La Presse Anarchiste

Le travail volontaire ou imposé

[(

Nous sup­po­sons balayée la pour­ri­ture capitaliste,

  1. Êtes-vous en faveur du Tra­vail volontaire ? 
    1. Pour quelles raisons ?
    2. Com­ment en conce­vez-vous l’organisation ?
  2. Êtes-vous par­ti­san du Tra­vail imposé ? 
    1. Pour quelles raisons ?
    2. Com­ment en conce­vez-vous l’organisation ?

)]

La ques­tion posée est d’importance puisqu’elle implique le choix entre deux régimes oppo­sés : Auto­ri­té et liber­té. Elle prê­te­rait à de longs déve­lop­pe­ments s’appuyant sur des consi­dé­ra­tions his­to­riques et scientifiques.

Un liber­taire ne sau­rait hési­ter ! Ses pré­fé­rences vont au tra­vail volon­taire, le tra­vail impo­sé néces­si­tant des sanc­tions, donc l’entretien d’une force répres­sive ; l’instauration d’une dic­ta­ture quelle qu’elle soit est néfaste.

Est-ce à dire que ce choix soit pure­ment sen­ti­men­tal ? Certes non ! De nom­breux argu­ments militent on sa faveur.

Tout d’abord, faut-il craindre une abon­dante flo­rai­son de pares­seux ? Ce serait mécon­naître la nature humaine. Pas de vie sans acti­vi­té. Depuis l’amibe uni­cel­lu­laire jusqu’aux espèces ani­males supé­rieures, tous les ani­maux se meuvent pour pour­voir à leur sub­sis­tante. L’homme, ani­mal supé­rieur, n’échappe pas à cette loi géné­rale : il est essen­tiel­le­ment actif, il faut qu’il s’occupe ; l’immobilité, c’est la mort. Le véri­table pares­seux, celui qui ne fait abso­lu­ment rien, n’existe donc pas.

Dans notre socié­té capi­ta­liste, peu nom­breux sont ceux qui, nés sans for­tune, ont choi­si leur métier. Les pauvres vont au plus pres­sé : pour vivre, il faut man­ger et pour cela, tra­vailler. Bien sou­vent, les cir­cons­tances les dirigent vers un état pour lequel ils avaient peu d’aptitude, d’où manque de goût pour la pro­fes­sion, exer­cée et ren­de­ment médiocre. Dans une socié­té liber­taire, au contraire, cha­cun sui­vrait ses incli­na­tions et ce n’est pas trop pré­su­mer que de dire que la pro­duc­tion serait améliorée.

Enfin, nous savons com­bien la socié­té actuelle est gas­pilleuse d’énergies ; com­bien elle uti­lise mal les décou­vertes scien­ti­fiques. On se chauffe encore avec du char­bon, on s’éclaire sou­vent au pétrole ; de nom­breuses besognes répu­gnantes ou mal­saines qui pour­raient se faire méca­ni­que­ment sont encore exé­cu­tées par des hommes. Dans une socié­té liber­taire, on uti­li­se­rait ration­nel­le­ment les connais­sances de la science. Celle-ci pren­drait d’ailleurs un essor for­mi­dable par le fait que de géniaux cer­veaux d’enfants du peuple, ne pou­vant être culti­vés dans la socié­té capi­ta­liste, se déve­lop­pe­raient plei­ne­ment, enri­chis­sant de nou­velles connais­sances le tré­sor du savoir humain. L’utilisation des pos­si­bi­li­tés scien­ti­fiques per­met­trait la sup­pres­sion des métiers haïs­sables, tueurs d’hommes et amè­ne­rait tou­jours plus de bien-être.

Que l’on ne pré­tende pas que les tra­vailleurs ne vou­dront plus faire leur besogne. J’ai dit que l’homme était essen­tiel­le­ment actif. Les tra­vailleurs sont l’immense majo­ri­té des hommes ; aujourd’hui Ils vont à l’usine et demain ils exer­ce­raient encore leur métier sous l’empire de l’habitude.

