La Presse Anarchiste

Le travail volontaire ou imposé

[(

Nous sup­po­sons balayée la pour­ri­ture capitaliste,

  1. Êtes-vous en faveur du Tra­vail volontaire ? 
    1. Pour quelles raisons ?
    2. Com­ment en conce­vez-vous l’organisation ?
  2. Êtes-vous par­ti­san du Tra­vail imposé ? 
    1. Pour quelles raisons ?
    2. Com­ment en conce­vez-vous l’organisation ?

)]

Votre ques­tion­naire me par­vient dans une période de sur­me­nage. Par­ti­san du tra­vail volon­taire, je devrais ne pas m’imposer de répondre. Aimant soi­gner mon tra­vail, je devrais m’imposer de ne pas impro­vi­ser une réponse hâtive et insuf­fi­sante. Mais l’homme est, au détail, ani­mal joyeu­se­ment contra­dic­toire. Trop de rai­sons de me taire : donc je parle ou je fais semblant.

Le tra­vail impo­sé sup­pose ou néces­site une hié­rar­chie. Sous tels dégui­se­ments et tels noms qu’on vou­dra, patrons, sur­veillants (en grec épi­scopes ou évêques), com­mis­saires du peuple (ou, comme disaient les anciens Grecs, épi­mé­lè­tès), il éta­blit des maîtres sur des esclaves, des gens qui com­mandent (au nom de ce que vous vou­drez, Dieu, Ordre ou Pro­lé­ta­riat) sur des gens qui obéissent, des gens qui imposent sur des gens à qui on impose et à qui on tâche d’en impo­ser. Et les maîtres trouvent tou­jours que com­man­der leur est un office suf­fi­sant. Mal­gré les appa­rences pre­mières, seul le tra­vail impo­sé crée les para­sites. Une révo­lu­tion après laquelle le tra­vail reste impo­sé a beau se pré­tendre éco­no­mique, elle reste poli­tique. Elle change les noms sans tou­cher aux choses. Elle touche aus­si aux per­sonnes, il est vrai. C’est pour­quoi elle pas­sionne les ambi­tieux et les assoif­fés de ven­geance. Elle modi­fie quelques sta­tuts per­son­nels, dégrade quelques maîtres, élève au rang de maîtres quelques esclaves d’hier. Abais­ser des superbes pour éle­ver et enor­gueillir quelques humbles, cette besogne biblique ne m’intéresse point.

Com­ment je conçois l’organisation du tra­vail volon­taire ? J’ai envie de répondre que je ne suis pas orga­ni­sa­teur et de citer la Fontaine :

Ne for­çons pas notre talent.

Je suis ten­té aus­si de faire le pro­cès de l’organisation. Plus d’une fois encore, sous pré­texte d’organiser, on réta­bli­ra sour­noi­se­ment la contrainte : on m’imposera une besogne à laquelle on fera l’honneur de l’appeler tra­vail volontaire.

Tra­vail volon­taire me semble presque syno­nyme de tra­vail non orga­ni­sé. J’entends qu’il ne faut pas que l’organisation vienne du dehors, d’un cer­veau de théo­ri­cien ou d’une cer­velle à patron. J’organiserai mon tra­vail ; orga­ni­sez le vôtre. Mais si vous pré­ten­dez orga­ni­ser le mien, halte-là, mon­sieur le com­mis­saire ! Nous avons des rai­sons de col­la­bo­rer ; coor­don­nons nos efforts fra­ter­nels ; ne subor­don­nons pas ceux de l’un à ceux de l’autre. Si tu connais le bou­lot mieux que moi, j’ai plai­sir à suivre tes gestes et tes conseils.

Au tra­vail de s’organiser lui-même, joyeu­se­ment, comme s’organise un jeu. Si ce mini­mum d’organisation ne suf­fit pas à cer­taines besognes, ces besognes-là on les laisse tom­ber, et l’humanité en est allé­gée d’autant. La vie du tra­vail libre est chose mul­tiple, souple, chan­geante. Il ne me plaît guère de la nom­mer orga­ni­sa­tion comme tant de régle­men­ta­tions rigides. Un de ses pre­miers bien­faits sera d’éliminer nombre de besognes ridi­cules ou répu­gnantes, nombre de faux besoins, nombre aus­si de cal­culs sta­tis­tiques, de véri­fi­ca­tions et autres calem­bre­daines tyran­ni­que­ment orga­ni­sa­trices. Ondoie­ment et dyna­misme, la vie est bles­sée, j’allais dire désor­ga­ni­sée, par les rigi­di­tés et les rigueurs sta­tiques que le plus sou­vent on appelle organisation.

