La Presse Anarchiste

Etude sur l’évolution des religions primitives

apparence et physiologie des ombres

Toutes les auto­ri­tés en matière de l’autre monde, s’ac­cordent a dire que ceux qui ont pas­sé par la mort sont trans­for­més et méta­mor­pho­sés. Elles ne savent trop le répé­ter : le chan­ge­ment est com­plet autant que subit. Les amis du Ci-Devant feront bien de tenir à dis­tance celui qui, n’é­tant plus ce qu’il était, est ce qu’il n’é­tait pas. 

On raconte dans l’Ar­gen­tine que les Gau­chos, qui ont las­sé un che­val sau­vage et lui ont incul­qué une pre­mière leçon ès-huma­ni­té, ne prennent pas tou­jours la peine d’a­me­ner le novice à l’es­tan­cia, sachant qu’ils le retrou­ve­ront et le recap­tu­re­ront quand il leur plai­ra ; ils le laissent rega­gner la bande à laquelle ils l’a­vaient arra­ché. Mais en quel état sort-il de sa pre­mière ini­tia­tion ! Le corps cou­vert de sueur et d’é­cume, les flancs et les membres déchi­rés par les épines, les roseaux et les épe­rons, le crâne hébé­té par les coups de gour­din, la langue san­glante, la mâchoire déboî­tée et désac­cro­chée. La bête hale­tante et haras­sée, érein­tée et échi­née, revient auprès des siens. Ah ! comme elle vou­drait être léchée et pour­lé­chée, cares­sée sinon conso­lée ! Endo­lo­rie, hon­teuse de son irré­mé­diable défaite, elle arrive quê­tant la com­pas­sion et la sym­pa­thie. Mais aucun des anciens ne se laisse appro­cher, ne s’at­ten­drit a son regard sup­pliant. Ils font cercle, la regar­dant avec stu­peur, comme si elle fût ani­mal redou­table ou funeste. Ils la voient mon­tée par le spectre de l’homme méchant et ter­rible, matée par celui qui tou­jours les menace, et fera tôt ou tard, par­mi eux, vic­time nouvelle. 

Le masque de la mort trans­pa­raît sous la figure du défunt. Tha­na­tos s’embûche dans les orbites ocu­laires, prêt à se jeter sur le pre­mier pas­sant venu. C’est la mort qui donne au défunt l’a­cui­té sinistre du regard mena­çant. Les morts s’emploient à pro­pa­ger la mort. De même les pes­ti­fé­rés dis­sé­minent la peste ; les bar­reaux de fer qu’un aimant a tou­chés, aiman­te­ront d’autres barreaux. 

L’œil du vivant rayonne cha­leur et flamme ; celui du mort éme­tune lueur froide, stille une lumière pola­ri­sée, dépouillée des rayons calo­riques, laquelle décom­pose l’au­ra ner­veuse, engour­dit le cœur et glace les moelles. Qui s’obs­tine a regar­der cet œil se sent défaillir ; plu­sieurs tom­bèrent pour ne plus se relever. 

Sous le nom de Méduse ou la Domi­na­trice, la mort émane l’ef­froi, avant-cou­reur des dis­so­lu­tions. Qui ren­con­trait son regard était chan­gé en pierre. À tel point effrayait la Reine des Épou­van­te­ments, qu’il eût suf­fi de quelques siens che­veux pour mettre une armée en fuite, pré­ten­dait la fable grecque, laquelle ajou­tait que Minerve remit a Her­cule une cru­chette et dedans une boucle de la Gor­gone, dont Her­cule gra­ti­fia sa bonne amie Sté­rope, qui pas­sa le cadeau a la ville de Tégée, laquelle la mit en son palladium. 

La légende uni­ver­selle n’a pas man­qué de noter cet aspect étrange, cette phy­sio­no­mie répul­sive. Ain­si, dans une saga Scan­di­nave, le divin Thor apos­trophe Alwys qui avait sur­gi tout a coup : 

« — Hé ! hé ! D’où sors-tu, cama­rade ? Comme te voi­là blanc autour du nez ! Aurais-tu dor­mi par hasard par­mi les cadavres ? Tiens, je crois flai­rer quelque chose d’un Thyrse ! » 

Et l’autre :

« En effet. Mon nom est Alwys. Oui, je demeure sous terre, oui, j’ha­bite la pierre ! » 

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Tant que le sou­ve­nir de sa vie et de sa per­sonne n’est pas effa­cé, le mort fait un reve­nant encore pré­sen­table. Tant que dure sa mémoire, il conserve sa figure de naguère et son cos­tume. Mais quand son nom n’é­veille plus aucun sou­ve­nir pré­cis, il passe pour s’être méta­mor­pho­sé, avoir émi­gré en plante ou ani­mal. On en a preuve évi­dente par les traces trou­vées autour de la tombe, sur pous­sière ou argile mouillée, sur cendre ou sable, traces lais­sées par l’âme, évi­dem­ment ; elles mon­traient des patouillages d’in­sectes, des sillages comme de vers ou chenilles. 