Actuel­le­ment, les para­sites capi­ta­listes, tout comme ceux qui tra­vaillent, agissent, mais leurs occu­pa­tions (sports, courses, jeux, noce, etc., etc.), sont non seule­ment inutiles mais nui­sibles à la col­lec­ti­vi­té : ce point est trop bien éta­bli pour que j’insiste. La Révo­lu­tion sociale ayant détruit le capi­ta­lisme, il est pos­sible, il est même pro­bable que cer­tains des pri­vi­lé­giés actuels se refu­se­ront à tout labeur fécond s’ils n’y sont pas obli­gés. Eh bien ! je crois qu’il fau­dra le tolé­rer. Ces indi­vi­dus ne seront jamais qu’une intime mino­ri­té et ce qu’ils vole­ront à la col­lec­ti­vi­té sera infi­ni­ment moindre que la part des richesses déro­bées de nos jours par les pro­fi­teurs de tout poil. Je pense, en effet, que la plu­part des capi­ta­listes contem­po­rains accep­te­ront d’accomplir une tâche uti­li­taire après la Révo­lu­tion. L’individu est le pro­duit de deux fac­teurs : héré­di­té et milieu, et rien que cela. L’influence de l’exemple et de l’éducation dans un milieu liber­taire déter­mi­ne­ra très vrai­sem­bla­ble­ment la majo­ri­té des actuels para­sites à travailler.

Je pense que les syn­di­cats (uti­li­sa­tion des com­pé­tences) adap­tés aux condi­tions du moment seront capables d’organiser la pro­duc­tion. À mon sens il fau­dra un lien constant, une col­la­bo­ra­tion conti­nue entre les grou­pe­ments repré­sen­tant les diverses indus­tries et pro­fes­sions. Le syn­di­cat local unique avec sec­tions d’industries me paraît dési­rable. Dans ce cas, les syn­di­cats locaux seront reliés par un orga­nisme régio­nal (la région étant l’étendue de pays, pré­sen­tant une cer­taine uni­té géo­gra­phique et éco­no­mique) et les orga­nismes régio­naux seront unis par un orga­nisme national.

Inter­na­tio­na­le­ment, il fau­dra un comi­té tech­nique char­gé de la répar­ti­tion des matières pre­mières et de tous les pro­duits entre les nations sui­vant les besoins de chacune.

L’activité des syn­di­cats sera entiè­re­ment basée sur la sta­tis­tique. Avant de pro­duire et d’orienter des éner­gies vers une pro­fes­sion, il est indis­pen­sable de connaître les besoins.

[/​J. Rous­set./​]

[|* * * *|]

Cama­rades,

À votre enquête « tra­vail volon­taire ou impo­sé », je réponds : « tra­vail impo­sé et, tra­vail volon­taire ». [[À cette for­mule, je pré­fé­re­rais encore celle-ci :

« Tra­vail impo­sé et tra­vail volon­taire dans source de tra­vail intarissable. »

Dans une socié­té bien orga­ni­sée, telle que nous la dési­re­rions, où le tra­vail serait la source des plus grandes satis­fac­tions, il serait sage de pré­voir que les besoins de tra­vail pour­raient dépas­ser les ressources.

Peut-on, en effet, ne pas tenir compte que déjà, sous les régimes actuels, où le tra­vail est une obli­ga­tion, le plus sou­vent désa­gréable, ne tra­vaille pas qui veut ?]].

Cette enquête déborde du cadre où, dans le but, dites-vous, de faci­li­ter les réponses, vous ris­quez de la confi­ner — ensuite, des réponses brèves — sur un sujet aus­si com­plexe, dont la solu­tion, tout en s’efforçant de régler l’organisation de la socié­té humaine, ne peut inter­ve­nir qu’en s’appuyant très sou­vent sur l’humanité elle-même, — me paraît bien rigoureux.

Appré­ciant autre­ment, je pas­se­rai outre à votre invitation.

Les innom­brables géné­ra­tions humaines, qui ont pré­cé­dé la nôtre sur ce globe, ont assez bâti « à la petite semaine » et « en dehors de l’humanité », pour que les esprits « éclai­rés » de nos jours, pro­cèdent avec un peu plus de dis­cer­ne­ment et cessent, tout au moins, d’avoir recours aux replâ­trages, puisque vous admet­tez la pour­ri­ture capi­ta­liste entiè­re­ment balayée.

Mais où sont-ils, ces esprits éclairés ?

La réponse à cette ques­tion me fait presque être de votre avis, lorsque vous sem­blez enca­drer la dis­cus­sion, comme si vous connais­siez l’indigence de pen­sée de vos contemporains.

Un homme, émer­geant du monde des intel­lec­tuels, sem­blait por­ter les espé­rances d’une géné­ra­tion, qui aurait des rai­sons pour rompre avec les for­mules du pas­sé : « Romain Rol­land » ; et voi­là que, lui aus­si, grand humain hier, semble être, à son tour, absor­bé par le citoyen — si on en juge par une cer­taine contro­verse, navrante de bana­li­té et de niaiserie.

