La Presse Anarchiste

Les décrets de Von Papen et la résistance ouvrière

Les « décrets-lois pour le relè­ve­ment de l’é­co­no­mie alle­mande » sont l’acte essen­tiel de la dic­ta­ture du gou­ver­ne­ment des sei­gneurs, et cet acte est un coup direct por­té aux masses tra­vailleuses en faveur des pro­prié­taires ter­riens et des usi­niers. En « contin­gen­tant » étroi­te­ment les impor­ta­tions de pro­duits agri­coles, il orga­nise la vie chère. En impo­sant le « relâ­che­ment des contrats col­lec­tifs », il arrache aux ouvriers indus­triels et agri­coles une nou­velle part de leurs salaires. Il était impos­sible de cacher aux pro­lé­taires la nature de l’at­taque. Les naz­zis eux-mêmes ont recon­nu en elle une offen­sive de classe contre les masses alle­mandes. Et les trois grands par­tis à base ouvrière, celui du mar­teau et de la fau­cille, celui des trois flèches, celui de la croix gam­mée, sont entrés en oppo­si­tion com­mune contre le gouvernement.

Deux ter­rains de lutte s’of­fraient aux adver­saires de Von Papen. Le ter­rain légal : défense de la démo­cra­tie et des contrats col­lec­tifs. Le ter­rain illé­gal : grève géné­rale et insur­rec­tion. L’ac­tion des trois par­tis et des syn­di­cats qui les suivent s’est abso­lu­ment limi­tée jus­qu’à pré­sent au ter­rain défen­sif et légal, et elle ne mani­feste aucune ten­dance à en sor­tir. C’est ain­si que les trois grandes for­ma­tions « révo­lu­tion­naires » de l’Al­le­magne sont para­doxa­le­ment deve­nues les gar­diennes du sta­tu quo, tan­dis que le par­ti « conser­va­teur », au mépris de toutes les règles de la consti­tu­tion et de toutes les lois sociales de l’Em­pire, accom­plis­sait une véri­table révo­lu­tion fasciste.

L’impuissance parlementaire.

Ou sait que Von Papen et ses décrets ont été mis en mino­ri­té au Reichs­tag par la plus grande coa­li­tion d’op­po­si­tion (513 voix contre 42) qui ait jamais été réa­li­sée dans les annales du par­le­men­ta­risme alle­mand. Le gou­ver­ne­ment s’en est tiré en dis­sol­vant le Reichs­tag, et les décrets ont été appli­qués comme si de rien était. À l’heure où nous écri­vons, les par­tis « ouvriers » se livrent entre eux et livrent à Von Papen une nou­velle et for­mi­dable « bataille » élec­to­rale. Pour la cin­quième fois en l’es­pace de dix mois, les masses alle­mandes élisent des repré­sen­tants qui seront peut-être auto­ri­sés à sié­ger, et dont peut-être les sug­ges­tions seront écou­tées – à la condi­tion tou­te­fois qu’elles soient en plein accord avec la poli­tique du gou­ver­ne­ment ! On annonce que ces élec­tions mar­que­ront la faillite du par­ti naz­zi. Elles auront en ce cas prou­vé qu’au­jourd’­hui aucun par­ti révo­lu­tion­naire ne peut sur­vivre à la pra­tique de l’é­lec­to­ra­lisme qui trans­forme n’im­porte quel mou­ve­ment en un trou­peau informe de badauds écou­tant des char­la­tans. Le par­ti naz­zi est défi­ni­ti­ve­ment tom­bé en que­nouille le jour où il a pris contre Von Papen la défense de la Consti­tu­tion de Weimar…

L’op­po­si­tion au décret Papen sur le ter­rain de la léga­li­té par­le­men­taire une fois liqui­dée par le coup d’É­tat du 12 octobre, res­tait l’op­po­si­tion sur le ter­rain de la léga­li­té syn­di­cale, sur le ter­rain du res­pect des contrats col­lec­tifs.

L’attitude des syndicats.

Ce que les décrets Von Papen inti­tulent en effet « relâ­che­ment des contrats col­lec­tifs » est en réa­li­té un véri­table viol de ces contrats, qui sont de règle uni­ver­selle en Alle­magne et dont les syn­di­cats sont avant tout les gar­diens offi­ciel­le­ment reconnus.