Si durant sa vie, le com­pa­gnon n’a­vait pas su se faire aimer ou esti­mer, il tom­bait bien­tôt dans la démo­naille, était reje­té dans la tourbe des irré­gu­liers et mau­vais drôles de l’autre monde. Bien­tôt son phy­sique se brouillait, tour­nait au laid, puis au hideux et gro­tesque ; des griffes lui pous­saient, ou des sabots four­chus avec une queue balayante. 

En tout état de cause, l’as­pect du défunt se modi­fie. Les des­sins des Peaux-Rouges lui font des moi­gnons four­chus ou tri-dac­tyles au bout du bras et de la che­ville. Les démons japo­nais ont quatre doigts seule­ment : c’est leur signe dis­tinc­tif. Par­tout on en a vu avec les pieds retour­nés ou la tête devant der­rière. De notre encé­phale ils se passent aisé­ment. À preuve les che­vau­chées du Grand Veneur, ces cava­liers qui pour plus de com­mo­di­té portent leur boule à l’ar­çon de la selle ; ils la repren­dront quand ils seront arri­vés. D’autres l’ont dépo­sée quelque part, dans un coin ; ils ne la mettent qu’en gala. 

Pour ce qui en est de la démo­no­lo­gie spé­ciale, disons que la plu­part des démons sémites sont velus et roux, et par excep­tion, four­rés d’un pourpre vio­la­cé. Le moyen-âge chré­tien encor­na et ensa­bo­ta ses diables, en sou­ve­nir des faunes et des ægi­pans. Pour les faire res­sem­bler au dra­gon apo­ca­lyp­tique, leur père, on leur attri­bua une queue a bout acé­ré, cin­glant des coups empoi­son­nés. Et dans leurs yeux rouges, on allu­ma des char­bons tirés au bra­sier de l’Enfer. 

Les Grecs repré­sen­taient Plu­ton et les Dieux de l’Ha­dès comme ne dévi­sa­geant per­sonne et tou­jours regar­dant ailleurs ; moyen de ne s’a­pi­toyer jamais. Ce trait déli­cat fut exa­gé­ré jus­qu’au gro­tesque par des légendes et figu­ra­tions bar­bares. Citons les Dama­ras et Ova Héré­ros de l’A­frique Australe,qui logèrent les yeux de leurs démons dans le dos ou la nuque. Par contre, tels et tels monstres se mirent deux yeux devant deux yeux der­rière ; leur tête affec­tait la forme d’une jumelle de théâtre. Qua­tre’s’yeux, une Ogresse des Maï­notes, Grecs de l’an­cienne Laconie. 

Man­quant de sub­stance, dépour­vus de chair et d’os, n’é­tant que du brouillard atté­nué, les fan­tômes furent dénom­més Corps-Vides ou Figures-Creuses, par exemple en Rus­sie et aux Feroë. On les dépei­gnit tout en façade, pri­vés de dos et du pos­té­rieur, ouverts par derrière.

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Sym­bo­li­sés par les « pois­sons muets », les Sprites, dit-on, sont avares de paroles, ont pour geste fré­quent de poser le doigt sur la bouche. Entr’eux ils conversent, sans inter­mé­diaire audible et visible, par l’ac­tion intime et directe d’âme à âme. Quand on se figure qu’ils parlent, c’est qu’ils font sur­gir les idées si net­te­ment dans le cer­veau, qu’on croit entendre une voix dis­tincte. Ils com­mu­niquent avec nous par tables tour­nantes ou crayons magné­ti­sés, par une légère agi­ta­tion de l’air, par des sou­pirs et coups ryth­més, par des lueurs rapides, des gémis­se­ments ou des éclats de rire, voire par des miau­le­ments, hur­le­ments et coas­se­ments. Quel dom­mage qu’ils ne puissent par­ler comme nous, par­ler tout bonnement ! 

Les Mao­ris attri­buent ou attri­buaient à leurs Tahoun­gas un léger bruis­se­lis, un sif­fle­ment. Les Innoïts disent que les esprits bour­donnent. En Océa­nie, aux îles Gil­bert et Mar­shall, le spectre hante les alen­tours de son ancienne demeure, pen­dant trois ou quatre jours encore, et les amis peuvent l’en­tre­voir aux heures cré­pus­cu­laires, l’en­tendre siffloter. 

De temps à autre, ils entrent dans le corps des oiseaux chan­teurs, sur­tout de ceux qui ont l’ac­cent triste et la mélo­die plain­tive. C’est Proc­né, de clas­sique sou­ve­nir, l’hi­ron­delle Proc­né, qui dit le crime dont elle fut vic­time. C’est Phi­lo­mèle, le ros­si­gnol qui raconte aux étoiles sa pas­sion et son infortune. 