Libé­rons la vie et regar­dons avec émer­veille­ment ce que font ses gestes libres. Si cette liber­té, le pre­mier jour, nous monte à la tête comme une ivresse, tant pis et tant mieux. On s’apaisera le lendemain.

Je vais être tout à fait gen­til, beau­coup plus gen­til que je ne me le pro­po­sais. Je vais vous dire, à l’oreille, mon petit pro­jet, ma petite contri­bu­tion à l’organisation. Mais, vous savez, rien qui presse. J’ai Je temps de l’oublier plus d’une fois et d’y repen­ser plus d’une fois. Met­tons que ce soit pour ma ving­tième réin­car­na­tion, à comp­ter de la présente.

J’espère que vous allez vous moquer de mol. Rire fait tant de bien.

Écou­tez donc malicieusement.

La Révo­lu­tion est faite. Dans les choses. Pas seule­ment dans les mots. Elle a libé­ré les hommes, cette fois, au lieu d’alourdir leur ser­vi­tude. Le tra­vail s’est orga­ni­sé selon les lois et les rythmes natu­rels, parce que per­sonne ne l’a orga­ni­sé. Beau­coup de résul­tats étonnent de grâce impré­vue et d’harmonie sou­riante. Pour­tant, ça n’est pas encore par­fait. Quelques hési­ta­tions et quelques accrocs ; quelques lour­deurs et quelques faux-pas. Sur­tout parce qu’on n’a pas assez éli­mi­né de besoins arti­fi­ciels et de besognes inutiles. Mais mon mani­feste est tout prêt.

Un appel aux cama­rades qui sentent comme moi. Fon­dons un groupe et, si nul ne pro­pose un titre qui nous plaise davan­tage, appe­lons-nous Les Aides Ration­nels. Si, comme on parle peut-être encore, notre créa­tion répond à un besoin, d’autres groupes ana­logues se for­me­ront. Les tra­vailleurs, ici ou là, sont débor­dés, en nombre insuf­fi­sant. Ils s’adressent à nous et nous accou­rons. Mais nous ne consen­tons qu’aux tra­vaux qui satis­font les besoins natu­rels de l’homme. Si des bijou­tiers, dans quelque coin, s’obstinent à fabri­quer des bagues et des bra­ce­lets, ils peuvent nous appe­ler, nous n’entendons pas.

Vous dites que c’est moi qui ris, cama­rades. Pour­quoi pas ? Quand j’écris pour la Revue Anar­chiste, je ris comme un bon tra­vailleur volon­taire et non orga­ni­sé. Puis­sions-nous rire tous et tou­jours de la même façon, dans la même bonne volon­té libre.

[/​Han Ryner./​]

[|* * * */​]

La ques­tion nous embar­rasse singulièrement :

Tra­vail volon­taire ou imposé ?

Quand on en arrive à un cer­tain tour­nant de la vie, on ne se rond pas un compte bien exact de sa pensée.

Ajou­ter un dogme de plus ? une loi, un prin­cipe ou une défi­ni­tion à toutes celles qui ont déjà été proposées ?

La nature nous révèle vrai­ment trop peu de ses mys­tères pour que la pauvre petite rai­son humaine puisse éta­blir un équi­libre à ten­dances rationnelles.

Savons-nous seule­ment, pour nous-mêmes, ce qui nous entraîne pas­sion­né­ment au tra­vail, n’en recher­chant aucune autre récom­pense que la seule joie de vivre l’heure pré­cise ? Si aujourd’hui vous m’imposiez une déci­sion, même arbi­traire, nous croyons que rien ne doit être impo­sé, sous quelque forme que ce soit, même pas à soi-même. Chaque fois que l’Homme pré­tend inter­ve­nir dans les évé­ne­ments, ils se retournent immé­dia­te­ment contre lui-même. C’est pour­quoi toute son acti­vi­té ne peut agir que dans le plan du mou­ve­ment en hauteur.

Quant à l’organisation, elle ne peut se résu­mer que par le choix libre d’un élu, Dic­ta­teur féroce de l’Idéal, Tota­li­sa­teur du nombre, à fonc­tions inhu­maines quoique périssables.

