La Presse Anarchiste

Le Petit Havre et L’Idée Ouvrière

Dans notre second numé­ro, nous deman­dions au jour­nal le Petit Hâvre ce qu’il pen­sait de la ques­tion sociale, quel était à ce sujet son pro­gramme et, par quels tours de force admi­nis­tra­tifs, il pré­ten­dait pou­voir amé­lio­rer le sort de la classe travailleuse. 

Trois semaines se sont écou­lées et il n’a pas osé se pro­non­cer ! pour­quoi ce mutisme ? Pour­quoi ? C’est bien simple, Le Petit Hâvre aspire à la tyran­nie ; toute sa conduite depuis le jour de sa fon­da­tion, le démontre ; il décerne une sta­tue à Thiers, à Gam­bet­ta, un apo­théose à Vic­tor Hugo, à cet autre, un sabre d’hon­neur, il accable de son mépris les com­mu­nistes, les indi­vi­dua­listes, il étouffe la science, tout son pou­voir, et s’a­charne sur les socialistes. 

Nous lui avons dit de nous faire connaître son sys­tème poli­tique ? Il est éton­nant que le public ne l’ait pas devi­né. Le Petit havre, ayant pour toute doc­trine sociale, cette pen­sée de Hobbes, que « la guerre est l’é­tat natu­rel du genre humain, » n’a pas d’autre sys­tème que le sabre, d’autre solu­tion que les conseils de guerre et la fusillade en masse, la dis­ci­pline mili­taire est sa règle morale, et un code pénal éner­gique, avec une pro­cé­dure expé­di­tive, cou­ronne l’œuvre et lui sert de sanction. 

Ne deman­dez pas au Petit havre d’autre plan d’or­ga­ni­sa­tion poli­tique et sociale, il n’en n’a pas. Un gou­ver­ne­ment mili­taire, c’est-à-dire l’é­tat de siège à per­pé­tui­té, le silence impo­sé à l’o­pi­nion, l’ex­ploi­ta­tion de l’homme par l’homme, et par une consé­quence inévi­table, la misère des tra­vailleurs. C’est pour cela qu’il outrage ceux dont la rai­son dédaigne de le suivre, c’est pour cela qu’il disait lors des der­nières confé­rences ouvrières au Havre, que le public ne nous sui­vrait pas ?

Mais Petit havre, sachez-le bien, l’ou­vrier vient a nous, il sait dis­tin­guer ses amis de ses adver­saires. Mais, en serait-il autre­ment, nous atten­drions dix ans, s’il le fal­lait, mais, pour l’a­che­ter au prix de notre devoir et de notre indé­pen­dance, jamais ! 

Tra­vailleur, regarde cette machine qu’on appelle un jour­nal, et songe à tout le bien qu’elle peut faire, et au mal qu’elle fait presque tou­jours, et tu ne sau­ras lequel l’emporte en toi de la colère ou, du dégoût. Figures-toi un porte- voix immense, ayant son embou­chure dans le sombre bureau d’une impri­me­rie, et se fai­sant entendre plus loin que les signaux télé­gra­phiques ne peuvent être aper­çus. C’est par la que les exploi­teurs ayant le capi­tal, répandent au loin les vraies et les fausses nou­velles ; c’est par ce tube  gigan­tesque qu’à ton grand dom­mage, mais au pro­fit des capi­ta­listes, pleuvent sur toi chaque jour, les invec­tives, les men­songes, les calom­nies, les faits dégui­sés, mutilés. 

Lorsque le qua­dru­pède immonde que les Orien­taux pros­crivent de leurs tables cherche dans la fange son infecte pâture, tout passe entre ses mâchoires affa­mées ; les excré­ments d’a­ni­maux, les débris de cadavres, les rési­dus empes­tés, la vase gluante : le palais de la bête sait choi­sir ce qui lui plait, le reste est reje­té par l’a­ni­mal gou­lu. Voi­là l’i­mage de la fabrique à jour­naux : Voi­là le Petit havre. L’or que cherchent les jour­na­listes à tra­vers leurs impu­re­tés quo­ti­diennes, tombe au pied de la machine, le noir tor­rent déborde et roule sur le public. 

C’est sur­tout dans les ques­tions de haute poli­tique et de socia­bi­li­té qu’il y a plai­sir à les entendre : Écou­tez le Petit havre, il crie à faire trem­bler les 86 dépar­te­ments. La révi­sion, la révi­sion ; c’est bien, lui dit-on, nous la vou­lons aus­si. Voi­là qui est réso­lu. À pré­sent, si l’on te nom­mait pré­sident de la Répu­blique que ferais-tu ? parle, parle monstre. Quoi tu cries à bas les socia­listes, à bas la liber­té, que demandes-tu donc ? (La sou­ve­rai­ne­té du peuple, la révi­sion) et après ? Réponds, mais réponds donc hur­leur ! (Je t’en­tends, tu cries : Pro­cu­reur, sai­sis­sez tous les socia­listes, tous les égalitaires.) 

Tra­vailleurs éga­li­taires, vous tous hommes de cœur et d’in­tel­li­gence, jus­qu’à quand serez-vous abu­sés par ces tar­tufes poli­tiques, espions sor­tis de la bande des Héron et des Fouché. 

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L’Idée Ouvrière met à la dis­po­si­tion de la presse locale, ou à toute autre per­sonne de la loca­li­té, une colonne de son jour­nal ne pou­vant faire plus vu l’exi­guï­té de son for­mat. Pour réfu­ter nos théo­ries, les articles seront publiés sans cou­pure aucune. 

Chaque article devra être signé. 

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