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La mort est dite « la Camarde » dans le lan­gage popu­laire. Un crâne avec les orbites vides et sans les car­ti­lages du nez — ils sont tom­bés de pour­ri­ture — nul ne s’y trompe, c’est la Mort ou quel­qu’un qui lui appar­tient. Quand on ne la voit pas, on la devine à la fade, a l’in­des­crip­tible odeur déga­gée par les chairs pour­ris­santes, on la sent par toute la chi­mie macabre. Tha­na­tos en est impré­gné, péné­tré de part en part, ne peut que la déga­ger. De loin la per­çoivent les chiens qui, alors, « aboient à la mort », comme on dit en nos cam­pagnes. Mille fois les ani­maux fin-flai­reurs la reni­flaient, tan­dis que leurs maîtres ne se dou­taient de rien. 

Ayant per­du les narines, si le mort hume encore les objets, c’est par des moyens a lui connus. Ce pro­blème, nous n’a­vons pas à le résoudre. Il importe davan­tage de se rap­pe­ler que « le souffle qui tra­verse les narines » est l’âme même de l’in­di­vi­du, son Double aérien. 

Une his­toire de reve­nants débu­tait ainsi : 

« … Il y avait comme un mys­tère au fond des glaces. Dans le cabi­net de toi­lette flot­tait un par­fum subtil… » 

L’es­sence des plantes, celle de tous êtres vivants se décèle par l’o­deur déga­gée. En véne­rie, le fumet ou la fumée de la sau­va­gine, c’est son âme, son âme après laquelle courent chas­seur, limiers et lévriers. 

Quand s’é­lu­cu­bra la pre­mière morale, aisé­ment on se per­sua­da que l’in­fec­tion cada­vé­rique déce­lait d’i­gnobles pen­chants, révé­lait la mau­vai­se­té des âmes, leurs haines et leurs envies. Sans doute la puan­teur per­sis­tait jus­qu’à ce que la conscience eût été net­toyée. Ce qui nous explique pour­quoi les Oscilles furent long­temps une céré­mo­nie pieuse conser­vée dans les mys­tères dio­ny­siques. On se balan­çait en escar­po­lette à l’in­ten­tion des morts et pour abré­ger leur longue pénance. « Jeunes filles et jeunes gar­çons, mon­tez dans la balan­çoire, allez de ci, de là, allez encore ! C’est grand-papa qui sera content, en haut de sa branche,.et vous remerciera ! » 

Dès son ori­gine, le chris­tia­nisme décla­ra que les restes des saints et des bien­heu­reux n’ex­ha­laient pas, ne pou­vaient pas exha­ler l’i­gnoble odeur du péché. Quelle que fût la manière dont s’o­pé­rait la décom­po­si­tion, il fal­lait que les Purs fleu­rassent le baume, l’en­cens et les par­fums suaves. On appuya la doc­trine sur un pas­sage décou­vert dans le livre des Psaumes : « Tu ne per­met­tras point que le corps de ton bien-aimé sente la cor­rup­tion. » Les Acta Sanc­to­rum et autres recueils hagio­gra­phiques, racontent cent fois, mille fois, que diables et cri­mi­nels déga­geaient une indi­cible mal­odeur, tan­dis que tels mar­tyrs, vierges ou confes­seurs, exha­laient déli­cieux effluves. Pour cano­ni­ser ou béa­ti­fier un pos­tu­lant, par exemple l’illustre curé d’Ars, il ne suf­fit pas de célé­brer ses ver­tus et de prou­ver ses miracles, il faut encore éta­blir qu’il est mort « en odeur de sain­te­té », la sain­te­té ayant son odeur spé­ciale, comme le soufre, le chlore et l’arsenic. 

En tout pays, il fut tiré avan­tage de la consub­stan­tia­li­té de l’âme et de l’o­deur pour fabri­quer des par­fums ins­pi­rant l’a­mour. Les sor­ciers gua­té­ma­lais ont une rose souëf-odo­rante, laquelle leur sou­met qui la respire.

Des fla­cons de sel anglais ou autres sub­stances phar­ma­ceu­tiques très astrin­gentes furent débou­chés sous le nez de Peaux-Rouges qui bai­sèrent le mani­tou, le cares­sèrent, van­tèrent sa louange, exal­tèrent sa puis­sance extraordinaire…

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Sui­vant la doc­trine accré­di­tée, les fan­tômes pèsent si peu que rien, ne sont autre chose qu’un brouillard lumi­neux. Tout aériens qu’ils fussent, les démons et les génies supé­rieurs repré­sen­taient une cer­taine quan­ti­té de matière, puisque l’on ne sup­po­sait pas qu’au­cune vie pût en être tout à fait dépourvue. 