« Les ébats » de l’humanité (à des­sein, je ne dis pas « la marche » parce que ce terme implique un but et je ne suis pas de ceux qui croient que l’humanité suive une route de laquelle elle serait ou non éga­rée), les ébats de l’humanité, dis-je, ne sont nul­le­ment impres­sion­nés par les plus grandes convul­sions de la société.

Et pour­quoi l’humain ne pour­rait-il reprendre la place dans l’humanité, au lieu de conti­nuer à se per­son­ni­fier dans le citoyen ? Là, pour­tant, semble être son salut.

Il vous paraî­tra que je m’éloigne du sujet, en disant que c’est aux intel­lec­tuels éru­dits et à cette éru­di­tion, sans cesse repro­duite, qu’il faut faire por­ter la res­pon­sa­bi­li­té de la mau­vaise consti­tu­tion, de la socié­té et de toutes les cala­mi­tés qui en découlent.

L’érudition deve­nue une fin, la plu­part de ceux qui s’y consacrent, ne pre­nant garde à sa noci­vi­té a‑créatrice, se trouvent satis­faits, ce résul­tat à peu près obte­nu ; et les autres, tem­pé­ra­ments peut-être créa­teurs et dont le cer­veau pour­rait conce­voir du nou­veau, font, au contraire, repo­ser toutes leurs concep­tions sur le passé.

Que n’aurait-on pu attendre d’esprits, comme Jau­rès ou Ana­tole France, si leur pen­sée n’était res­tée-là, à leur insu et peut-être contre eux-mêmes, esclave de leur éru­di­tion ? de cette éru­di­tion qui a fait : du pre­mier, inter­na­tio­na­liste de marque, l’organisateur inéga­lé de la défense natio­nale et, de l’autre, révo­lu­tion­naire incon­tes­té de la pen­sée, un enga­gé volon­taire, à 70 ans, dans l’armée du Droit !!

Je ne veux pas m’arrêter aux Bar­busse et autres auteurs bel­li­cistes repen­tis qui, s’ils avaient pen­sé par eux-mêmes et non à tra­vers leur éru­di­tion, auraient pu, au lieu de com­mettre leurs niai­se­ries, être de quelque uti­li­té à l’édification d’une socié­té, en har­mo­nie avec l’humanité.

Mal­gré qu’à court de déve­lop­pe­ment, ce pré­am­bule m’autorisera à prendre part à votre enquête au double et insé­pa­rable point de vue humain et social.

Nous sommes tous d’accord que le « pri­mum vivere », tra­duit et déna­tu­ré, de nos jours par « la lutte pour la vie », oblige l’individu à une trans­for­ma­tion com­plète de lui-même.

Bon à l’origine, cer­tai­ne­ment, l’humain en lutte avec les exi­gences crois­santes de la socié­té doit fata­le­ment deve­nir mau­vais ; pro­gres­si­ve­ment, il dépouille l’humain pour être en état de se défendre dans la socié­té. Bien­tôt il sera le citoyen, orga­ni­sé en état de défense, contre son semblable.

L’étonnante lettre de Char­rier, parue dans le Liber­taire, pré­cieuse sur­tout par la fran­chise de cer­taines affir­ma­tions, est une nou­velle preuve de l’immoralité de ce « pri­mum vivere » que les éru­dits, pré­sents et pas­sés, ont véhi­cu­lé jusqu’à nous, sans l’avoir combattu.

La socié­té pour­rait donc être meilleure, si « la lutte pour la vie » n’existait pas ou même si elle n’existait qu’à l’état de moyen au lieu d’être un but ; en d’autres termes, si l’idéal de l’être humain était autre, avec la gamme, natu­rel­le­ment, des raf­fi­ne­ments plus ou moins mal­sains, mais propres à chaque indi­vi­du, que se nour­rir, se vêtir et se loger.

Est-il donc impos­sible qu’il en soit ain­si de nos temps ?

Et la socié­té serait-elle en désac­cord avec l’humanité, si l’être humain, en arri­vant au monde, sinon contre son gré, tout au moins sans son assen­ti­ment, trou­vait, auto­ma­ti­que­ment assu­ré, un mini­mum d’alimentation, de gîte, de vête­ment, de soins de beau­té phy­sique et de soins médi­caux, pour la conquête duquel, il devient le loup, que nous savons.

Pour assu­rer ce mini­mum : infailli­ble­ment néces­si­té dé tra­vail col­lec­tif. Donc tra­vail impo­sé, mais, à mon avis, nul­le­ment en oppo­si­tion inélu­dable avec la liber­té de l’individu.

