La Presse Anarchiste

Le gouvernement espagnol se prépare à « mettre en carte » les organisations ouvrières

(I.N.O.).— Le capi­ta­lisme de tous les pays res­sent le besoin d’embrigader les ouvriers et les chô­meurs dans des orga­ni­sa­tions qui fassent d’eux les esclaves dociles du patro­nat et de l’é­tat. Les poli­ti­ciens « socia­listes » exploitent lar­ge­ment cette situa­tion à leur pro­fit pour deve­nir les légis­la­teurs du pro­lé­ta­riat et pour étendre leur emprise sur le mou­ve­ment ouvrier en y détrui­sant tout ce qui est révo­lu­tion­naire. Tel est le cas en Espagne. Le gou­ver­ne­ment espa­gnol, sous l’ins­pi­ra­tion et avec la col­la­bo­ra­tion du par­ti socia­liste, vient d’ar­rê­ter les termes d’une loi de réforme sur les asso­cia­tions ouvrières. La mise en vigueur de cette loi n’a pas encore eu lieu à l’heure où nous écri­vons ; mais elle est tenue en réserve pour être appli­quée au besoin avec toute sa vigueur.

L’ap­pli­ca­tion de cette loi signi­fie­rait pra­ti­que­ment l’in­ter­dic­tion de toutes les orga­ni­sa­tions qui se situent à gauche du Par­ti Socia­liste offi­ciel et de l’U.G.T. (syn­di­cats réfor­mistes diri­gés par Lar­go Cabal­le­ro, ministre du Tra­vail). Elle est une machine de guerre contre la C.N.T. et contre les orga­ni­sa­tions anar­chistes et communistes.

En pre­mier lieu, la loi décide que tout membre d’une orga­ni­sa­tion ouvrière doit avoir atteint l’âge de 16 ans. Or le gou­ver­ne­ment espa­gnol n’hé­site pas à auto­ri­ser l’ex­ploi­ta­tion des enfants à par­tir de 12 ans ; il est évident que cette dis­po­si­tion de la nou­velle loi tend à faire des jeunes ouvriers, grâce aux patro­nages catho­liques, et grâce au sport bour­geois, des esclaves sou­mis, des auxi­liaires de la police et des bri­seurs de grève. En deuxième lieu, un casier judi­ciaire vierge est exi­gé pour accé­der aux moindres fonc­tions dans les orga­ni­sa­tions ouvrières ; cela équi­vaut à exclure tous les révo­lu­tion­naires expé­ri­men­tés qui ont com­bat­tu illé­ga­le­ment sous l’an­cien régime.

Enfin la liste de tous les membres avec men­tion du nom, du métier et de l’a­dresse com­plète de cha­cun doit être trans­mise au gou­ver­ne­ment. Toutes les cartes sont contrô­lées par le minis­tère du tra­vail. C’est l’é­ta­ti­sa­tion du mou­ve­ment ouvrier sous sa forme la plus com­plète. C’est le fas­cisme avec tout son pro­gramme déma­go­gique et poli­cier. Pour régler les conflits du tra­vail siè­ge­ront des com­mis­sions d’ar­bi­trage com­po­sées par par­ties égales de patrons et d’ou­vriers – ceux-ci devront obli­ga­toi­re­ment faire par­tie de l’U.G.T. réfor­miste – et les déci­sions de ces com­mis­sions seront sans appel.

Cette loi réac­tion­naire par excel­lence et digne en tout point de la « Répu­blique espa­gnole (des assas­sins) des tra­vailleurs » est prête à entrer en vigueur d’un moment à l’autre. En accep­ter le prin­cipe serait tra­hir ouver­te­ment la classe ouvrière. Pré­tendre en retar­der l’ap­pli­ca­tion en ren­dant celle-ci pra­ti­que­ment inutile par une poli­tique d’abs­ten­tion et de com­pro­mis, serait tom­ber dans une tra­hi­son encore plus per­fide. La seule issue est de dénon­cer cette loi scé­lé­rate et de s’op­po­ser à sa mise en vigueur par une contre-offen­sive sans res­tric­tion. Le ter­rain de l’illé­ga­li­té est celui de la répres­sion bour­geoise, mais il est aus­si celui de la vic­toire pro­lé­ta­rienne, n’en déplaise à MM. les socia­listes de gou­ver­ne­ment. Pré­pa­rons-nous à sou­te­nir inter­na­tio­na­le­ment une lutte déci­sive des tra­vailleurs espagnols.

[/(Inédit. Repro­duc­tion autorisée.)/]

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