Avec le temps, ils se l’af­fi­nèrent, La sub­ti­li­té de leur étoffe s’ac­cor­da avec la déli­ca­tesse de leur intel­li­gence, et les plus éthé­rés n’eurent de sub­stance que ce qu’il en fal­lait pour éma­ner la lumière. 

Leur médiocre pesan­teur expli­quait leur genre de pro­gres­sion dans l’es­pace. Notre marche s’o­père par sac­cades, par une suc­ces­sion de demi-chutes. Mais les reve­nants de toute espèce, glissent par mou­ve­ment conti­nu, tout d’une pièce, planent sans incli­ner la taille. Leur genou manque de rotule, par­ti­cu­la­ri­té men­tion­née tant par les Tol­tèques et Tlas­cal­tèques amé­ri­cainsque par les Indous. Le Lali­ta Vis­ta­ra raconte ain­si l’ar­ri­vée de per­son­nages divins : 

« Je ne leur vis aucune ombre, ô Roi ! et je n’en­ten­dis point le bruit de leurs pas. Ils mar­chaient, mais ne sou­le­vaient aucune pous­sière. Leur parole ne res­semble point à la nôtre, pro­fonde et cares­sante, elle va au cœur. Ils ont des manières douces et de belles formes : les gens ne se ras­sa­siaient, pas de les regarder. » 

Par­tout désap­pa­ri­tions spi­rites se décèlent par l’ab­sence d’ombre. L’ombre ne jette pas d’ombre.

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Sita, lisons-nous dans le Ramaya­na, Sita recon­nut qu’un Dieu lui par­lait, à l’im­mo­bi­li­té des yeux qui la regardaient. 

Et les Ana­mites savent qu’ils ont affaire à un génie céleste, quand ils voient sa barbe et sa che­ve­lure blanches, sa phy­sio­no­mie impo­sante et sur­tout son air de mystère. 

Ce mys­tère, tâchons d’en péné­trer les causes. 

S’il faut en croire les Macou­sis guya­nais, la vie se tient en la pupille, y réside sous appa­rence d’un homme micro­sco­pique, dont l’i­mage s’é­clipse au moment de la mort. 

Rabe­lais pré­tend, de son côté, que « le diantre n’a pas de blanc à l’œil ». Le Chi­lo­man sia­mois manque de pupille. — « Pupille », mot déri­vant du latin Pupa, pupil­la, pou­pée, fifille. À l’ins­tar des Macou­sis et autres Gali­bis, les anciens Ita­liotes se repré­sen­taient leur Double sous la figure d’une fillette. De nom­breux vases grecs montrent l’âme sous forme d’Ei­do­la, pou­pées minuscules. 

Les Tlas­cal­tèques don­naient à leurs génies des yeux sans blanc, ni cils, ni sour­cils, ni pru­nelle. La sculp­ture grecque employait le même sys­tème, mais rehaus­sait l’ar­cade sour­ci­lière, don­nant ain­si au masque des Ely­séens une digni­té sur­hu­maine et le regard inquié­tant du Sphinx, et les inves­tis­sant d’une majes­té dan­ge­reuse à contem­pler. Ces Domi­na­teurs por­taient une lumière en eux-mêmes, n’a­vaient pas besoin d’ou­vrir les yeux, voyaient sans regar­der et savaient sans apprendre. La per­fec­tion des formes allait de pair avec celle de l’in­tel­li­gence. L’u­ni­vers se reflé­ta dans le vaste miroir de leur sapience, laquelle pro­cé­dait par intui­tion imma­nente, et non point par efforts suc­ces­sifs, pas plus que leur marche.

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Ce sont nos popu­la­tions chré­tiennes et plus par­ti­cu­liè­re­ment celles de race ger­ma­nique, qui ont le plus avant péné­tré et le mieux appro­fon­di le mys­tère du démonisme. 

Cal­lot, maint Fla­mand et, en pre­mière ligne, le Bruxel­lois Breu­ghel d’En­fer, ont trou­vé le sublime du genre en leurs Ten­ta­tions de Saint Antoine et leurs Sab­bats, ren­dez-vous des sor­cières, des diables et lus­tu­crus. Ces peintres nous montrent des corps humains dis­lo­qués de toute façon, sens des­sus-des­sous, devant-der­rière, der­rière-devant, accou­plés en formes bes­tiales, for­gés en outils et ins­tru­ments qui volent, rampent ou titubent. Ce sont mons­trueuses bouf­fon­ne­ries et dégoû­tantes absur­di­tés, for­ni­ca­tions du dif­forme et de l’hor­reur, de l’im­pos­sible avec de répu­gnantes vul­ga­ri­tés. Cari­ca­tures et bis­cor­ne­ries, tohu-bohu de hideurs et lai­deurs. Au pre­mier abord, rien de plus curieux. Le spec­tacle effraie les petits enfants, amuse les grands, mais bien­tôt perd de son piquant et l’in­té­rêt s’é­mousse. On ne déguste pas de cet alcool long­temps sans qu’il fasse mal aux che­veux. Après s’être satu­ré des gro­tesques et de leur sté­rile abon­dance, c’est avec bon­heur que l’on revient à la simple, à la pure, à l’i­déale beauté. 

