La renaissance syndicale s’affirme de plus en plus.
Quand on songe au rude coup que porta, au syndicalisme l’échec des grèves de 1920 et que l’on sent, quand même, vibrer dans les cœurs le désir de se mesurer à nouveau avec nos adversaires directs, on peut se déclarer en partie satisfait.
D’autant plus que divers événements sont encore venus accroître les difficultés et que, loin d’être uniforme, la propagande qui se fait contrarie souvent les efforts des uns et des autres.
Il est certain que pour obtenir un résultat probant et voir se réaliser notre espoir, il est indispensable que tous les syndicalistes, tous les compagnons apportent à la propagation des théories économiques une activité inlassable et qu’ils recherchent une base de discussion d’où pourrait sortir un programme d’action plus approprié aux circonstances et par là même plus efficace.
Le prolétariat en tirerait un bénéfice certain et nous arriverions ainsi à annihiler l’activité pernicieuse des politiciens de tous crins, tout en parfaisant l’éducation nécessaire.
Plus la préparation à l’action sera profonde, étendue, plus les masses seront atteintes par notre vulgarisation, plus notre impulsion se fera sentir, et mieux nous pourrons envisager les possibilités réalisatrices.
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Le 1er mai 1922 a, par son ampleur, dépassé certainement les prévisions que l’on était à même de se permettre.
Le chômage, pour n’être pas complet, s’est étendu suffisamment pour que cette journée revête le caractère de manifestation revendicatrice que nous désirons lui voir prendre.
Paris avait perdu un peu de la vie trépidante, de la fièvre débordante, de cette activité bruyante qui le caractérise ; cela, malgré les ordres des gouvernants de la finance, et les précautions qu’avaient pu prendre les organisations dites d’intérêt économique et autres ligues civiques
Le succès des manifestations d’ensemble du dimanche et du lundi répondit aux espérances des militants et ce retour à la vie active des organisations syndicales est de bon aloi. Une fois de plus, les anarchistes s’affirmèrent en participant efficacement à toutes les actions entreprises.
En province, le résultat obtenu fut encore plus satisfaisant, toutes proportions gardées ; d’autant plus que le recul subi par les syndicats y avait été fortement marqué et que les militants obscurs de ces organisations éprouvent beaucoup plus de difficultés à se manifester et à agir.
Tenant compte des moments difficiles par lesquels est passé le syndicalisme et constatant qu’il n’a rien perdu de sa puissance d’attraction, nous pouvons affirmer que l’expression du mécontentement des travailleurs ne fera que croître, au fur et à mesure que les événements se précipiteront et que, parallèlement, notre action se fera plus précise et plus pressante.
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Quelques semaines seulement nous séparent du Congrès constitutif de notre C.G.T. et les discussions vont bon train.
Les tendances se font jour en s’affirmant davantage. Le choc des idées se produit. La lutte s’engage sur différents points bien déterminés.
La Commission administrative a soumis à l’étude et à la discussion des organisations un projet de statuts qui contient d’excellentes modifications et des améliorations incontestables sur les précédents.
Ces nouveaux statuts ne sont certainement pas parfaits et nous avons encore à apporter des suggestions utiles au développement du mouvement ouvrier économique.
La prévoyance et la clairvoyance dont les anarchistes ont toujours fait preuve doivent être d’un appoint sérieux à l’élaboration présente de ce projet qui doit servir de base à la charpente souple et solide sur laquelle viendront s’amalgamer les éléments composant le bloc puissant que doit former la classe ouvrière.
L’impression première, qui ressort des controverses engagées, nous conduit à penser que le fédéralisme constructeur sortira triomphant de sa lutte contre le centralisme et que le syndicalisme dégagé de toutes les ornières, poursuivra sa route jusqu’à la destruction de toutes les formes d’autorité.
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Il est une affirmation, faisant partie intégrante du projet de statuts actuellement en discussion, qui a fait et fera couler encore beaucoup d’encre et déverser des flots d’éloquence : c’est celle qui consiste à situer le syndicalisme sur le terrain anti-étatique.
Cela a causé quelque perturbation dans certains milieux, et ne sera jamais pardonné par ceux qui, sous l’emprise de l’esprit politicien et de l’idée de parti, pensent que les travailleurs sont incapables par eux-mêmes d’organiser et d administrer la production, la circulation et la répartition.
À leurs yeux, il n’est d’autre salut que dans le cadre étroit de l’État inévitablement centraliste, dans la compétence, la connaissance, la supériorité d’une élite dont ils sont évidemment les membres les plus marquants.
