Aspects, par M. Adolphe Retté. — Au delà des Forces, par M. Bjornson. — La Rouille du Sabre, par M. Eugène Morel. — Vers la mort, par M. Gaston Danville. — La Vie d’un, par M. Louis Lumet.
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Je ne saurais partager les injustices et les virulences littéraires de M. Retté. Mais les jugements personnels de l’auteur sur les écrivains qu’il critique mis à part et tout en lui en laissant la responsabilité, responsabilité qu’il est de taille à porter, je ne pourrais trop dire le plaisir que son livre de critique m’a donné, par sa passion, son indépendance, sa largeur de vues. Comme nous sommes loin ici des querelles puériles d’écoles littéraires, hein, mes petits écoliers de lettres ? Comme ça dépasse, en somme, toutes ces disputes de collèges et de prisons esthétiques, ou de marchands de phrases, prônant chacun leur spécialité, tout ce papotage pédant de cuistres ou de littérature qu’on voudrait nous faire prendre pour de la vie intellectuelle ! Il s’agit bien de ça, et que le vers soit de douze pieds ou de quatorze, et que la rime soit riche ou non, et que la prose soit plus rêvée ou plus photographiée, et à qui aura la meilleure formule, la seule, et la meilleure orthographe et l’érudition la plus farfouillée, et aussi le laurier eh papier et le petit livret de caisse d’épargne des distributions de prix !
Nous en arrivions aux lettrés chinois, aux concours, aux certificats, aux élections ; de là à la patente, que le gouvernement ne manquerait pas d’imposer aux écrivains, comme il tâtonne déjà de le faire pour les peintres…
Ah ! oui, il serait temps d’avérer un peu, comme le dit si justement M. Retté, devant cette cacophonie de pédants : « l’exaltation de l’individu et l’abolition des écoles. »
Mais c’est même bien plus haut que ces questions d’internat littéraire que s’élève et se meut l’esprit combatif, vaillamment libertaire de M. Retté. Et si les tours d’ivoire, celle entre autres du fabricant de rébus pour journaux décadents, qu’est M. Mallarmé, l’agacent au point de les culbuter au passage d’une chiquenaude, dès les premières pages les confidences du bon critique à son diable familier Grymalkin, nous indiquent quels sujets autrement intéressants que ces discussions à la Trissotin l’émotionnent.
Écoutez plutôt :
« … La Société ?…
Une étable puante où des porcs se disputent une pâtée grossière.
La Patrie ?…
Une cage où des bêtes féroces hurlent en mordant les barreaux, à rencontre d’autre bêtes, de poil différent, qu’on tient recluses en face d’elles.
La Famille ?
Des singes grimaçant et se pinçant les uns les autres.
La Religion ?..-
Des hiboux battant de l’aile sur des cercueils.
Eh bien ! que veux-tu faire ?
Démolir et démolir encore pour que l’homme sorte de la bête.
Ainsi vous créerez la justice… »
Ainsi également nous voilà renseignés et tranquilles. Inspirée de la sorte, la critique littéraire de M. Retté ne peut patauger dans les bas intérêts, les petites vilenies, les vanités et les ambitions mesquines des coteries de plumitifs. Et il va donc s’agir, en fait de littérature, d’autre chose que de la littérature elle-même ! Chose peu passionnante quand elle se réduit à une question de mots, alors joujou comme un autre, comme le loto, comme tel sport ou tel autre. La littérature n’offre pas un but qui se suffise à lui-même ; elle n’existe que comme résultat. Il faut d’abord avoir quelque chose à dire. Facit indignatio… Il faut une passion, une colère, de l’amour, de l’animalité, une idée, un idéal, pas l’Idéal avec un grand I et abstrait, un idéal précis, choisi, défini… Et il se trouve alors quand on a exprimé sa haine, son idée, son amour, que c’est de la littérature, si le talent y est… Autrement ce n’est que du Mallarmé en effet. Modulations alphabétiques, exercices grammaticaux : ba, be, bi, bo, bu, avec quelques variantes, quelques, évidemment…
Aussi M. Retté, en son active critique, laisse-t-il tout d’abord de côté, dans leur coin studieux, ces joueurs aux échecs littéraires, alambiqueurs de quintessences puériles, et, en fait d’écrivains, sa sympathie vole-t-elle tout droit au trimardeur d’Axa, l’implacable et fin griffeur dont le muffle bourgeois garde encore la balafre, comme une signature si joliment féroce et élégante.
