Un journal que Karl Marx fait publier à Madrid et qui s’appelle la Emancipacion, ayant lu dans notre Bulletin les observations que nous avons adressées au président de la Section de Moutier, s’empresse de dénoncer les Sections jurassiennes comme ayant conservé dans leur sein l’institution réactionnaire de la présidence. Or la Section de Moutier est la seule dans notre fédération qui ait encore un président ; dans toutes les autres Sections jnrassiennes la Présidence est abolie depuis le Congrès de Bâle. – Et précisément c’est cette Section de Moutier, la seule où existe encore l’institution de la présidence, qui fait l’espoir des amis de Karl Marx, comme on peut le voir dans un autre article de ce numéro. La Emancipacion a perdu là une belle occasion de se taire.
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Le même journal ou un autre de même farine, peu importe, nous reproche d’admettre dans notre fédération des membres centraux ; on feint de croire que ces membres dits centraux jouissent de quelque privilège sur les membres des Sections. Cependant le numéro du Bulletin qui rendait compte du Congrès du Locle où a été prise la décision d’admettre des membres centraux, expliquait assez la chose : le Congrès du Locle a voulu permettre aux socialistes qui habitent dans des localités où n’existe point de Section de l’Internationale, et à ceux-là seulement, de devenir membres de la fédération jurassienne au moyen d’une adhésion directe ; ces membres centraux ne jouissent d’aucun privilège ; ils ont au contraire des droits en moins, puisque, ne faisant pas partie d’une section, ils n’ont jamais l’occasion de prendre part à un vote. – Cette mesure avait surtout en vue un certain nombre de citoyens habitant un pays où l’Internationale est proscrite, et qui nous avaient demandé s’il n’était pas possible de faire partie de l’Internationale à titre de membres individuels.
Du reste, la fédération des Sections de la Suisse allemande, qui vient de se constituer, a admis dans son règlement, publié par la Tagwacht du 2 novembre, la même disposition. Il y est dit, article 6 :
« Les personnes habitant une localité où il n’y a point de section de la fédération, ou bien où la Section existant est une société d’un métier autre que le leur, peuvent se faire recevoir directement comme membres par le Comité central. »
Ce qui est légitime quand il s’agit des Sections de langue allemande, deviendrait-il un crime quand c’est la Fédération jurassienne qui le pratique ?
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Cette même Emancipacion publie sous le titre de Désertion des Belges un article que nous croyons utile de faire connaître aux internationaux de la Belgique, qui probablement ignorent l’existence de ce journal. Voici les absurdités que Marx a le front de faire, publier en espagnol, espérant qu’on ne les lira pas hors de Madrid et qu’elles passeront inaperçues de ceux que la chose concerne.
« Les journaux belges qui jusqu’à présent avaient défendu avec tant de zèle les intérêts de notre Association, sont enfin tombés dans le piège que de longue date leur avait tendu, l’astucieux Guillaume, lieutenant de Bakounine, et ils ont passé à l’Alliance avec armes et bagage. Déjà au mois d’août dernier, les manœuvres de l’Alliance s’étaient manifestées dans le Congrès régional belge, par le fameux projet de révision des Statuts généraux, projet repoussé par le bon sens des travailleurs de ce pays. La majorité des internationaux belges continue à repousser les théories de quelques hommes imprudents ou ambitieux, et nous sommes certains que dans peu de temps leurs journaux seront forcés d’abandonner le terrain sur lequel ils se sont engagés si inconsidérément, sous peine de se trouver en opposition avec tous les véritables internationaux de Belgique. »
Le Monsieur qui a écrit ces belles choses a évidemment le cerveau dérangé par une maladie qu’on pourrait appeler l’Alliançophobie : il voit l’Alliance partout ; les Belges ayant manifesté la volonté de garder leur organisation autonome, deviennent immédiatement pour lui des affiliés de cette Alliance imaginaire. Et voilà comment M. Marx entend la polémique ! Quant à cette assertion ridicule, que les journaux internationaux belges ne représentent pas la véritable opinion des ouvriers de ce pays – opinion qui serait sans doute bien mieux représentée par la véridique Emancipacion – cela fera rire nos amis de Belgique, voilà tout.
Vous aurez beau vous battre les flancs pour chercher à nous diviser encore, Messieurs de la coterie gouvernementale ; c’est peine perdue. Les fédérations sont résolues à rester libres et à rester unies : elles le sont et elles le resteront.