars, des magis­trats ont ensuite convo­qué les lea­ders de l’U­nion d’a­voir à com­pa­raître devant eux. Après deux jours de dis­cus­sion juri­dique, entre les avo­cats des deux par­tis, les juges ont ren­du un arrêt décla­rant la grève illé­gale, et enjoi­gnant au pré­sident de l’U­nion d’a­voir à rap­por­ter l’ordre de grève.

L’or­don­nance du juge n’é­tait pas plu­tôt ren­due, que le Comi­té exé­cu­tif télé­gra­phiait à toutes les sec­tions locales de l’U­nion l’ordre du jour suivant :

« CHER MONSIEUR ET FRÈRE,

« Obéis­sant à l’or­don­nance ren­due le 8 novembre par la Cour des E.U. dis­trict d’In­dia­na, sous la pré­si­dence du juge Ander­son, les sous­si­gnés vous informent que l’ordre du 15 octobre deman­dant la ces­sa­tion du tra­vail dans les mines de char­bon gras pla­cées sous notre juri­dic­tion, est rap­pe­lé et annulé.

Pour­tant le droit de grève nous est bien recon­nu par la Consti­tu­tion. Mais, d’un autre côté, il paraît que l’an­ti-trust law dit :

« Qu’au­cune per­sonne ou asso­cia­tion, n’a le droit de limi­ter ni d’ar­rê­ter la pro­duc­tion, pour reti­rer un béné­fice, des pro­duits ali­men­taires et de chauffage. »

Et voi­là pour­quoi le 12 novembre, on pou­vait lire sur tous les jour­naux que la grève des mineurs était ter­mi­née. Mais c’est exac­te­ment le contraire de l’ef­fet atten­du. Si l’or­don­nance du juge Ander­son fut accueillie res­pec­tueu­se­ment par les lea­ders de l’U­nion, chez les mineurs ce fut un éclat de rire géné­ral, et la grève conti­nue­ra jus­qu’à ce que nous ayons satis­fac­tion, ce qui ne sau­rait tar­der, car il n’y a aucun stock. Et cela mal­gré tous les chats-four­rés de la répu­blique étoilée.

A. Gour­duze »

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