Et c’est, à l’écart de « cet Empire du Néant qu’est l’art pour l’Art », Paul Verlaine, « l’étonné, l’impulsif, l’enfant barbare et charmant », le poète en marge des ambitions, des clans, de la vie régulière, des journaux, si poète par cela même qu’il reste en dehors de ce « tout le reste qui est la littérature. »
C’est même Ravachol, Vaillant, Emile Henry, Caserio, ces âmes tragiques, desquels M. Retté tente l’analyse impartiale, prouvant le désintéressement absolu de leurs actes, et comment la force même dont use et abuse la Société les conduisit en toute logique à employer personnellement la violence.
Car il n’y a pas que de la critique littéraire dans le livre de M. Retté. Et ce qui en fait l’énergie et la beauté est précisément l’élan de bataille dont l’œuvre est emportée en faveur des idées de liberté et de justice, et contre les intérêts vils, les égoïsmes mesquins, les vanités dérisoires.
Contre les cas de régression aussi, la lassitude ou la lâcheté cérébrale, qui rejettent des écrivains, même du beau talent de M. Huysmans, vers des fois surannées, des amulettes éculées, des mysticismes godiches et si piètres, dans les balayures desquels il est vraiment honteux ou pitoyable qu’un esprit moderne et instruit trouve encore à se repaitre. Ou, pis encore, contre les réinventeurs et baise-cul du diable. Il est vrai que ceux-là sont si farce !
En face de quelles bondieuseries, diableries ou âneries, M. Retté ne craint pas de se ranger avec Émile Zola et les esprits qui ont gardé encore quelque équilibre du côté de la science, contre tous les réacteurs mystiques.
Que signaler encore dans le livre de M. Retté ? Une étude documentée et fort intéressante sur Bakounine et sa correspondance ; un jugement aussi juste qu’acerbe sur le militarisme, à propos de la Grande famille, de Grave ; bien d’autres choses encore. Tout le livre est à lire, brûlant de passion, crispé de colère, hautain d’idées et de jugements, large d’inspiration. Sans doute, bien des appréciations personnelles restent discutables. Qu’importe ? L’intention est pure, dénuée de tous calculs, dédaigneuse de scandales. Un livre brave, d’indépendant et de sincère, mais qui touche à trop de potiches consacrées et qui fait trop de blessures pour que l’auteur puisse espérer qu’on lui rende justice sur le marché littéraire, ce qui le chagrine peu, j’imagine.
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La brochure d’Au-delà des Forces, qu’a fort bien imprimée l’éditeur Stock, donne à la lecture une impression dramatique aussi forte que celle que la représentation a pu procurer aux spectateurs de l’Œuvre. C’est avec l’Ennemi du peuple, d’Ibsen, et les Tisserands, d’Hauptmann, un des rares et puissants drames où la question sociale soit mise en action, au premier plan, dans son ampleur et sa gravité. La pièce de Bjornson est même de toutes la plus complète, la plus précise, la plus actuelle aussi. Un écho y retentit des explosions de colère qui, il n’y a pas très longtemps, ont éclaté si à l’improviste, en plein azur bourgeois. La critique dramatique a suffisamment narré le sujet du drame pour que je n’aie pas à le développer ici. Il sera plus intéressant d’élucider et de discuter les tendances mêmes de la pièce, le jugement final de l’auteur, assez confus. Bjornson, en somme, dans cette guerre sociale, où les uns se servent de la famine et de la troupe, pour dompter les rébellions ouvrières, où les autres emploient la poudre et la dynamite, n’a pas pris franchement parti pour les uns ou pour les autres. On ne peut guère lui reprocher cette réserve qui, tacitement et par cela seul qu’elle existe, donne évidemment raison aux révoltés. Car si c’était aux maîtres actuels qu’allait la sympathie de M. Bjornson, il aurait eu trop peu à craindre et trop à gagner à la manifester à grand orchestre. Tandis qu’approuver le cas contraire est dangereux dans tous les pays. Il y a des apologies qu’on est bien obligé d’atténuer, et pour qui sait comprendre, ne pas condamner équivaut plutôt à une approbation tacite…
