La Presse Anarchiste

La Liberté du Travail

La richesse publique a trois lois inflexibles, abso­lues ; le tra­vail, la liber­té du tra­vail, la consom­ma­tion. Cha­cun doit tra­vailler, c’est la loi de la nature, la loi de l’es­prit, comme celle de la matière. Cha­cun doit tra­vailler libre­ment, sans contrainte, sans se voir com­man­dé ; et enfin cha­cun ne doit avoir d’autre limite à sa facul­té de tra­vailler et de pro­duire, que ce que sa conscience ou ses besoins lui dictent sa conduite ; d’ac­cord en cela, avec ceux qui tra­vaillent et qui pro­duisent comme lui. Voi­là la loi natu­relle de l’hu­ma­ni­té ! Si on la viole, on devient arbi­traire ou oppres­seur, on gêne l’un au pro­fit de l’autre, ou l’on éta­blit un véri­table maxi­mum de tra­vail, ce qui amène for­cé­ment l’ac­crois­se­ment. On opprime dans le tra­vailleur, la plus inalié­nable des liber­tés de l’homme, la liber­té de ses sueurs. Cer­tains théo­ri­ciens rêvent une orga­ni­sa­tion for­cée du tra­vail, ce qui ne change à l’ins­ti­tu­tion actuelle que le nom ; et en lui don­nant une nou­velle déno­mi­na­tion, ils main­tiennent les mêmes lois, les mêmes maux. Ils tournent sans cesse autour du rocher de Sisyphe sans oser l’at­ta­quer. Nous disons, nous, que la liber­té est encore la jus­tice, et que rêver l’or­ga­ni­sa­tion for­cée et arbi­traire du tra­vail, c’est rêver la résur­rec­tion des castes de l’Inde, c’est réor­ga­ni­ser la concur­rence de l’exploitation. 

Mais la concur­rence, c’est l’é­goïsme aban­don­né à lui-même ; la concur­rence est sans pitié, elle agit avec la force bru­tale, et, aveugle de l’en­vie de s’en­ri­chir, elle foule, elle écrase tout autour d’elle. Que tout le monde souffre, pour­vu que je m’en­ri­chisse : Voi­là sa devise. Ce ne peut pas être celle d’une socié­té morale et éga­li­taire. Non, quand la concur­rence a tué toute une indus­trie, et arra­ché le der­nier salaire, le der­nier mor­ceau de pain des mains de l’ou­vrier sans tra­vail, la concur­rence lui dit : Meurs de faim. N’al­lez pas deman­der à l’ex­ploi­teur ce qu’il pense de l’ou­vrier qu’il tue chaque jour, n’al­lez pas essayer de lui incul­quer des sen­ti­ments humains, il n’en a pas. Ce qu’il a, c’est l’a­mour des jouis­sances, du plai­sir, de la domi­na­tion ; et pour conser­ver ces pré­ro­ga­tives qu’il s’est octroyé, qui sont sa vie, il sacri­fie­ra tout ce qui s’op­po­se­ra à ses jouis­sances. C’est pour­quoi nous ne devons rien attendre de ces pré­ten­dus réfor­ma­teurs, car sous leur pro­gramme, nous voyons cachés sous un man­teau doré, les ori­peaux les plus hideux, et la grande misère de la classe pro­duc­tive, la faim pour nous tous. 

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