Tout ceci est aus­si confus qu’une valeur quel­conque de l’universel rap­por­tée à la mobi­li­té indi­vi­duelle, mais nous pen­sons aus­si qu’énoncer une vérité (

[/​Mme Lara et E. Autant./​]

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Si je croyais que, la Révo­lu­tion acquise, il n’y aurait comme le dit Sébas­tien Faure dans « Mon Com­mu­nisme », que 10 % de réfrac­taires au tra­vail, je serais par­ti­san du « tra­vail volon­taire ». Mais je ne suis pas aus­si opti­miste à ce sujet que lui. Il me paraît indé­niable que, soit que la paresse soit natu­relle à l’être humain, soit que l’éducation qu’il reçoit, tant celle de l’école que celle qu’il reçoit de la socié­té, lui dépoé­tise le tra­vail et le lui fasse dans trop de cas consi­dé­rer comme dégra­dant ou répu­gnant, le nombre des pares­seux en puis­sance, qui affir­me­raient leur droit à la paresse et à vivre aux dépens des autres le len­de­main de l’instauration d’une socié­té anar­chiste, dépas­se­rait lar­ge­ment 10 %, et j’ai la convic­tion qu’il appro­che­rait et même dépas­se­rait 50 %. Dans ces condi­tions, l’institution trop hâtive du « tra­vail volon­taire » aurait des consé­quences qui pour­raient être ter­ribles, il serait désa­gréable aux tra­vailleurs d’œuvrer pour des gens qui « n’en fiche­raient pas un coup », et cer­tai­ne­ment la paresse ferait tache d’huile même par­mi ceux-là, jusqu’à ce que la néces­si­té amène les hommes à réins­ti­tuer le tra­vail obli­gé avec toutes les contraintes qu’il comporte.

Plus tard, lorsque l’éducation aura for­mé vrai­ment des hommes, on pour­ra peut-être ins­ti­tuer le « tra­vail volon­taire ». Aujourd’hui, avec les élé­ments plus ou moins gan­gre­nés que nous donne la socié­té actuelle, ce serait plus que scabreux.

Aus­si j’estime qu’il faut pré­voir au moins une époque de tran­si­tion. Puisque la pro­duc­tion doit être suf­fi­sante avec cinq ou six heures par jour de labeur, en y employant tout le monde, je crois qu’on peut exi­ger de tous cet effort, en y appor­tant les tem­pé­ra­ments néces­saires en ce qui concerne ce que j’appellerai les pares­seux maladifs. 

Il fau­dra des sanc­tions. Je ferai remar­quer qu’il y en aura de natu­relles et qui ne seront pas sans effi­ca­ci­té. Il sera impos­sible cer­tai­ne­ment d’obtenir des tra­vailleurs qu’ils regardent les pares­seux comme des cama­rades, et l’amour-propre aidant, beau­coup auront à cœur, même sans y avoir plai­sir, de don­ner leur effort. Mais il se peut que ces sanc­tions natu­relles ne soient pas suf­fi­santes. Et alors, pour réduire au mini­mum l’autorité néces­saire, je ne pro­po­se­rai pas que les pares­seux ou les réfrac­taires au tra­vail y soient conduits à coups de fouet, ni qu’on les prive de man­ger… Mais je pense qu’on devrait leur réser­ver un ter­ri­toire, assez grand pour qu’ils s’y sentent en liber­té : de plu­sieurs kilo­mètres car­rés par exemple, assez grand pour qu’ils y puissent trou­ver des res­sources suf­fi­santes, mais dont Ils ne pour­raient sor­tir ; et de les y lais­ser avec des outils, des semences, etc… arran­ger leur vie à leur guise. Il fau­drait peut-être quelques sen­ti­nelles. Mais je crois qu’il n’en fau­drait pas beau­coup : nombre d’individus peu enclins au tra­vail pré­fé­re­raient cer­tai­ne­ment le tra­vail nor­mal avec sa consé­quence, le bien-être, au tra­vail beau­coup plus dur que leur impo­se­rait la nature.

[/​V. Crois­sac,

de l’« Inté­grale »./​]

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Poser la ques­tion dans un organe anar­chiste me paraît super­flu, car les lec­teurs de cette revue l’ont cer­tai­ne­ment réso­lue dans le sens de la liber­té s’ils sont anarchistes.