Maintenant, et il est loisible de le concevoir ainsi, M. Bjornson a pu, du haut d’un pessimisme olympien et d’une charité transcendantale, regarder en pitié cette lutte d’éphémères humains, en les plaignant tous, en les condamnant tous, et bien persuadé d’ailleurs delà parfaite inutilité de leurs efforts, de leurs colères et de leurs martyres. Cette manière fort commode de regarder les choses et les êtres de haut, en une supériorité indulgente et un peu dédaigneuse de bon Dieu, et dans une désespérance hautaine de tout progrès possible, semble par moments ressortir d’une tirade de Rachel, au troisième acte, où elle fait parler la nature : « Honte ! honte à vous ! Vous éclaboussez mes feuilles de sang… » Mais surtout ce pessimisme ressort dans le découragement de Bratt : « Ah ! comment, après ce que j’avais souffert, ai-je pu croire une seconde fois ? » et du titre même de l’œuvre générale : « Au-delà des forces humaines. »
Au-delà ?
Eh ! bien, non, pas du tout. Pourquoi au-delà ? De quoi s’agit-il ? Vraiment c’est agaçant aussi toute cette religiosité, cet absolu, cet abstrait, qu’on mêle aux questions sociales qui doivent être, qui ne sont que des questions (en ce qu’elles sont à résoudre immédiatement) pratiques, de fait, matérielles.
La question sociale est avant tout et d’abord une question de pain ; il faut que les hommes s’entendent pour manger tous à leur faim, assurer leur existence, cette, sécurité de l’existence matérielle donnant seule la liberté, la faculté de développer alors à son aise son être moral et intellectuel. Il s’agit donc, somme toute, d’organiser une économie sociale, une culture, une industrie, qui assurent la vie de chacun et de tous. Et vous nous ferez croire que ça dépasse les forces humaines, de planter assez de blé, de choux, et de nourrir assez de bétail pour que chacun mange. Allons donc ! Une simple question de jardinage, si on ne la compliquait pas exprès, avec un tas de billevesées morales, ou sentimentales, ou philosophiques, ou religieuses, ou politiques, sous lesquelles il n’y a souvent que des intérêts particuliers absolument bestiaux.
Et voyez un peu comment un esprit puissant, profond, génial et bien intentionné a de la peine à décompliquer la question, à la poser dans ses termes exacts et pratiques. Au delà des Forces ne signifie pas seulement dans l’esprit de Bjornson la solution impossible de la question sociale, c’est également le titre d’une autre pièce, qui précède celle-ci et se lie avec elle, et où le terme désespérant « au delà des forces », signifie cette fois l’impuissance de l’homme à posséder l’infini, à toucher le nommé Dieu, à arriver à la certitude religieuse à sortir enfin de sa relativité et à communier avec l’absolu théôlogique. Ceux qui ont vu jouer cette première pièce se rappellent l’admirable scène des pasteurs où Bratt jette, en face de ses confrères vulgaires, le cri de son angoisse, de son doute et de son impuissance ! Magnifique sujet, certes, que celui de la débilité métaphysique de l’homme, admirable et douloureux cri de sa faiblesse répercuté et perdu dans les insondables et muets abîmes de l’inconnu et de l’inconnaissable !
