La Presse Anarchiste

Lettres de David et Ward refusant de faire partie du Conseil Général de New-York

Nous avons dit, dans notre der­nier numé­ro, que deux des citoyens dési­gnés par la majo­ri­té du Congrès de la Haye pour com­po­ser le Conseil géné­ral de New-York, refu­saient d’en faire par­tie. Voi­ci la lettre par laquelle l’un d’eux, le citoyen David, a refu­sé sa nomination :

[/New-York, 1er octobre.

Aux citoyens membres de l’Internationale./]

Les déci­sions prises au Congrès de la Haye n’é­tant, comme celles du Congrès de New-York, que le résul­tat d’une conspi­ra­tion où les prin­cipes ins­crits dans nos Sta­tuts Géné­raux ont été inso­lem­ment fou­lés aux pieds au pro­fit d’une cote­rie avide d’au­to­ri­té, je refuse de sié­ger au Conseil Géné­ral issu de ce Congrès dont tant d’entre nous atten­daient une récon­ci­lia­tion géné­rale, une réor­ga­ni­sa­tion solide, émi­nem­ment révo­lu­tion­naire, pré­co­ni­sant des moyens pra­tiques, ne lais­sant aucun équi­voque sur la marche à suivre et le but à atteindre, et qui n’a pro­duit que d’a­mères décep­tions pour tous.

Je cesse en même temps de sié­ger au Conseil Fédé­ral du 10th Ward Hôtel, com­po­sé des mêmes hommes for­mant le Conseil Géné­ral, qui sont à la com­plète dévo­tion de Karl Marx et n’a­gissent que sous son impul­sion morale.

Je ne me sens aucune dis­po­si­tion à ser­vir sous la ban­nière du dénon­cia­teur de l’Al­liance Socia­liste espa­gnole. Quelque grand que soit son génie, je ne sau­rais l’es­ti­mer après les actes qu’il a com­mis avant et durant le Congrès de La Haye.

Je ne sau­rais non plus mar­cher à côté des hommes qui consentent à lui ser­vir de com­pères dans la pitoyable comé­die qu’il joue en ce moment au détri­ment de l’In­ter­na­tio­nale et du mou­ve­ment socia­liste universel.

Je me serais trou­vé hono­ré d’être le man­da­taire d’hommes intel­li­gents, égaux et libres, de socia­listes virils, ayant conscience de leurs droits, sachant faire leur devoir et réso­lus à ne pas mar­chan­der au besoin leur sang à l’i­dée qu’il est appe­lé à fécon­der, l’i­dée révo­lu­tion­naire socia­liste, qui ne vain­cra pas sans luttes, luttes ardentes et de tous les ins­tants, et aux­quelles nous devons nous dévouer corps et âmes.

Mais, être l’un des chiens du ber­ger qui a la pré­ten­tion de mener l’In­ter­na­tio­nale comme un trou­peau docile qui va des champs à l’a­bat­toir après avoir été ton­du et reton­du, n’ayant appris qu’une chose:tendre bête­ment le cou aux égor­geurs ! – Jamais !

Ô sublimes prin­cipes de l’i­né­vi­table et grande révo­lu­tion sociale, qu’elles sont mes­quines les indi­vi­dua­li­tés qui veulent vous domi­ner ou vous rape­tis­ser à leur taille ! et qu’il est temps que les tra­vailleurs, ayant à cœur d’ac­com­plir la mis­sion qui leur incombe dans la marche pro­gres­sive de l’hu­ma­ni­té, fassent place nette de tous les intri­gants qui leur barrent la route !

[|Salut fra­ter­nel|]

Aux Inter­na­tio­naux qui ont conser­vé la digni­té d’eux-mêmes et qui, sachant faire une dif­fé­rence entre une dis­ci­pline rai­son­née et libre­ment consen­tie et l’o­béis­sance pas­sive qui mène à l’a­bru­tis­se­ment, refusent comme moi de se sou­mettre aux déci­sions résul­tant d’in­trigues inexcusables.

[/​Édouard David

Membre de la Sec­tion n°2 de New-York./]

La lettre du second démis­sion­naire, le citoyen Ward, est trop longue pour que nous puis­sions la repro­duire. En voi­ci quelques passages :

« Les prin­cipes de l’In­ter­na­tio­nale mis en dis­cus­sion dans les dif­fé­rents Congrès, avaient été adop­tés avec conten­te­ment par les inter­na­tio­naux. Ils se basaient sur l’i­dée de l’au­to­no­mie com­plète des Sec­tions qui avaient le droit de s’or­ga­ni­ser comme bon leur sem­blait, d’ac­cord avec les prin­cipes géné­raux qui étaient leur loi commune.

« Per­sonne ne trou­vait à redire à cette orga­ni­sa­tion, et la grande Asso­cia­tion inter­na­tio­nale des ouvriers prospérait.

« Mais, par un manque de sagesse, on créa un Conseil géné­ral avec pou­voir de s’in­gé­rer dans les affaires des Conseils fédé­raux et des Sec­tions. Il en est résul­té une guerre furieuse de riva­li­tés natio­nales, de sus­pi­cions et de calom­nies per­son­nelles, Le Conseil géné­ral a oublié les prin­cipes, les a répu­diés, et ne s’oc­cupe plus main­te­nant que de la tâche de gou­ver­ner avec une auto­ri­té suprême. »

En consé­quence, le citoyen Ward déclare qu’il ne veut pas faire par­tie d’une ins­ti­tu­tion aus­si contraire à l’es­prit de l’In­ter­na­tio­nale, et que loin de se tenir hono­ré de sa nomi­na­tion, il a des rai­sons de croire que son nom n’a été intro­duit dans la liste des élus que par des motifs de stra­té­gie qu’il est de son devoir de déjouer en disant publi­que­ment toute sa pen­sée à ce sujet.

La Presse Anarchiste