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À l’o­ri­gine, les démons et génies étaient des indi­vi­dus quel­conques, bons ou mau­vais, comme cela se trou­vait, mau­vais le plus sou­vent, par­fois très mau­vais. Vue 17 sur 997

L’é­qui­libre n’é­tant pas moins néces­saire au monde moral qu’au monde phy­sique, il fal­lut oppo­ser des génies bien­fai­sants à la tourbe démo­nique infes­tant le monde. On ne réflé­chis­sait guère que l’on eût pu se pas­ser des uns et des autres. Des plus puis­sants on vou­lut avoir l’effigie. 

Les pre­miers artistes fai­saient gauche et laid, ne pou­vant mieux faire, mais à mesure qu’on se ren­dit maître de la forme, on vou­lut que la lai­deur signa­lât les génies méchants et que la beau­té fût le pri­vi­lège des bons patrons et pro­tec­teurs. Mieux que tous autres, les Grecs expri­mèrent par des lignes la noblesse intel­lec­tuelle et morale. Ils y réus­sirent si bien que l’hu­ma­ni­té s’e­nor­gueillit encore de leurs suc­cès. Pour avoir des visions de grâce, de charme et de majes­té, nous contem­plons encore les formes de Zeus, d’A­pol­lon et de Dio­ny­sos, celles de Diane et d’Aphrodite. 

On ne trou­va pas mieux que la beau­té humaine. Cepen­dant quelques-uns, sur­tout par­mi les modernes, accro­chèrent une paire d’ailes aux per­son­nages angé­liques. Ces grandes rémiges font bel effet quel­que­fois, le plus sou­vent elles alour­dissent ; nos peintres et sculp­teurs savent le mal qu’ils ont à pas­ser une robe entre le corps et les ailes. Mais la pudeur avant tout, la pudeur spé­ciale dont l’é­du­ca­tion par les moines et par les non­nains infes­ta l’Oc­ci­dent chrétien.

La lai­deur fut tout autre­ment facile à expri­mer que la beau­té. On avait ample pro­vi­sion de haines et colères à pla­cer contre son pro­chain. Les per­son­nages du monde invi­sible n’ayant pas de voix pour répondre, on leur attri­bua tous acci­dents, mal­chances, mal­heurs et mala­dies. On les accu­sa même de ses erreurs et de ses mal­adresses. Après avoir com­mis de lourdes fautes, les­quelles abou­tis­saient à grièves dou­leurs, on se pré­ten­dit la vic­time des Mal­fai­sants. Impos­sible aux diables de nier les crimes dont on les accu­sait, cor­nus comme on les avait faits, avec des crocs de san­gliers à leur gueule ensan­glan­tée. L’homme les avait enlai­dis en pro­por­tion de ses remords. N’o­sant dis­cu­ter avec sa conscience, il exté­rio­ri­sa ses pas­sions et pen­chants, afin de les mau­dire et hon­nir plus à son aise. Ce qu’il n’o­sait s’a­vouer, il le cor­nait aux oreilles de ces vilaines bêtes. 

Si les peuples n’ont que le gou­ver­ne­ment qu’ils méritent, de même n’ont-ils que les Dieux qu’ils vou­draient être, que les diables qu’ils sont. On pré­tend que le Créa­teur se mani­feste par ses œuvres… Et l’homme donc ! l’homme qui for­mu­la notre monde intel­lec­tuel et moral. Tant vaut l’i­ma­gi­na­tion d’un peuple, tant vaut sa poé­sie. Tant vaut sa conscience, tant valent son ciel et son enfer. L’E­vo­lu­tion des Reli­gions nous montre ce que nous croyons, par­tant ce que nous sommes. 

Salo­mon, lisons-nous dans les légendes de l’Is­lam, pui­sées pour la plu­part aux sources tal­mu­diques, Salo­mon obtint la faveur de voir les djinns sous leur forme réelle, et non pas seule­ment sous les appa­rences, tan­tôt ter­ribles, tan­tôt enga­geantes, sous les­quelles ils se déguisent. L’homme le plus sage et le plus savant du monde fut stu­pé­fait au spec­tacle de ces dif­for­mi­tés. Il n’eût jamais cru que pareils monstres fussent pos­sibles. C’é­tait une tête d’homme sur un cou de che­val, c’é­taient des ailes d’aigle sur la bosse d’un cha­meau, un paon avec des cornes de gazelle… Et l’ange Gabriel lui expli­qua : « Sache que ces formes de chi­mère accusent les crimes d’exis­tences anté­rieures, pro­viennent de rap­ports infâmes avec hommes, qua­dru­pèdes, oiseaux et rep­tiles. Rien n’ar­rê­ta la concu­pis­cence de ces êtres immondes qui naquirent en inceste et vécurent en adul­tère. De géné­ra­tion en géné­ra­tion leur hideur aug­mente à mesure que se mul­ti­plie leur espèce. » 