Les lois sociales alle­mandes attri­buent aux syn­di­cats légaux le « devoir de paci­fi­ca­tion », c’est-à-dire qu’ils doivent veiller à ce que les contrats ne soient rom­pus du côté des ouvriers, ni par la grève, ni par la résis­tance pas­sive, ni par l’exi­gence de nou­velles reven­di­ca­tions, ni par le viol des déci­sions arbi­trales pro­non­cées par les orga­nismes d’é­tat. Bien enten­du, il est éga­le­ment du devoir des syn­di­cats de s’op­po­ser à des vio­la­tions patro­nales de ces mêmes contrats, mais seule­ment sous les formes légales d’une récla­ma­tion intro­duite auprès des ins­tances arbi­trales de l’é­tat. C’est seule­ment après un délai don­né, et en cas d’un refus d’ar­bi­trage des patrons que la grève devient licite. 

Le cas n’est évi­dem­ment pas pré­vu d’une vio­la­tion des contrats col­lec­tifs qui serait auto­ri­sée par l’é­tat lui-même, au mépris de son rôle sup­po­sé d’ar­bitre impar­tial entre les classes. Il est évident que si les syn­di­cats se pliaient à jouer en pareil cas le rôle de gar­diens de la paix sociale au ser­vice des contrats faus­sés par l’in­ter­ven­tion abu­sive de l’é­tat, ils devien­draient de simples orga­nismes de police, et n’au­raient plus aucun droit à se pré­tendre les repré­sen­tants des inté­rêts éco­no­miques de la classe ouvrière.

Or, voi­ci exac­te­ment la teneur des décrets Papen en ce qui concerne les contrats collectifs :

« Si une usine ou un ate­lier pro­cède à l’embauche de nou­veaux ouvriers, de sorte que son per­son­nel dépasse, soit le nombre des tra­vailleurs occu­pés au 15 août 1932, soit la moyenne des tra­vailleurs occu­pés pen­dant les mois de juin, juillet et août 1932, le patron sera auto­ri­sé, sur la base du contrat col­lec­tif qui le lie à ses ouvriers (e à la 40e. Elle sera égale pour tout le per­son­nel occupé. »

Voi­ci le tableau des dimi­nu­tions autorisées : 

Ouvriers d’in­dus­trie. –

10% de dimi­nu­tion pour un per­son­nel aug­men­té de 5%

20% de dimi­nu­tion pour un per­son­nel aug­men­té de 10%

30% de dimi­nu­tion pour un per­son­nel aug­men­té de 15%

40% de dimi­nu­tion pour un per­son­nel aug­men­té de 20%

50% de dimi­nu­tion pour un per­son­nel aug­men­té de 25%

Ouvriers agri­coles.

2% de dimi­nu­tion pour un per­son­nel aug­men­té de 5%

4% de dimi­nu­tion pour un per­son­nel aug­men­té de 10%

6% de dimi­nu­tion pour un per­son­nel aug­men­té de 15%

8% de dimi­nu­tion pour un per­son­nel aug­men­té de 20%
10% de dimi­nu­tion pour un per­son­nel aug­men­té de 25%

Le plan gou­ver­ne­men­tal assure en outre au patro­nat une gra­ti­fi­ca­tion annuelle de 400 marks pour tout embau­chage de chô­meur, ce qui est une véri­table prime à l’u­ti­li­sa­tion des jaunes et à l’af­fa­me­ment de la classe ouvrière.

Eh bien, les syn­di­cats alle­mands sont tel­le­ment dégé­né­rés qu’ils n’ont abso­lu­ment rien ten­té pour s’op­po­ser à l’ap­pli­ca­tion des décrets illé­gaux de Von Papen. Leur seule acti­vi­té a consis­té à faire cam­pagne pour un refe­ren­dum qui, en met­tant les choses au mieux, pour­ra fonc­tion­ner dans un an envi­ron, étant don­né le méca­nisme consti­tu­tion­nel allemand.

À part cela, leur atti­tude a été d’un tel loya­lisme, que le minis­tère des barons n’a pas hési­té à leur deman­der leur aide pour bri­ser les mou­ve­ments de résis­tance spon­ta­née qui s’é­taient pro­duits dans les entre­prises sou­mises au « relâ­che­ment des contrats ».