En effet, l’anarchiste, le plus jaloux de sa liber­té, ne sau­rait voir celle-ci enta­chée, parce qu’il serait astreint, pour assu­rer ses propres besoins, de coopé­rer à des occu­pa­tions col­lec­tives ne pou­vant prendre, en tout état de cause, qu’une par­tie infime de son temps.

Point n’est besoin de s’être livré au jeu des sta­tis­tiques, pour affir­mer, sans crainte de s’éloigner de la réa­li­té, que ce mini­mum de besoins, pour­rait être assure par un tra­vail col­lec­tif insignifiant.

Le néces­saire étant ain­si obte­nu par du tra­vail impo­sé, le tra­vail volon­taire pour­rait s’exercer libre­ment, dans le champ, on ne peut plus vaste, de la conquête du super­flu [[Je me réserve de reve­nir sur la signi­fi­ca­tion qu’il faut don­ner à ce terme « le super­flu », dont les favo­ri­sés de la for­tune ont fait jusqu’ici un si mau­vais usage.

L’obtention de ce super­flu, débour­bé des satis­fac­tions mal­saines, qui en ont fait l’odieux oppo­sé de misère, pour­rait deve­nir, au contraire, pour l’être humain, l’une des plus attrayantes rai­sons de vivre.]].

L’application d’une telle répar­ti­tion du tra­vail, qui serait la base de l’organisation de la socié­té elle-même, pour­rait être démon­trée assez faci­le­ment, sinon briè­ve­ment, sur le papier.

Dans la réa­li­té, cette appli­ca­tion com­por­te­rait d’autres dif­fi­cul­tés, dont la pre­mière serait l’opposition qu’on ren­con­tre­rait chez les indi­vi­dus et chez les nations. Or, la condi­tion essen­tielle du bon fonc­tion­ne­ment d’un tel sys­tème devrait être l’édification sur plan d’ensemble. Ceci dit et en ter­mi­nant, m’est-il per­mis de ne pas m’illusionner ?

[/​Jean Dal­biez./​]

[|* * * *|]

Travail libre déterminé par la puissance
de cerveaux libres

Dans une socié­té orga­ni­sée pour le bien-être de tous, point n’est besoin d’un tra­vail imposé.

Une dépense d’énergie est indis­pen­sable à tout être sain. Dans notre socié­té actuelle, cette dépense d’énergie est mani­fes­tée chez les bour­geois dans le com­merce ou le plai­sir ; chez les pro­lé­taires, dans le tra­vail. Dans le pre­mier comme dans le deuxième cas, cette éner­gie dépen­sée est néfaste aux indi­vi­dus, n’étant pas pro­por­tion­nelle à leur force d’activité. Les pre­miers sont obli­gés d’y sup­pléer par des jouis­sances dégra­dantes, les seconds s’avilissent par une usure plus forte que la machine ne peut supporter.

Sup­pri­mons la dépense d’énergie inutile des bour­geois : toute luxure, tout éta­blis­se­ment de plai­sir, de jeu, toute jouis­sance impure ; reste pour conser­ver la machine humaine des jouis­seurs, le tra­vail. Ceux qui sont sains phy­si­que­ment, intel­lec­tuel­le­ment choi­si­ront celui-ci. Les autres, subis­sant l’effet d’une héré­di­té de snobs, d’orgueilleux, de vicieux pares­seux choi­si­ront l’oisiveté. Leur impo­ser du tra­vail, non ; ne leur accor­der pour tout passe-temps que les heures des repas. Donc, la trop grande iner­tie dégra­de­ra leur indi­vi­du. Ils seront ou malades phy­siques, ou malades céré­braux ; êtres à mettre à part, tels des êtres néfastes à une socié­té har­mo­nique, êtres appe­lés promp­te­ment à dis­pa­raître puisque déjà, ils n’auront aucune des faci­li­tés qui font la vie.

Sup­pri­mons les causes de l’usure : trop de travail.

Une socié­té har­mo­ni­sée se sépare des fausses notes, d’où abo­li­tion des métiers à pré­ju­gés, abo­li­tion des états nui­sibles : bijou­tiers, fabri­cants d’ornements mor­tuaires, de coffres-forts, domes­ti­ci­té : sol­dats, juges, dépu­tés, poli­ciers, etc., etc., d’où recru­te­ment de nou­velles acti­vi­tés encore, des­ti­nées à allé­ger la peine des tra­vailleurs indispensables.

Il reste moins de tra­vail pour plus d’individus, donc sup­pres­sion de la tache manuelle impo­sée sans sou­ci des facul­tés de l’ouvrier ; d’abord selon les goûts des parents et non des enfants, puis selon la tyran­nie de maîtres jouis­seurs, d’où ouvriers médiocres, sans esprit d’initiative allant à la longue jour­née de labeur, avec la joie, chaque soir de la voir terminée.

