— Ceps et rameaux liés —
Au long des murs des cours épiscopales,
Lourdes de fruits, les vignes d’or étalent
Un faste rouge et violet,
Qui se cramponne aux pierres
Les mord et les griffe, comme du lierre,
Et fait le tour géant du féodal palais.
L’automne gonfle une luxure
Telle d’odeurs et de couleurs dans l’air,
Que les feuilles, autour des rayons clairs,
Semblent la vivante brûlure
D’un million de mains, vers des grappes de chair.
Langues folles, torses ardents et bras et seins
Et nerveuses contorsions de hanches
Se devinent soudain
Et s’exaltent, parmi les branches.
Des vents larges, comme le désir,
Les rapprochent dans leurs remous
Et font crier de rut et de plaisir
Le peuple entier des rameaux fous.
Du sang se mêle à cette image
Violente d’instincts lâchés,
Qui font se tordre et s’entremordre les péchés
Sur les murs blancs des anciens sages.
Tandis que grave et seul dans sa grandeur
Honnie et reniée, avec furie,
L’évêque, en son palais, surveille et pleure et prie
Et songe : C’était ta vigne, ô Seigneur !
[/Émile