Buckle and his Critics a study in Sociology, par
L’ouvrage de J.-M. Robertson intitulé Buckle and his Critics a study in Sociology est une étude de critique plutôt qu’une étude de sociologie, dans laquelle il s’est proposé de réhabiliter Henry Thomas Buckle comme pionnier de la science sociologique, et de faire ressortir tout ce que son œuvre a de valeur et ce qu’elle devrait avoir d’autorité.
Il serait bon de rappeler les principes qu’a posés Buckle dans cette œuvre — une introduction à l’Histoire de la civilisation en Angleterre — qu’il a entreprise sans avoir pu l’achever, et je ne puis mieux faire que de reproduire les notes suivantes extraites d’un tableau synthétique que M. Robertson a ajouté à la fin de son volume (chiffres des notes de M. Robertson) :
1. Les affaires collectives des hommes, les mouvements des sociétés dans l’Histoire, sont réductibles à des lois scientifiques, de même que les phénomènes de tout autre ordre. La statistique des crimes et d’autres actes de volonté démontre ceci même dans les états sociaux les plus complexes…
3. ‑Les hommes font partie de la nature et la connaissance des lois qui régissent leurs affaires sera fournie par une étude des rapports et des conditions physiques et mentaux des hommes.
4. Les climats chauds, avec humidité en proportion modérée, produisent une alimentation abondante et régulière, et par suite une population nombreuse. La civilisation, pendant cette première étape, est déterminée surtout par des lois physiques.
5. Dans de telles conditions, la population est facilement exploitée : d’où résultent le despotisme militaire et la naissance d’une classe instruite, qui pose les fondements de la science, mais qui les développe peu.
6. Dans des conditions naturelles moins favorables sans être adverses, il n’y aura pas d’excès de population ; alors la science amassée dans les civilisations premières pourra être féconde en progrès matériel et intellectuel. La civilisation est alors régie surtout par des lois intellectuelles.
7. On voit que tout progrès se mesure par les acquisitions de la science.
8. Il subsiste une tendance chez l’homme à se fixer, et à s’attacher en général aux vieilles coutumes, et en particulier aux croyances religieuses et au royalisme héréditaire. Les sacerdoces, surtout, sont une force qui détermine cette tendance.
9. En tant qu’il est dirigé contre ces forces immobilisantes l’esprit sceptique contribue au progrès.
10. Les exhortations morales seules ne peuvent déterminer le progrès. « Il n’y a pas de progrès dans l’élément moral ». L’amélioration générale des mœurs est le résultat de l’accroissement des connaissances,
13. L’esprit de protection qui comprend l’idéal de l’intervention de l’État dans l’industrie est toujours préjudiciable au progrès, dans la littérature, dans l’art, dans la science et dans l’industrie. La politique étant un art toujours arriéré, la législation doit y intervenir le moins possible. Le progrès veut la plus grande liberté possible pour l’initiative individuelle.
14. Les religions ne développent pas l’humanité, mais au contraire sont développées par elle en raison de son progrès scientifique.
17. Il est faux d’attribuer la progressivité ou l’immobilité des nations à des qualités inhérentes aux races. En tant que des caractères spéciaux de races existent, ils résultent des conditions d’existence qu’on peut déterminer.
20. La pensée d’un peuple est modifiée par la nature qui l’environne. Ainsi les pays sujets aux tremblements de terre sont spécialement superstitieux ; et ceux en général où les forces naturelles se manifestent avec puissance sont spécialement portés aux idées religieuses.
21. Les nations ont bien des fois réagi sur l’histoire d’autres nations par l’influence de leur culture. C’est ainsi que l’impulsion qui a donné la littérature moderne allemande est venue de la France.
23. La décadence du militarisme est une condition nécessaire du progrès continu de la civilisation.
L’œuvre de Buckle, presque le premier qui ait tenté la solution du problème de la sociologie, ou qui ait nettement conçu une méthode pour résoudre ce problème, fit du bruit à son apparition (1857 – 61). Les critiques qu’elle suscita sont exposées dans les premières 300 pages du volume de J. M. Robertson. On y retrouve toute la série possible des erreurs et des incompréhensions. Toute cette masse de critiques, les unes sans valeur, d’autres perfides, quelques-unes fondées, l’auteur les soumet à l’analyse, en rejette ce qui ne résiste pas à l’examen, et s’en sert pour faire ressortir ce qui est vraiment puissant dans l’œuvre de Buckle. Puis il se fait lui-même critique et dresse le tableau des remaniements qu’il faudrait faire subir aux théories de Buckle pour les mettre au point avec les données actuelles de la sociologie. Dans un chapitre intéressant (pp. 366 – 518) il étudie le développement de la sociologie moderne, qui est selon lui devenue une science du jour où il fut acquis qu’il existait des lois dans l’histoire et qu’il était possible de les déterminer avec méthode. Une étude sur la personnalité de Buckle, termine l’ouvrage et permet en faisant connaître l’homme de mieux saisir la portée de son œuvre.
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