Si nous sommes pour le tra­vail volon­taire, c’est que nous savons que toute contrainte exer­cée sur l’individu — par une volon­té exté­rieure et plus forte que la sienne — le fait souf­frir parce que cette contrainte le dimi­nue et l’humilie on com­pri­mant ses dési­rs, ses aspi­ra­tions. De ce fait, l’effort don­né pour un tra­vail impo­sé, non volon­taire, est moindre et le pro­duit de qua­li­té et de quan­ti­té infé­rieures. Pour un tra­vail impo­sé, l’individu don­ne­ra rare­ment un ren­de­ment supé­rieur à celui qui est exi­gé de lui. Sa tâche déjà lourde sera ren­due plus dure, plus pénible, du fait qu’il sera contraint de tra­vailler davan­tage pour le satis­fac­tion des fonc­tion­naires bureau­crate, poli­ciers, magis­trats, légis­la­teurs, etc., enfin de tous ceux qui vivent de l’organisation éta­tiste, cen­tra­liste et autoritaire.

Au contraire, avec le tra­vail volon­taire, tous les indi­vi­dus col­la­borent à la pro­duc­tion utile, par la sup­pres­sion de toute orga­ni­sa­tion auto­ri­taire et coer­ci­tive, la tâche de cha­cun sera plus légère, le nombre de pares­seux très infime et la majeure par­tie des indi­vi­dus por­tés à don­ner un effort supé­rieur à celui qui leur serait deman­dé, le tra­vail libre leur appa­rais­sant davan­tage une dis­trac­tion qu’une peine, dont ils reti­re­ront tous le fruit.

Indis­cu­ta­ble­ment, nous sommes donc tous pour le tra­vail volon­taire. Tou­te­fois, pour que ce tra­vail volon­taire soit consen­ti allè­gre­ment (lorsque les tra­vailleurs se seront empa­rés des moyens de pro­duc­tion et d’échange) il est indis­pen­sable qu’il revête un carac­tère presque abso­lu d’utilité générale.

Et c’est ici qu’intervient la dif­fi­cul­té d’établir une démar­ca­tion pas trop arbi­traire entre la pro­duc­tion stric­te­ment utile, pour la satis­fac­tion des besoins pure­ment natu­rels, et la pro­duc­tion inutile, évi­table, ou de médiocre uti­li­té pour la satis­fac­tion de besoins arti­fi­ciels, pour des habi­tudes nocives ou vicieuses, pour un faux luxe qui flatte davan­tage la vani­té qu’il ne crée du confortable.

Il s’agira de savoir si la majo­ri­té des indi­vi­dus actuels est dis­po­sée à régler les condi­tions de la pro­duc­tion et de la consom­ma­tion géné­rales avec le concours d’une mino­ri­té de plus en plus impor­tante de cama­rades qui pra­tiquent la vie simple ou sont tout au moins adver­saires réso­lus des faux besoins ou habi­tudes nocives dont ils ne vou­dront à aucun prix se faire les complices.

Il serait donc indis­pen­sable que les anar­chistes s’entendissent tout d’abord, pour faci­li­ter l’organisation liber­taire future qui doit nous per­mettre de vivre libre­ment et nous épa­nouir, sur la pro­duc­tion stric­te­ment utile concer­nant l’alimentation, l’habitat, le vêtement.

Son­geons, en ce qui concerne l’alimentation, à toute la main‑d’œuvre occu­pée actuel­le­ment pour la pro­duc­tion et la répar­ti­tion de l’alcool, du vin et de la viande.

Son­geons quelles dif­fi­cul­tés nous aurions à ins­tau­rer aujourd’hui le com­mu­nisme liber­taire si le pinard, la gniole et le tabac étalent acca­pa­rés par nos adver­saires maîtres des régions qui les produisent.

J’ajouterai que je crains fort que la révo­lu­tion n’échoue lamen­ta­ble­ment si nous ne sommes pas les dis­pen­sa­teurs du vin, de l’alcool et du tabac : Rap­pe­lons-nous que la guerre a duré beau­coup à cause de cela.

Les pas­sions ou mau­vaises habi­tudes sont les tyrans les plus redoutables.

Lorsque les anar­chistes se seront enten­dus sur un pro­gramme de pro­duc­tion utile pour tous, concer­nant par­ti­cu­liè­re­ment l’alimentation, l’habitat et le vête­ment, ils pro­pa­ge­ront par­tout leur concep­tion éco­no­mique de l’organisation future de la socié­té. D’accord avec les syn­di­cats ouvriers, les élé­ments avan­cés des coopé­ra­tives et de l’U.S.T.I.C.A., ils crée­ront des conseils éco­no­miques, locaux, régio­naux qui auront pour mis­sion — après avoir dres­sé un inven­taire minu­tieux, cha­cun dans sa sphère, des matières pre­mières, des pro­duits manu­fac­tu­rés et des moyens de pro­duc­tion exis­tants — d’élaborer un plan pré­cis, autant que pos­sible, de la pro­duc­tion et de la répar­ti­tion futures sur les bases fédé­ra­tives du com­mu­nisme libertaire.