Voi­ci ce que le ministre du Tra­vail, Schäf­fer, expose au sujet du rôle que les décrets Papen ont réser­vé aux orga­ni­sa­tions syndicales :

« Il me semble que le pre­mier devoir des syn­di­cats est d’exa­mi­ner le véri­table fon­de­ment des nou­velles de grève, et d’in­ter­ve­nir immé­dia­te­ment afin de rem­plir leur devoir de paci­fi­ca­tion. Il est hors de doute que le paie­ment des salaires réduits sur la base du décret-loi, doit être consi­dé­ré comme accom­plis­se­ment com­plet des enga­ge­ments pris par le contrat col­lec­tif. Il est super­flu d’in­sis­ter sur les consé­quences immé­diates de la vio­la­tion du devoir de paci­fi­ca­tion ; mais il paraît qu’un cer­tain nombre de per­sonnes ne com­prennent pas encore, que si par ailleurs, le rôle paci­fi­ca­teur des syn­di­cats venait à être nié ou obs­ti­né­ment vio­lé par les ouvriers, la concep­tion du contrat col­lec­tif se trou­ve­rait mena­cée et la posi­tion des syn­di­cats serait gra­ve­ment ébranlée. »

Schäf­fer invite ici les syn­di­cats à veiller à leur propre conser­va­tion contre les inté­rêts de la classe ouvrière, et mal­heu­reu­se­ment il a trou­vé dans les chefs syn­di­caux des dis­ciples dociles.

Comment Von Papen conçoit l’unité syndicale.

Le rôle que le gou­ver­ne­ment Von Papen compte faire jouer aux syn­di­cats est illus­tré encore plus clai­re­ment par le pas­sage sui­vant du plan gouvernemental :

« C’est pré­ci­sé­ment dans les mois d’hi­ver que le relan­ce­ment de l’é­co­no­mie devra por­ter ses fruits ; le chan­ce­lier du Reich escompte une embauche d’au moins un mil­lion trois quarts de chô­meurs. On éta­blit à pré­sent les plans de l’é­lar­gis­se­ment du ser­vice civil pour les jeunes chô­meurs. Par là on touche un point très impor­tant du pro­gramme gou­ver­ne­men­tal : l’in­té­gra­tion des syn­di­cats dans le tra­vail social-poli­tique. Les syn­di­cats devront col­la­bo­rer à l’or­ga­ni­sa­tion du ser­vice civil pour détruire dans son germe la méfiance exis­tant actuel­le­ment à l’en­contre de cette mise en réqui­si­tion des chô­meurs.

» La dis­pa­ri­tion de cer­taines ten­dances de concur­rence entre les dif­fé­rentes orien­ta­tions syn­di­cales et une struc­ture ouver­te­ment pro­fes­sion­nelle, à la place de la struc­ture actuelle des orga­ni­sa­tions syn­di­cales four­ni­raient les condi­tions préa­lables à ce devoir de col­la­bo­ra­tion et à d’autres tâches que l’É­tat assume encore à pré­sent. Dans de telles condi­tions les syn­di­cats pour­raient assu­rer des niches offi­cielles aus­si bien dans le domaine de l’or­ga­ni­sa­tion du ser­vice civil que dans celui de la régle­men­ta­tion et l’ad­mi­nis­tra­tion des caisses de secours de sorte que leurs attri­bu­tions limi­tées aujourd’­hui à la poli­tique des contrats col­lec­tifs se trou­ve­raient consi­dé­ra­ble­ment élar­gies. En même temps ils pour­raient ser­vir de base à un par­le­ment éco­no­mique pro­fes­sion­nel qui rem­pla­ce­rait le Conseil Éco­no­mique actuel du Reich. »

La résistance ouvrière à Berlin

Heu­reu­se­ment, la capi­tu­la­tion des chefs ne signi­fie pas for­cé­ment l’i­nac­tion des masses.

La quin­zaine der­nière s’est dérou­lée sous le signe de la volon­té de lutte crois­sante des ouvriers d’u­sine. En Alle­magne toute une série d’u­sines sont entrées en grève de défense contre la baisse des salaires, quoi que les chefs syn­di­caux aient pu faire pour démon­trer aux ouvriers « qu’en temps de crise les grèves n’a­vaient pas de rai­son d’être. »

Ain­si, pour résis­ter aux décrets affa­meurs de Papen, les fabriques ber­li­noises Zeh­len­dorf, Daim­ler et Mon­ta­nia (tex­tile), l’en­tre­prise de construc­tion Buckow, l’u­sine Lich­ter­land et Frey­tag, enfin les mai­sons Likör­mayer, Gro­ter­jahn et Hor­ten­sen ont réso­lu l’en­trée en grève pour une période illi­mi­tée. En dehors de cela, dans les entre­prises Fromms Akt, Löwen-Böh­misch, à Ber­lin, chez Schul­theiss à Span­dau, dans l’u­sine à gaz de Ber­lin-Lich­ten­berg, dans cer­tains ate­liers de l’A.E.G. (tur­bines), etc., ont écla­té des mou­ve­ments de protestation.

