La Presse Anarchiste

À travers le monde

Jour­naux alle­mands : Il serait impor­tant, à l’heure actuelle, que nous entre­te­nions un contact actif avec les anar­chistes d’outre-Rhin. Voi­ci quelques indi­ca­tions pour ceux de nos amis qui lisent l’allemand.

Nous rece­vons Der Freie Arbei­ter et Der Syn­di­ka­list. Nous par­le­rons ulté­rieu­re­ment de celui-ci. Der Freie Arbei­ter (Le Tra­vailleur Libre, 12 marks par an, Ber­lin 0.17. Bödi­kers­trasse 30), paraît depuis long­temps ; il en est à sa 12e année. Men­suel au début de 1919, il donne main­te­nant 2 numé­ros de 4 pages par mois. Au-des­sous du titre, deux mains brisent un fusil ; puis le mot­to : Savoir et Vou­loir ; enfin l’in­di­ca­tion, organe de la Fédé­ra­tion des anar­chistes d’Allemagne.

Nous croyons. bon. de don­ner ici un résu­mé de la décla­ra­tion de prin­cipe parue dans le n° 13.

L’or­ga­ni­sa­tion. actuelle de la Socié­té repose sur la pro­prié­té indi­vi­duelle et sur l’É­tat. Le but du pro­prié­taire ter­rien n’est pas de satis­faire aux besoins de ses sem­blables, mais de gagner de l’argent. Le com­merce repose sur le même prin­cipe. Et chaque pro­grès tech­nique avan­tage le capi­tal. Sur le ter­rain inter­na­tio­nal, la concur­rence des capi­ta­listes est la cause per­ma­nente de conflits. La pro­tec­tion de la pro­prié­té et la divi­sion des popu­la­tions en « classes » expliquent l’exis­tence de l’É­tat. La forme de l’É­tat, Répu­blique ou Des­po­tisme, n’a aucune impor­tance. La cen­tra­li­sa­tion à outrance est l’œuvre de l’É­tat et de l’Église. Toute ini­tia­tive est contraire au prin­cipe de l’É­tat, aus­si s’op­pose-t-il à tout progrès.

Et tex­tuel­le­ment : « Les com­mu­nistes-anar­chistes sont adver­saires de tout mono­pole ; ils dési­rent la mise en com­mun du sol, des ins­tru­ments de tra­vail, des matières pre­mières et de toutes les richesses sociales, et la réor­ga­ni­sa­tion de toute la socié­té, sur la base du Com­mu­nisme libre. Par­tant du fait qu’en fin de compte le socia­lisme est une ques­tion de culture et ne peut venir que d’en bas par l’ac­ti­vi­té créa­trice du peuple, les com­mu­nistes-anar­chistes rejettent tout éta­tisme ; elle ne pour­rait ame­ner que la pire forme d’ex­ploi­ta­tion, le capi­ta­lisme d’É­tat, et jamais le socialisme ».

Ce ne sont pas les décrets et les ordon­nances qui amè­ne­ront à une orga­ni­sa­tion, mais l’i­ni­tia­tive des indi­vi­dus et des groupes tra­vaillant dans l’in­té­rêt de l’en­semble. Le but du com­mu­nisme-anar­chisme n’est pas la divi­sion du tra­vail, mais la syn­thèse des pro­duc­tions agri­coles, indus­trielles et intel­lec­tuelles. Ils repoussent la cen­tra­li­sa­tion et lui opposent le sys­tème fédé­ra­tif. Ils ne veulent pas conqué­rir le pou­voir cen­tral, mais le détruire. Ils sont enne­mis du Par­le­men­ta­risme et des églises. Ils veulent un sys­tème d’é­du­ca­tion qui s’ap­puie sur la nature, et tendent à déve­lop­per le sen­ti­ment de la res­pon­sa­bi­li­té. Ils pro­clament l’é­ga­li­té des sexes. Ils s’é­lèvent contre les fron­tières et en faveur de la liber­té des peuples. « Ils rejettent radi­ca­le­ment toute ten­dance vers une soi-disant uni­té natio­nale der­rière laquelle ne se cache que la domi­na­tion des classes diri­geantes ». Ils se tiennent sur le ter­rain de l’ac­tion directe.

Cette décla­ra­tion n’est point celle que je concerte, mais elle a sur celle-ci : elle existe et peut ser­vir de base à une dis­cus­sion. Ce qui me frappe, c’est ce qu’elle tait plu­tôt que ce qu’elle dit. Elle est sans aucun rap­port avec les don­nées par­ti­cu­lières du temps pré­sent. Elle ignore tota­le­ment les évo­lu­tions actuelles. Pas la moindre allu­sion à la secousse for­mi­dable que vient de subir l’hu­ma­ni­té, ni aux espoirs que sus­cite sa ter­mi­nai­son, ni à la révolte russe. Elle peut aus­si bien avoir été écrite il y a nombre d’an­nées, ce qui excep­te­rait l’ab­sence totale du mot « mili­ta­risme », de ce document.

Et puis, je trouve un autre défaut à cette décla­ra­tion ; c’est qu’elle soit uni­que­ment une décla­ra­tion de prin­cipes, de prin­cipes sous forme de logique tou­chante. Or, le pro­blème qui se pose aux hommes, aux révo­lu­tion­naires, ne se résou­dra pas — même pro­vi­soi­re­ment — par la Rai­son pure. Il ne faut pas oublier les sen­ti­ments, les affi­ni­tés, les pas­sion, en un mot, la nature même de l’homme.

P.R.

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