On a fêté en Sorbonne, il y a quelques jours, les 80 ans de Camille Flammarion. Cette cérémonie s’imposait elle ? On en doute. N’est-il pas d’autres moyens de témoigner de l’estime et de l’admiration à un homme, que de l’exhiber comme un carnaval et de le régaler de discours plus ou moins indigestes ?
Du moins le vieil édifice, plus habitué aux thés philosophiques de M. Bergson, aura-t-il, abrité, quelques heures, un homme du peuple. Un de ceux à qui l’État, dans leur enfance, ferme ses lycées et ouvre ses usines et qui doivent, s’ils sont nés avides de nourriture intellectuelle, prendre sur leur sommeil pour posséder quelques bribes de cette science, que la République égalitaire impartit généreusement aux fils de ses bourgeois ?
Camille Flammarion avait cinq ans, quand sa mère lui fit suivre, en un seau d’eau, une éclipse de soleil. L’enfant fut émerveillé et, quatre ans plus tard, témoin encore une fois de ce phénomène, il dénicha, au grenier, une vieille cosmographie il l’étudia passionnément.
Mais venait le moment où l’enfant pauvre doit gagner sa vie. Camille devint ciseleur. Épris d’études, il veillait, préparant son baccalauréat et il écrivit alors une cosmogonie éditée plus tard sous le titre : « Le monde avant l’apparition de l’homme ». Une maladie bienfaisante appela bientôt auprès de lui un docteur qui, s’intéressant à ses travaux, le fit entrer à l’Observatoire.
Dès lors, sa vocation avait libre cours. Tous et toutes connaissent l’œuvre de Flammarion. Conscient peut-être des efforts qu’il faut aux simples pour s’exhausser à un peu de savoir, c’est pour eux surtout qu’il a travaillé. Il a mis dans leur vie un peu du rayonnement des astres qu’il leur décrivait. Par lui, certains, que ne tentent point les plaisirs faciles, purent rêver, le soir, en contemplant Sirius ou Cassiopée, qui parfois leur versaient un peu de douceur et de calme.
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Une ombre au tableau. L’imagination poétique dont Flammarion avait fait preuve dans ses premiers ouvrages l’a trahi ; il a voulu rejeter trop loin la limite du possible et comme si la tâche ne suffisait pas aux hommes d’expliquer les phénomènes perçus pendant leur vie, il expliqua la mort.
Ses derniers livres — tôt exploités par les spirites de tout acabit, ont abandonné toute idée scientifique pour ne contenir que des divagations sur l’au-delà et ses relations avec nous.
Le mal ne serait pas grand, si, depuis quelque temps et surtout pendant l’après-guerre, le spiritualisme sous toutes ses formes n’avait fait un progrès déconcertant.
Chez beaucoup d’êtres, surtout chez les femmes, le besoin du merveilleux s’est toujours fait sentir ; les promoteurs de l’occultisme spiritisme, etc., ont permis de donner à ce besoin une teinte pseudo-scientifique et d’expliquer des phénomènes parfois existants et relevant alors de la pathologie, parfois créations imaginaires de cerveaux fatigués.
Tombeau du diacre Paris, baquet de Mesmer, vision de Swedenborg, expériences de Miller, etc., réunirent, à travers le temps, les mêmes catégories de crédules et combien maintenant, adeptes des tables tournantes, devant des explications précises mais ennemies de la fable, répètent comme Galilée : « E pur si muove ».
Curiosités d’abord, habitudes ensuite, ces pratiques deviennent nécessaires et enlèvent à qui les a, toute faculté de contrôle personnel et bientôt tout équilibre mental. Dès lors, l’apprentie spirite est mûre pour toutes les croyances, pour toutes les religions et l’Église est là pour recueillir les transfuges de l’occultisme ou de la théosophie. Elle n’a garde d’ailleurs de les condamner, sachant bien qu’aux cerveaux imprégnés de théories mystiques le dogme intangible apportera l’aliment et le soutien indispensables.
D’ailleurs, mince est la différence. Il n’est pas plus singulier de croire au trois mystères, Trinité, Incarnation, Rédemption, qu’à la fréquence parmi nous de corps astrals qui se manifestent le plus souvent sous forme de baudruches. Et qui s’exprime le plus congrûment de Marie menaçant et pleurant devant Bernadette ou de Napoléon incapable d’indiquer comment on gagne une bataille, lorsqu’il se manifeste dans un pied de table.
La nervosité et l’impressionnabilité des femmes les portent à être dupes de manœuvres charlatanesques qui ne peuvent que faire sourire un être doué de bon sens et possédant quelques bases scientifiques sérieuses. Là encore il n’est que de s’instruire et mieux vaut en référer à de véritables savants que compter sur les propos où les soi-disant expériences de ceux qui sont souvent, ainsi que le disait Kant, tous candidats à l’hôpital.
L’opinion des vrais savants est en effet unanime en ce qui concerne les « sciences occultes » et peut se résumer ainsi : les faits merveilleux devenus légendaires dans les milieux occultistes ou théosophes s’expliquent presque tous par la suggestion ou le truquage et rien, en l’état actuel des choses, ne permet de supposer que l’esprit est distinct de la matière et lui survit sous quelque modalité que ce soit. Il est certes bien des forces inconnues dans le Cosmos. Les atomes qui sont des systèmes solaires et les système solaires qui sont des atomes s’enchevêtrent à l’infini et, dans leur complexité de multiples vibrations, créent et modifient le mouvement, c’est-à-dire la vie.
Mais la science recule chaque jour un peu plus les bornes de cet inconnaissable et ce, dans une direction constante, selon des directives générales connues qui permettent de sérier, de juger les faits réputés les plus extraordinaires et de répudier sans crainte ce que la froide raison, la rigoureuse logique ordonnent de dédaigner.
Il est bon de suivre ceux-là, et il est facile à toutes nos camarades que ne rebutent pas les lectures un peu arides et qu’intéressent ces questions, actuellement à l’ordre du jour, de se procurer quelques ouvrages qui leur permettront de discuter et de réfuter les affirmations des néophytes de l’occultisme de plus en plus nombreux.
[/Henriette