Le tra­vail libre et moins pénible, c’est en pers­pec­tive du tra­vail d’élite, per­fec­tion­né, du tra­vail fait avec le corps, goû­té avec l’esprit, c’est une future géné­ra­tion de tra­vailleurs manuels au cer­veau libre et fort.

L’époque de la for­mule liber­taire : « À cha­cun selon ses besoins », sera l’époque de la science et des arts, du vrai, du beau et du bien.

Plus de faim, plus d’entraves pour l’épanouissement des sciences et des arts, les deux amies d’une belle huma­ni­té, la science adou­cis­sant la vie phy­sique, libé­rant les cer­veaux des nom­breux pré­ju­gés ; l’art, source d’amour et de joie, goû­té en de sains repos.

À cha­cun selon ses besoins « fera de la femme l’égale de l’homme ». Plus de pros­ti­tuées dans le mariage, dans les salons, où sur le trot­toir ; plus d’enfants aban­don­nés à l’assistance où chez des nour­rices-mer­ce­naires ; plus de madones qui s’inquiètent de la perte d’un col­lier de perles ; plus de femmes pour cre­ver de jouis­sances, d’autres, pour cre­ver de souf­frances ; cha­cune à sa place, selon ses forces, son esprit, son cœur.

Le tra­vail impo­sé de ce fait aux bour­geoises ? Non. Sup­pres­sion de ce qui fait, à elles aus­si, le passe-temps dégoû­tant ; sup­pres­sion du luxe, des heures de thé et des flirts inté­res­sés ; sup­pres­sion des petits chiens enru­ban­nés ; plus de cette dégra­dante oisi­ve­té frô­lant le tra­vail de beau­té, de bon­té, des­ti­né à la femme d’une socié­té libertaire.

Les oisives seront gagnées par l’exemple ou bien, elles se sup­pri­me­ront volon­tai­re­ment, ou invo­lon­tai­re­ment : par l’ennui.

Les avan­tages d’une socié­té liber­taire seront en rap­port du nombre d’individus édu­qués ; d’où, néces­si­té abso­lue d’une édu­ca­tion inten­sive. Ce doit être le but essen­tiel de tout pro­pa­gan­diste. La Révo­lu­tion détrui­ra les bases pour­ries d’une socié­té mau­vaise, sup­pri­me­ra les maîtres et les esclaves ; l’éducation recons­trui­ra selon sa puis­sance. Il est tant de sortes de maîtres, il est tant de genres d’esclaves !

[/Illisible./]

[|* * * *|]

Cama­rade,

Vous ouvrez à nou­veau une enquête dans la R.A., enquête ayant pour but de savoir si l’on est par­ti­san du tra­vail obli­ga­toire ou volontaire.

La ques­tion peut peut-être se poser dans la revue qui n’est sans doute pas lue que par des cama­rades liber­taires, mais il est cer­tain que, pour qui est anar­chiste ou sim­ple­ment anar­chi­sant la ques­tion ne se pose pas. Si l’on est par­ti­san du tra­vail obli­ga­toire, et fata­le­ment de toutes ses consé­quences l’on ne peut pas être libertaire.

En tout cas, même si la ques­tion se posait entre liber­taires, je suis net­te­ment pour le tra­vail volon­taire avec tous ses incon­vé­nients, parce qu’en réa­li­té la paresse n’existe pas. Il n’y a pas d’individus qui ne se meuvent pas d’une façon ou d’une autre et dans une socié­té liber­taire ceux qui pour­raient avoir ten­dance à ce que l’on appelle la paresse arri­ve­raient sans s’en rendre compte eux-mêmes à s’intéresser à un tra­vail quelconque.

Il ne s’agirait d’ailleurs que d’aiguiller ce besoin de mou­ve­ment dans un sens utilitaire.

En somme, dans la socié­té actuelle, un bra­con­nier n’est-il pas consi­dé­ré comme un pares­seux ? Et cepen­dant son acti­vi­té volon­taire lui per­met de vivre, sou­vent mieux que bien des salariés ?

Ne voit-on pas fré­quem­ment des bour­geois ayant les moyens de ne rien faire, munis d’un véri­table ate­lier où ils s’adonnent à des tra­vaux divers selon leur goût ?

Si je voyais poindre à l’horizon une socié­té liber­taire ce n’est pas cette fameuse ques­tion de paresse qui m’inquiéterait.

[/​Demouy./​]

La Presse Anarchiste