Chez Stock, à Marien­felde, la construc­tion de machines et la fabri­ca­tion de forets à coupe rapide ont été arrê­tées par la résis­tance pas­sive, et la direc­tion a renon­cé à la dimi­nu­tion de salaire au moment même où l’on allait voter la grève. Les dockers du port de Ber­lin comme aupa­ra­vant les démé­na­geurs, immo­bi­li­sèrent com­plè­te­ment le tra­vail dans leur branche. Dans la même ville, à la fabrique de lin­ge­rie pour hommes Bor­chert, Pape­lal­lee 78 – 79, 400 femmes débrayèrent pour s’op­po­ser à une réduc­tion de salaire aux pièces de 8% et de 5% pour le tra­vail à la chaîne, par appli­ca­tion des décrets-lois. Étant don­né que le patron avait embau­ché 116 nou­velles tra­vailleuses, il reçoit déjà de Papen un cadeau de 11.600 marks par tri­mestre. Il veut encore obte­nir par cette dimi­nu­tion de salaire un sur­pro­fit de 240 marks par semaine. Pen­dant le vote, les exi­gences de la firme furent repous­sées à l’u­na­ni­mi­té moins 4 voix. La direc­tion fit alors savoir par le tableau d’af­fi­chage que la dimi­nu­tion était por­tée à 12,5%. Les ouvrières répon­dirent par la grève sur le tas, et quand la mai­son exi­gea caté­go­ri­que­ment la reprise du tra­vail, quatre cents d’entre elles quit­tèrent l’usine.

Aux édi­tions Scherl, cas typique : pen­dant que les embal­leurs et le per­son­nel auxi­liaire entrait en grève, et que les pres­sistes et les relieurs emboî­taient le pas, les typo­graphes et com­po­si­teurs à la machine conti­nuaient le tra­vail, de sorte qu’il fut pos­sible de faire impri­mer le jour­nal sur les presses d’une autre mai­son. Un peu par­tout les manœuvres ont devan­cé les pro­fes­sion­nels en com­ba­ti­vi­té et en esprit de sacrifice.

En province, le mouvement s’étend à de nombreux centres ouvriers.

Non seule­ment à Ber­lin, mais aus­si dans le Reich, la volon­té de lutte des ouvriers s’af­firme de jour en jour. Ain­si les ouvriers du tex­tile en Saxe ont repous­sé vic­to­rieu­se­ment la dimi­nu­tion de salaire dont on les frap­pait. À Weis­sen­feld, mille cor­don­niers ont quit­té le tra­vail et bien que les patrons aient pro­duit une ordon­nance du tri­bu­nal local en leur faveur, le bloc des gré­vistes fut main­te­nu jus­qu’à suc­cès total. À Ham­bourg, la fabrique de papier Fuchs, les usines d’as­phalte Ham­burg-Amm, la fabrique de jute Bill­stedt, les tan­ne­ries Hal­len­stein sont entrées dans la lutte. En cer­tains cas, la menace d’en­trer en grève a suf­fi à faire reti­rer la dimi­nu­tion de salaires.

À Dresde, ce sont la fabrique de rideaux Doll­ritz, la mai­son Hile de Dresde-Reik, où devait avoir lieu le 5 octobre une dimi­nu­tion de salaire (réduc­tion de la semaine de tra­vail à 40 heures et réduc­tion de 50% sur les heures au-delà de la tren­tième). Après que tous les pour­par­lers eurent échoué, la grève fut déci­dée par 448 voix contre 6. Comme suite à une consul­ta­tion avec la mai­son-mère de Gor­litz, la réduc­tion de salaire fut reti­rée et on n’ap­pli­qua pas la semaine de 40 heures.

À Leip­zig, les relieurs et les impri­meurs sont entrés en résis­tance la semaine dernière.