Le plus étonnant dans cette histoire, c’est leur prétention à être parmi les premiers dénonciateurs des erreurs et des crimes que commet l’État par le moyen et le truchement de ses rouages et institutions, et qu’ils paraissent se dresser véhémentement contre les hommes au Pouvoir, de la Finance, du Capital, qui se croient, eux aussi, désignés tout naturellement comme des conducteurs d’hommes, des directeurs de conscience, en un mot comme une élite dont l’existence est indispensable au bon fonctionnement de la société humaine.
Il est vrai que nos étatistes s’empressent d’ajouter qu’il ne faut pas comparer l’État qu’ils prévoient avec celui qui existe et contre lequel ils vitupèrent.
Heureusement pour nous, du moins nous pouvons l’espérer, que les syndicalistes n’oublieront pas que l’État, quel qu’il soit, est forcément restrictif, qu’il amoindrit l’individu et que son existence ne peut perdurer que grâce à l’utilisation, pour des fins intéressées, de la corruption, de l’arbitraire et de l’oppression.
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Certains camarades pouvaient croire que le Front Inique faisait figure de mort-né dans notre pays, malgré la couveuse artificielle de Moscou.
Comme ils se sont trompés ! puisque, dans le syndicalisme même, d’anciens spadassins minoritaires, véritables pourfendeurs de majoritaires ont dégainé leurs rapières pour nous influencer en faveur du mariage de raison dont ils sont les protagonistes.
Ils n’y vont pas de main morte dans leurs explications d’un pareil revirement, puisqu’aux seuls — parait-il — voient clair aujourd’hui.
Qu’avaient-ils donc dans les yeux, hier ?
Il est vrai que, depuis la naissance de la C.G.T.U., que l’on chantait sur un air de mélodie ou plutôt de complainte, les temps ont changé et que l’autorité morale dont ils disposaient a baissé considérablement.
Nous devrions les excuser et les plaindre puisque la coutume permet de dire qu’il est humain, lorsque l’on subit un échec, de se retourner tout comme une girouette qui, sur son toit, répond sans cesse aux orientations du vent.
Nous ne devrions donc pas les prendre au sérieux, si l’illusion, à notre époque, ne faisait pas plus de recette que la réalité.
Aussi bien, malgré le refus catégorique qu’ils essuieront de la part des Saint-mandéens — dont la vie est si tranquille maintenant — devons-nous tenir compte de leurs élucubrations pour dénoncer sans cesse tout ce qu’elles contiennent de conséquences nuisibles au syndicalisme en particulier et au prolétariat en général
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Un peu plus, nous allions revivre les heures du Comité d’action, de si triste mémoire, formé par les organisations dites d’avant-garde.
Donc ces divers groupements furent invités par la C.G.T.U. à venir discuter des modalités de l’action à entreprendre contre la guerre, à nouveau menaçante. Il ressort des conversations qui eurent lieu que certaines organisations voulaient tirer profit de l’action à engager, ce qui nous prouve une fois encore que l’on ne pense plus au but poursuivi lorsqu’il s’agit de bénéficier d’une période mouvementée, pour réaliser, à la faveur de l’agitation, un recrutement intensif.
Quand donc le syndicalisme comprendra-t-il que, seul, il doit entrer dans la lutte sans se soucier des organismes d’à‑côté dont les éléments ouvriers ont leur place marquée dans son sein.
Que pouvant les contenir tous, il reflète néanmoins leurs pensées communes, puisqu’il synthétise les aspirations de ceux qui souffrent.
Chaque fois que, sur l’étendue du terrain social, les travailleurs ont à intervenir, leur seule organisation de classe, le syndicat, doit se lancer dans la bataille, avec sa puissance, ses éléments propres, dont la volonté, le désintéressement et l’activité suffiront amplement à entraîner avec eux les indécis, même les indifférents du moment, leur confiance dans les politiciens étant limitée au strict minimum.
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La question de l’adhésion à l’Internationale syndicale dite rouge, entre dans une phase active.
Une conférence préalable doit avoir lieu à Berlin dans le courant de juin peu de temps avant à congrès de Saint-Etienne.
Aussi, que les anarchistes, sans perdre de temps, se mettent à la besogne pour faire connaître la Vérité, tant compromise par le Mensonge.
L’obscurantisme étant à l’ordre du jour, les hommes ont, plus que jamais, besoin de lumière.
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