La Presse Anarchiste

Nocturne

Nuit froide et molle, sans vertèbres.
Ser­rant son car­can noir au cou,
Me voi­ci, je ne sais plus où,
Empri­son­né dans les ténèbres.

Les cor­ri­dors du fond du puits
M’en­tourent de cloi­sons opaques,
Je tâtonne le sol, par plaque,
Mes mains sont des yeux dans la nuit.

Comme une bête aux dents d’un piège,
Se révulse ma volonté
De n’être dans l’obscurité
Qu’un peu plus d’ombre qui s’agrège.

Je me sens cou­lé dans le bloc
D’une onde insai­sis­sable et dure,
Qui, par d’in­vi­sibles fissures,
Glisse en moi, sans bruit et sans choc.

La conscience ramassée,
Pour s’a­bo­lir d’être aux abois,
Flotte comme un mor­ceau de bois
Sûr l’eau pesante, sans pensée.

Elle écoute un silence noir,
Fait de mille ombres chuchotantes :
Les fluides humains en attente
Qui se cherchent par les couloirs.

Un peu plus elle d’être nue,
Elle ose scru­ter son destin,
Et par delà les mots déteints
Sent des véri­tés inconnues.

Et j’en­tends, du pro­fond en-bas
Se dégor­ger sa voix funèbre :
Que fais-tu dans cette ténèbre ?
Et mon cœur dit : je ne sais pas.

Hen­ry-Jacques

(La sym­pho­nie héroïque, Scher­zo).

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