Mais l’autre, le sujet de la deuxième pièce, cette conquête du pain et de la liberté pour les hommes, sur notre petite planète, pourquoi Au-delà des Forces ? Nous ne sommes plus ici dans la métaphysique, dans l’impossible, dans l’absolu ; nous sommes en plein relatif, dans de pures contingences humaines. Nous ne sommes plus entre les hommes et un Dieu ou un Néant quelconque ; nous sommes entre hommes, tout simplement, sur une planète définie, connue, restreinte, dont il s’agit uniquement de nous partager les ressources matérielles en frères, en amis, en braves gens, au lieu de nous disputer comme des chiens imbéciles sur les débris d’une curée. Et Bratt a tort, il a conservé ses vieilles visions, ses vieilles manies théologiques, ça n’est pas du tout, cette fois, Au-delà des Forces. L’infini restera peut-être, sans doute, toujours inabordable, mais la terre, notre petite terre, nous n’arriverions pas à la conquérir ?… Nous n’espérons plus les paradis d’outre-tombe, mais le paradis terrestre, il n’y faut qu’un peu de courage et de bonne volonté, quelques arbres à fruits à planter, et surtout que ce ne soit à personne pour que tout le monde en profite. Et ne nous « tourmentons pas d’infini » de grâce, car évidemment alors nous n’arriverons jamais ; non du relatif et du pratique et suivant nos forces.
Avec tout ça, un auteur dramatique qui a écrit la petite scène (à faire), la sauterie dans le château moyen-âge, est un hardi, un honnête et brave homme de génie. Mais pourquoi dit-il après qu’il faut pardonner ? Pardonner quoi, à qui ? Je ne sais pas, je ne vois qu’à applaudir et j’applaudis.
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Le roman de M. Eugène Morel comporte une thèse ; son titre
D’ailleurs son héros, qui s’était engagé et qui n’a pas le sou, est encore ainsi plus heureux et plus riche que s’il était resté simple paysan ou ouvrier ; c’est encore un privilégié, malgré le galon qui lui manque. Quant au côté satirique que M. Morel a certainement entrevu et par moments esquissé, ce ridicule de toute une armée exercée depuis si longtemps dans l’attente toujours fébrile d’une guerre qui n’arrive jamais, espèce de matamore d’ancienne comédie, faisant dans le vide des gestes de massacre, la seule possibilité qui dure toujours d’un accident capable de mettre le feu aux poudres empêche d’en goûter le côté difficilement comique. C’est peut-être très drôle que ça n’éclate pas, mais comme ça pourrait tout de même éclater…
Laissons la thèse pour le livre lui-même qui est infiniment plus intéressant. La seconde partie surtout, tout imprégnée d’humanité douloureuse, comprend des pages tout à fait supérieures. Et le roman fourmille de jolis passages et de jolies silhouettes. C’est du jour où le capitaine Jeannin a pris sa retraite et quitté l’armée, qu’il devient sympathique. Accablé de charges, sa pension est loin de lui suffire, il se trouve dans la misère, il souffre. C’est alors un homme comme un autre, un malheureux comme un autre. Eugène Morel nous a décrit d’une façon poignante ce dénuement, ce calvaire de l’ex-capitaine à la recherche d’une place, à travers la boue de Paris les officines louches où la misère elle-même est dévalisée, et son agonie et son désarroi au milieu de cette bataille cruelle, de cette terrible guerre pour la vie dont il ne soupçonnait pas l’existence, jusqu’ici, sous la paix sociale apparente. Et puis, ce sont des souffrances de femme, des souffrances et des morts d’enfants, lamentables, humaines, émouvantes ; et des physionomies et des psychologies de villes, pittoresques et curieuses ; et une demoiselle de Saint-Denis, la fille du capitaine, qui se fait cocotte, et le fils de l’officier qui n’a pas voulu de l’état de son père, et qui, sans courage devant la vie d’ailleurs peu encourageante, se tue, un peu puérilement tout de même. Et c’est encore un type de soldat, d’ordonnance, pris sur le vif, tout à fait réussi, plein de bonté et de gaieté et d’incrédulité rustique et joviale en face de toutes les pompes militaires.
En somme un livre très étudié et ému, avec de belles pages d’humanité et de souffrance, bondé de choses, d’observations, d’idées, de sentiments, malheureusement encombré, un peu confus, un peu éternellement louvoyant dans le style et la conception, mais d’un écrivain.