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Tous nous avons remar­qué les gar­gouilles qui peuplent les murailles, les toits et les piliers de nos Églises gothiques, figures étranges, résur­rec­tion des amphi­bies qui peu­plaient les marais juras­siques. Ces œuvres de l’art chré­tien, on les a trai­tées fort dédai­gneu­se­ment. Oublieuse des maux qu’elle n’a pas endu­rés, notre géné­ra­tion ne voit, en ces reliques d’un autre âge, que bizar­re­ries, drô­le­ries, coquas­se­ries. Les disant de mau­vais goût, elle se dis­pense de les étu­dier sérieu­se­ment. Mettons‑y plus de com­plai­sance. Évo­quons la men­ta­li­té de nos mal­heu­reux ancêtres. Revi­vons le moyen-âge. Ren­trons en cette longue et lugubre nuit. Ces ani­maux fabu­leux, formes incon­grues, absurdes jux­ta­po­si­tions de corps et de membres enche­vê­trés, ces alec­tro-dra­contes, ces lago-pardes et léon­to­pi­thèques furent les images de vio­lences dou­blées de lâche­tés, de rou­blar­dises aco­qui­nées à des imbé­cil­li­tés. Des ana­to-fal­cones ou anse­ri-fal­cones, ont des têtes de rapaces mon­tées sur des corps de pal­mi­pèdes : le bec plonge en son ventre, le fouille et dévaste ; le rapace s’ir­rite contre son propre cœur, son cœur d’oie stu­pide, de canard voué aux marais fan­geux. Que d’in­for­tu­nés dans les asiles, que de pauvres détra­qués qui s’é­crie­raient que ce sont là leurs por­traits d’une res­sem­blance déplo­rable ! Les Sphinx et les Sphinges ne sont-ils pas notre propre mys­tère ? Ces Chi­mères et ces Fan­tasmes sont à la res­sem­blance de nos ima­gi­na­tions et dési­rs. Oui, ces Cau­che­mars, Empuses et Lamies, repré­sentent nos haines et nos remords. Frayeurs, lâche­tés et déses­poirs prennent un masque bouf­fon, s’af­fublent en Blem­myes, Scia­podes et Martichoras. 

Les sym­bo­listes ont suf­fi­sam­ment expli­qué que la nef des cathé­drales repré­sente la Sainte Église et l’ob­jet de la Foi chré­tienne. Regar­dez le Cru­ci­fié tirant sur les clous, pleu­rant des larmes san­glantes. Ensuite, consi­dé­rez les figures mornes et hébé­tées tout autour, saints déhan­chés et déchar­nés, saintes laides et moroses. Une mou­rante lumière trem­blant devant un reli­quaire : c’est le cœur, le triste cœur du fidèle, pauvre âme mal éclairée !… 

Voyez main­te­nant le dehors de l’é­di­fice sacré. Le dehors c’est le monde, la socié­té poli­tique et civile en tant qu’op­po­sée à la com­mu­nion des fidèles. Ces pierres sont ani­mées. Ça grouille de diables, démons grim­pant par­tout, nichés clans tous les coins. Débor­dant sur le pré­sent siècle, l’En­fer enva­hit la vie quo­ti­dienne. En ces dra­gons hideux, en ces guivres méchantes, le peuple contem­plait ses man­geurs et ses bour­reaux. Ces ani­maux féroces étaient, les Domi­na­tions et les Puis­sances, le Diable, les Maho­met les Ter­va­gant ; c’é­taient aus­si le Roi de France et l’Em­pe­reur du Saint-Empire et les barons et baillis, et la famine et la mal­tôte, tout ce qui le suçait, le piquait, l’empoisonnait, l’empestait, lui arra­chait la chair vive, lam­beau après lam­beau. C’é­tait la Vie, image de l’En­fer, et l’En­fer, réa­li­té de la Vie. Mais il ne devi­nait pas encore, le Peuple, enfant colosse, ne com­pre­nait pas que ces cau­che­mars de pierre, affreuses réa­li­tés, n’é­taient autres que les démons en son cœur : Sot­tise et Folie, Envie et Cruauté.

Le Peuple, c’est nous, n’est-ce pas ? 

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De tem­pé­ra­ment fri­leux, les Ombres se plaisent à la tié­deur des forêts, cagnardent sous les racines tor­dues des vieux hêtres, dans les four­rés que la cime des grands arbres pro­tège contre les vents, dans les brous­sailles ou sous les feuilles sèches. Les feuilles pour­ris­santes déve­loppent une cha­leur obs­cure, laquelle sup­plée au sang qui leur fait défaut, a là nour­ri­ture qui leur manque si fré­quem­ment. Il faut bien qu’elles reçoivent du dehors un calo­rique, dont elles n’ont plus la source en elles-mêmes. Le plus sou­vent qu’elles appa­raissent, on les voit en peine de se réchauf­fer. Ne dît-on pas « la Mort à la main gla­cée », « froid comme la Mort, chaud comme la Vie » ? 