Ces conseils éco­no­miques s’efforceront tout par­ti­cu­liè­re­ment de por­ter toute leur atten­tion au point de vue agri­cole, sur toutes les res­sources du sol et du sous-sol. Car c’est de la terre que nous reti­re­rons tout ce qui est néces­saire en matières pre­mières pour l’alimentation, l’habitat et le vêtement.

N’oublions pas que la trans­for­ma­tion de la socié­té ne s’accomplira selon la concep­tion liber­taire qu’à la condi­tion que nous soyons prêts, au len­de­main de la révo­lu­tion, à appli­quer immé­dia­te­ment et sans heurts ni hési­ta­tion, un plan pré­cis et détaillé de la pro­duc­tion et de la répartition.

Lorsque les conseils éco­no­miques auront éla­bo­ré ce tra­vail élé­men­taire, pri­mor­dial, quand nous connaî­trons toutes les res­sources du pays, quand nous aurons en main un plan d’application Immé­diat, nous sou­met­trons ce tra­vail concret à tous ceux qui souffrent du régime actuel, à tous ceux qui pensent et ont un cœur et nous leur dirons : « Démo­lis­sons le vieux monde, voi­là de quoi le rem­pla­cer ». Après… le reste vien­dra tout seul !

[/​Henri Moi­roud./​]

[|* * * *|]

Cette enquête me paraît encore plus utile que la pré­cé­dente, pour savoir vrai­ment ce que cha­cun pense, sur­tout pour les anar­chistes qui sont pour sup­pri­mer l’autorité.

Je suis pour le tra­vail volon­taire, parce que, par­ti­san de la Liber­té, et je consi­dère que tout homme conscient doit aimer le tra­vail et haïr l’autorité qui l’impose et qui per­met aux oisifs d’en profiter.

Par­ti­san du tra­vail volon­taire, il faut, mal­gré cela, qu’il soit administré.

Pour l’entreprise, la coopé­ra­tive de pro­duc­tion est tout indi­quée pour faci­li­ter le tra­vail volon­taire ; mais pour que l’association ne prenne pas les mêmes formes que la socié­té capi­ta­liste, il faut que l’entente soit for­mu­lée par une sorte de contrat, où cha­cun appor­te­rait son Ini­tia­tive, et pren­drait l’engagement de res­pec­ter libre­ment les conven­tions qu’imposerait le tra­vail bien enten­du ; il ne s’agirait pas que le pro­cé­dé cupide du capi­ta­liste s’y intro­duise : « À tra­vail égal, salaire égal », il fau­drait que tous les tra­vailleurs aient les mêmes avantages.

Pour parer aux dif­fi­cul­tés de main‑d’œuvre, les coopé­ra­tives de pro­duc­teurs auront à se mettre en rela­tions indis­pen­sa­ble­ment avec les orga­ni­sa­tions éco­no­miques : les syn­di­cats, qui pour­suivent la trans­for­ma­tion sociale.

Cer­tai­ne­ment, sous le régime capi­ta­liste que nous vivons, il faut que ceux qui dési­rent et qui admettent que le tra­vail soit volon­taire, pos­sèdent, les uns et les autres, un idéal com­mu­niste, qu’ils consi­dèrent que le tra­vail est indis­pen­sable à la vie ; seule­ment, au lieu d’être un tour­ment, une contrainte, le tra­vail doit deve­nir un plai­sir, une satis­fac­tion phy­sique, morale et intellectuelle.

Hélas ! il y a trop de tra­vailleurs qui ne peuvent pas se pas­ser de maîtres, s’ils n’en avaient pas, ils seraient désorientés !

Pour ceux qui sont vrai­ment anar­chistes, ils s’en dispenseront.

Pour­quoi ? parce qu’ils savent que si cha­cun appor­tait son effort à la pro­duc­tion du néces­saire pour l’existence (nous par­lons pour ceux qui ont la san­té et l’âge pour four­nir cet effort), le tra­vail devien­drait libre et non imposé.

Le Com­mu­nisme Liber­taire est la forme de la socié­té future où exis­te­ra le tra­vail volontaire.

[/​Claude Jour­net./​]

La Presse Anarchiste