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Le roman de M. Danville étudie le début d’une folie, la manie grandissante du suicide chez un jeune homme que rien, dans sa vie privée ni dans sa situation sociale, ne semblerait devoir prédisposer à aucune espèce d’idées noires. Jacques Serny est riche, il a une maîtresse agréable, plus tard une fiancée qu’il aime et qui, suivant la formule, l’adore. Il est intelligent, fin, délicat. Il possède tous les bonheurs apparents et pourtant il se tue. L’auteur explique son cas par l’hérédité ; Jacques est le descendant épuisé d’une race finie ; son corps, où la vitalité s’est tarie, aspire inconsciemment à la dissolution, à la disparition. Le roman est agréablement écrit, un peu trop agréablement et mollement pour le sujet tragique. Et malgré tout, comme il arrive toujours dans ces cas de fatalisme imaginé, l’auteur ne nous convainc nullement de la nécessité où Jacques, après bien des luttes, se trouve de se couper délicieusement le cou avec un rasoir. On regrette surtout que l’auteur, parmi les motifs d’activité où Jacques cherche autant de remèdes et de dérivatifs à l’idée fixe qui le dévore, ne choisisse pas quelque grande œuvre de dévouement ou d’altruisme, une œuvre que sa fortune et son intelligence lui permettraient de réaliser. Le dévouement pour autrui, l’activité généreuse qui s’emploie pour la fraternelle foule humaine paraîtrait seule avoir assez de force, contenir assez d’exaltation bienfaisante pour arracher Jacques aux sombres préoccupations de son moi égoïste. Du moins le verrait-on essayer avec plaisir cette cure peut-être heureuse.
D’ailleurs, en dehors de l’étude presque médicale, consciencieusement suivie, ce roman laisse une sensation intéressante de lassitude morne, de vacuité d’âme, d’être à vau-l’eau dans l’ennui morbide et le dégoût précoce ; l’affaissement d’un jeune inutile et désespéré, qui s’étiole d’impuissance et de découragement au milieu de ses richesses stériles, devant la vie décolorée… Mon avis personnel, si l’auteur veut bien me permettre de le donner, est que si son héros se trouvait brusquement transformé, par suite, mettons d’une métamorphose sociale, en garçon de ferme et obligé « d’aller à charrue » tous les matins, ça irait diantrement mieux… C’est ça surtout qui manque à nos malades de l’âme, allez, un peu de charrue. Il n’y a pas pareil pour la névrose.
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La brochure de M. Louis Lumet, précédée d’une fière dédicace à M. Henry Bauër qui honore les deux écrivains, est le récit, sous forme de conversation, d’une vie en débâcle de déclassé, jeté au ruisseau sous l’impitoyable poussée sociale. Récit coupé par les orphéons, les lampions, les libations, les grossièretés d’une fête nationale, tout un piétinement de bétail humain sur l’agonie de l’isolé, narrée péniblement à travers l’épaisse joie circulante. Le héros de M. Lumet est ce qu’on appelle un naïf, c’est-à-dire un honnête homme qui, découvrant le mensonge impudent de la comédie que cabotine la société, éprouve par lui-même combien les vertus prônées : franchise, travail, générosité, constituent au contraire au lutteur pour la vie autant de faiblesses et d’infirmités ; seules règnent « la platitude, la bassesse, la flatterie, les louches compromissions. » De découragement en dégoût, il tombe aux pires résignations, aux dernières déchéances et meurt à l’hôpital. Cependant que les inconscients mènent leur triomphe brutal.
« Hélas ! que faire ? Ils se battent dans les ténèbres pour de ternes trophées.
« Ils sont aveugles et ils croient voir… Dis que le commerce est le vol embusqué derrière un comptoir ou des balances et ces gens te cracheront à la face. Les domestiques, dans la haine de l’effort, chérissent la servitude et raillent l’homme qui peine… Hélas ! que faire ? »
demande l’auteur
— Croire, lui répond Idéa, en conclusion.
J’aurais préféré : agir.
Ce que fait d’ailleurs M. Louis Lumet, aussi vaillamment que littérairement.
[/Henri