Sans par­ler des cierges et bou­gies qu’ils leur allument à la Tous­saint, nos pay­sans invitent leurs défunts à se don­ner une bonne flam­bée devant la bûche de Noël, les convoquent aux bran­don­nées de la Saint-Jean, devant les­quelles nos Bre­tons laissent la place d’hon­neur à des hôtes invi­sibles. Aux fêtes de famille ne doit man­quer le bon feu dont la cha­leur les ragaillardira. 

Nos anti­podes, les Non-Non d’Aus­tra­lie, racontent que les âmes qui viennent de pas­ser par la mort, ne s’ac­cou­tument que dif­fi­ci­le­ment à la froi­dure, pen­dant quelques semaines, res­tent engour­dies et tout effré­dillées. De temps à autre, les amis se font un devoir d’al­lu­mer un bra­sier sur la tombe : « Arrive pauvre cama­rade, arrive ! chauffe-toi, ranime-toi ! » 

Pen­dant les mois d’hi­ver, les Odji­béouais, tri­bu de Peaux- Rouges, se mon­traient diserts sur le compte de Ména­bo­chou, bavar­daient sur ses com­pa­gnons. Quand arri­va l’é­té, ils ne vou­laient plus se lais­ser inter­ro­ger sur le héros natio­nal. On leur deman­da le pour­quoi de cette nou­velle attitude ? 

« Les Esprits, répon­dirent-ils, ne peuvent sup­por­ter les rigueurs de l’hi­ver. Rien qu’un petit vent frais les met déjà mal à l’aise. Dès qu’ar­rive la mau­vaise sai­son, ils se réfu­gient dans les cavernes, se mussent dans les feuilles sèches, s’en­gour­dissent à la façon de notre oncle l’ours, cla­que­mu­ré en son arbre creux. Mais le prin­temps les dégèle les uns après les autres. Ils recherchent alors notre com­pa­gnie, vont et viennent après nous, ne perdent mot de nos conver­sa­tions. Quand ils étaient blot­tis dans la mousse, sous la neige, libre à nous de nous amu­ser à leurs petites his­toires. Mais quand ils sont dége­lés, ber­nique ! Un sot se lais­se­rait aller à leur déplaire. » 

Sans insis­ter sur la contra­dic­tion qu’elles pré­sentent ou semblent pré­sen­ter, les légendes chré­tiennes attri­buent au chef des mau­vais anges un contact réfri­gé­rant, mais brû­lant autant que la glace du pôle et. empor­tant la peau. Cer­tains pré­tendent que mes­sire Sata­nas trouve le cli­mat de l’en­fer trop frais pour son tem­pé­ra­ment. Après tout, n’est-il pas le démon du feu ! 

En son « Poème des Aïeux », Miç­kie­wicz, le grand poète polo­nais, met en scène un vam­pyre qui exha­lait des flammes, mais son haleine souf­flait froid. 

De ces ren­sei­gne­ments, il semble résul­ter que les pauvres défunts sont affli­gés d’une sen­si­bi­li­té avoi­si­nant l’hy­per­es­thé­sie. Dans l’In­do-Chine ils peuvent avoir froid jusque dans leurs images. Quand la tem­pé­ra­ture se fait rigou­reuse, ils gre­lottent en leurs sta­tues de bois, leurs marbres gèlent, leur bronze se mor­fond. Et les Ara­ka­nais, tou­chés de leur souf­france, apportent des four­rures pour les emmi­tou­fler, les enve­loppent de man­teaux chauds et moel­leux… Acte d’hu­ma­ni­té qui leur sera comp­té en ce monde ou dans l’autre. 

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De toutes les belles choses, la plus belle est la lumière des vivants. Com­bien les morts la regrettent, cette lumière du jour si claire et si pure, qui leur était si douce, mais qui main­te­nant fait vibrer dou­lou­reu­se­ment le brouillard dont leur matière se com­pose ! Main­te­nant elle les sur­ex­cite, les agace, les insup­porte, comme ferait un bain sur­chauf­fé. Le grand jour de l’é­té les éblouit et les accable, sauf pour­tant les démons méri­diens ou de la Méri­dienne, espèce qui pul­lu­lait jadis en Syrie et en Pales­tine, et qui hante encore quelques cer­velles de l’Is­lam et du Chris­tia­nisme. Aux heures brû­lantes, les âmes déli­cates se dis­si­mulent dans les feuilles d’arbres, ou entre le tronc et l’é­corce, dis­pa­raissent dans les ombres des four­rés épais, se glissent dans les fentes des roches, aux inter­stices des pierres et sous les cailloux. Ils ne se sentent à l’aise qu’en mi-obscurité. 