Dans la pro­vince du Bran­de­bourg, beau­coup de branches diverses sont tou­chées. Par exemple, à Sprein­berg, les ouvriers de deux usines de tex­tile ont fait une grève de 24 heures. À Forst (N.L.), cinq usines sont débrayées depuis plu­sieurs semaines. Les dimi­nu­tions appli­quées frap­paient des salaires déjà misé­rables et la réduc­tion attei­gnait 5 à 12 marks par semaine !

À Kott­bus, les ouvriers de l’im­pri­me­rie Enke font grève, et il est à signa­ler que la police est inter­ve­nue pour empê­cher les quêtes du Secours Ouvrier Inter­na­tio­nal au pro­fit des gré­vistes. Un ouvrier qui avait signé un tract du S.O.I. dénon­çant les patrons des usines en grève a été condam­né à 1.500 marks d’amende.

Parviendra-t-on à opposer ouvriers et chômeurs ?

La bour­geoi­sie prend ses mesures de défense. Déjà pen­dant la semaine der­nière, on dis­cu­tait au minis­tère du Tra­vail la sup­pres­sion du para­graphe qui assure aux chô­meurs le droit de refu­ser le tra­vail dans les usines en grève vers les­quelles ils sont diri­gés par les bureaux de pla­ce­ment. C’est là une menace d’une extrême gra­vi­té, à la fois pour les chô­meurs et pour les ouvriers. Ils ne pour­ront en venir à bout que par la pra­tique d’une soli­da­ri­té com­plète et d’une résis­tance achar­née, par l’u­nion com­bat­tante des ouvriers et des chô­meurs dans les comi­tés d’action.

Mal­heu­reu­se­ment, on est sou­vent encore bien loin de cette uni­té de front si néces­saire, comme le remarque le « Kampfruf » :

« Com­pre­nant la néces­si­té d’une action concer­tée des sans-tra­vail et des ouvriers d’u­sine, les chô­meurs du bureau de chô­mage Pan­kow, Had­lichs­trasse, avaient élu le mois der­nier en assem­blée géné­rale une délé­ga­tion qui devait entrer en rela­tion avec les dif­fé­rentes usines pour dis­cu­ter sur les mesures de défense à prendre en com­mun. Dans une assem­blée d’u­sine de la bras­se­rie Engel­hardt fixée au 4 octobre, on devait mettre cette idée en pra­tique. L’as­sem­blée était nom­breuse, mais il paraît que les ouvriers d’En­gel­hardt, à Pan­kow, sont encore dans une situa­tion flo­ris­sante, car on pro­po­sa comme motion d’ordre que les « élé­ments étran­gers » aient à quit­ter la salle. L’en­semble des ouvriers en déci­da autre­ment. Alors se déclen­cha la dic­ta­ture de ces piliers de syn­di­cats, qui ornent chaque, lettre qu’ils écrivent avec les trois flèches, le soi-disant sym­bole de la liber­té. Bien que l’o­ra­teur de la délé­ga­tion des chô­meurs ait expo­sé d’une façon calme et objec­tive la por­tée de sa mis­sion, il fut invi­té avec ses cama­rades à sor­tir de la salle en atten­dant que l’ordre du jour soit épui­sé. Comme les chô­meurs ne vou­laient pas res­ter des heures à la porte dans une pos­ture de men­diants, on fut obli­gé d’en res­ter là. Il res­sort de cet exemple que les ouvriers doivent apprendre à s’é­cou­ter mutuel­le­ment pour arri­ver à réa­li­ser le véri­table front unique, sans se lais­ser aller à une vani­té pro­fes­sion­nelle quel­conque. » Même un cama­rade du métier qui avait été envoyé par le comi­té d’u­ni­té d’une autre bras­se­rie fut chas­sé sans avoir pu dire ce qu’il vou­lait. Le « Kamp­fruf » s’est fait son inter­prète en disant aux ouvriers de l’u­sine. Engel­hardt : « Réveillez-vous en fin, et recon­nais­sez que les véri­tables scis­sion­nistes du mou­ve­ment ouvrier se trouvent dans les orga­ni­sa­tions de métier. »

[/​Dora. R.

(Inédit. Repro­duc­tion autorisée)/]

 — La place nous marque pour rendre compte de la grève ber­li­noise des trans­ports. Cette lacune sera com­blée dans le pro­chain numéro.

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