L’A­rabe raconte que les ghouls séjournent en cavernes qu’ils empuantent, vont la nuit vian­der comme hiboux. La vue d’une torche allu­mée les jette en une rage impuis­sante, les force à déta­ler. Cha­cun sait qu’un char­bon, bran­di en cercle, épou­vante les fauves noc­turnes. Tel rayon cou­pant l’obs­cu­ri­té, en dar­dant à tra­vers la ténèbre, appa­raît comme flèche acé­rée, glaive scintillant. 

Êtres cré­pus­cu­laires et sur­tout noc­turnes, les morts ont pour reine Hékate à l’arc d’argent, Hékate, dont le moyen-âge fit la plus laide et la plus méchante des sor­cières. Mais les vivants regardent au Soleil, au brillant Apol­lon lan­çant au loin ses flèches d’or. Encore les Ombres de faible consti­tu­tion pré­fèrent-elles les nuits que les étoiles n’é­clairent que vague­ment. Cha­cun sait que le Hadès, sombre royaume, ne connaît que lueurs grises et cen­drées, lumi­no­si­tés incer­taines, froides phosphorescences. 

Pho­to­phobes furent les pre­miers démons et le sont res­tés. À mesure que son esprit s’é­clai­ra, l’homme crai­gnit de moins en moins les fan­tômes de l’er­reur et de l’obs­cu­ri­té, aima davan­tage la lumière, qu’il iden­ti­fia avec l’in­tel­li­gence, la rai­son et la jus­tice. Force fut aux reli­gions de suivre le mou­ve­ment. Celles qui suc­cé­dèrent au culte des ténèbres par­ta­gèrent les esprits en anges de lumière et en démons de l’obs­cu­ri­té, décla­rèrent sus­pectes les larves obs­cures et qua­li­fièrent de cri­mi­nelle toute la gent luci­fuge. Les réprou­vés furent jetés dans l’a­bîme noir, au-des­sous des justes et bien­heu­reux qui se meuvent en flots de clarté. 

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« Pauvres morts ! » nous écrions-nous après notre enquête. Ah ! com­bien peu nous savons appré­cier les biens que la vie nous octroie ! Ceux qui en sont pri­vés, avec quel regret parlent-ils de la plai­su­rable vie faite à l’âme par la chair ;  — cette chair tant dépré­ciée par les raf­fi­nés du spi­ri­tua­lisme, qui en font un terme d’in­sulte un objet de mépris et de dégoût. — Les mal­avi­sés ! À tra­vers cette heu­reuse chair, man­teau de délices, vête­ment idéal, tis­su de nerfs, appa­reil intel­lec­tuel, siège de sen­sa­tions, tan­tôt suaves, tan­tôt dou­lou­reuses, cir­cule un sang vivi­fiant et chaud, issu de la tou­jours bouillon­nante fon­taine du cœur, mer­veille vivante et pour ceux qui le mieux la connaissent mys­tère encore, admi­rable mystère ! 

Avez-vous assis­té à quelque repré­sen­ta­tion d’Orphée aux Enfers ? Alors vous vous rap­pe­lez le valet de chambre, John Styx, ex-roi de Béo­tie, lequel n’ap­prit ce que vaut la vie qu’a­près l’a­voir perdue. 

Ce qu’ils abondent, les rois de Béo­tie ! Si par delà les sombres bords on conserve l’in­tel­li­gence et le sou­ve­nir — plu­sieurs en doutent — com­bien qui regret­te­ront d’a­voir si peu goû­té la vie ter­restre, si mes­qui­ne­ment pro­fi­té de l’ex­tra­or­di­naire, de l’in­com­men­su­rable chance dévo­lue à qui naquit par­mi les hommes ! Mais une Parque iro­nique et maligne déci­da que les souf­frances nous seraient sen­sibles jusque dans leurs nuances fugi­tives, et que le pli d’une rose frois­se­rait, notre peau déli­cate… Que nous joui­rions de la force en n’y pen­sant pas, et de la san­té presque sans nous en douter. 

La san­té, — cette har­mo­nie mer­veilleuse dans les acti­vi­tés mul­tiples d’or­ganes com­pli­qués, — on la défi­nit comme étant un équi­libre, un équi­libre seule­ment. On la confond presque avec l’i­ner­tie du caillou gisant sur le sol. Et des bar­bares se croient exquis parce qu’ils vantent la souf­france, et des hur­lu­ber­lus se vantent de savou­rer la dou­leur en ses intimes et déli­cates voluptés ! 

— Peut-être ne savez-vous pas même ce qu’est la vie ? Dépê­chez-vous, il est encore temps ! 

[/​Élie Reclus/​]

La Presse Anarchiste