La Presse Anarchiste

Revue des journaux

Parlottes

Une par­lotte chasse l’autre. Les confé­rences se suc­cèdent ; les congrès se suivent Après la piteuse confé­rence de Gênes, les hommes d’affaires des nations dites civi­li­sées vont se ren­con­trer à La Haye, où ils conti­nue­ront à « ne rien faire ». La haute banque inter­na­tio­nale a tenu éga­le­ment une confé­rence pour rien. Toute l’énergie humaine se mani­feste aujourd’hui par des dis­cours. Jusqu’à Renau­del qui, à Ber­lin, parle au nom de la « Ligue des Droits de l’Homme » et qui, si j’en crois l’Éclair, a tenu ces propos :

M. Renau­del, salué par une ova­tion enthou­siaste et pro­lon­gée, a décla­ré qu’il n’était pas venu comme socia­liste mais comme repré­sen­tant de la Ligue des Droits de l’Homme.

« La Répu­blique fran­çaise qui, dit-il, sera main­te­nue à jamais, et la Répu­blique alle­mande devien­dront des sœurs. Elles sau­ront trou­ver le moyen d’arriver aux solu­tions souhaitées. »

Tout cela, ce sont des mots, rien que de pauvres mots. Les peuples alle­mands, fran­çais, russes, etc., ne seront véri­ta­ble­ment des frères que lorsqu’ils auront com­pris la néces­si­té de sup­pri­mer la cause de tous les conflits humains : le capi­ta­lisme pri­vé ou d’État.

Journalisme

Je ne suis pas un « fervent » lec­teur de l’Huma­ni­té et c’est sans doute pour­quoi sa lec­ture me pro­cure de si joyeux ins­tants. Ain­si, le compte ren­du de la par­tie cham­pêtre de Garches orga­ni­sée par le Par­ti Com­mu­niste est par­se­mé des choses les plus drôles du monde.

Je pas­se­rai sur la « pro­ces­sion rouge », suites accla­ma­tions qui saluèrent « tous les mots » du dis­cours de Vaillant Cou­tu­rier et sur le « ser­vice d’ordre » rouge naturellement.

Volon­tiers, on pro­lon­ge­ra ces déjeu­ners-là, qu’on n’a pas bien sou­vent l’occasion de faire, que l’on fait, à vrai dire, une fois l’an, à l’ombre d’un dra­peau rouge, sous bois.

Cette jour­née mar­qua éga­le­ment le ral­lie­ment sous la ban­nière de Mos­cou du Joyeux Merle Blanc ne rate jamais une occa­sion de publi­ci­té et qui, en la per­sonne de son direc­teur, s’est adju­gé un des­sin de R. Lefebvre repré­sen­tant Clemenceau :

Un des­sin de Ray­mond Lefebvre, qui n’est point autre chose que la tête de Cle­men­ceau — tête de mort évi­dem­ment — est adju­gé 320 francs à notre ami Eugène Merle ; et c’est bien un juste retour des choses d’ici bas que Cle­men­ceau se soit si magni­fi­que­ment « ven­du » à la Révolution !

Ven­du à la Révo­lu­tion !… Hum!…

Pour Jeanne Morand

Le Jour­nal du Peuple, il faut l’en féli­ci­ter, a entre­pris une cam­pagne de pro­tes­ta­tion contre le main­tien au droit com­mun de notre cama­rade Jeanne Morand « condam­née à 5 ans de pri­son et 10 ans d’interdiction de séjour, sans preuves, et parce qu’elle avait foi en l’honnêteté et la loyau­té de ses juges ».

Au droit com­mun, cette femme qui n’a rien fait, dont le seul crime (c’en est un pour les cha­cals et les hyènes qui vivent des cadavres) dont le seul crime est de ne s’être point don­née à la guerre, de l’avoir fuie avec son ami Jacques Long et d’avoir dit sa pensée.

Ah ! ne dites jamais votre pen­sée lors de la pro­chaine tue­rie. Faites-vous une place à l’abri, par­mi les bal­lots de coton, les boîtes de conserves, la fer­raille des canons et muni­tions, les draps, les paquets de riz et de hari­cots, les ton­neaux de riz, de la défense natio­nale. Vous gri­gno­te­rez l’ennemi et l’ami ; avec le sang des pauvres bougres qui se feront estour­bir à l’avant, vous assai­son­ne­rez votre nour­ri­ture ; avec l’or des imbé­ciles qui vide­ront leur bas de laine pour le salut, vous achè­te­rez un coffre-fort et l’emplirez. Et vous serez considéré.

Et j’ajouterai : « Si vous êtes par­le­men­taire, même socia­liste, vous ferez l’union sacrée avec les enne­mis du pro­lé­ta­riat, vous vole­rez les cré­dits de guerre, vous enver­rez les autres à la bou­che­rie au nom du droit et de civi­li­sa­tion et vous n’en serez, que mieux qua­li­fié pour conti­nuer, après, à faire pro­fes­sion d’un révo­lu­tion­na­risme de tout repos et d’excellent rapport.

Hommage inattendu

Grand débat à la Chambre des dépu­tés sur la réforme de l’Enseignement.

Fer­di­nand Buis­son, qui sans doute se pré­pare à entrer dans l’autre monde « muni des sacre­ments de l’Église » a pro­fi­té de la cir­cons­tance pour faire l’éloge du fon­da­teur de l’Institut des frères des écoles chrétiennes :

— Je ne veux pas, dit-il, refu­ser mon admi­ra­tion à Jean-Bap­tiste de la Salle, qui, cha­noine riche a renon­cé à sa for­tune, a vou­lu deve­nir un pauvre, afin d’avoir le droit d’enseigner, avec d’autres pauvres, les enfants du peuple.

« Je ne suis pas en droit de leur par­ler de la pau­vre­té, disait ‑il des mal­heu­reux asso­ciés à son œuvre méri­toire, si je ne suis pas pauvre moi-même, et de l’abandon à la Pro­vi­dence si j’ai, moi, des res­sources contre la misère. »

Je me demande ce qu’auront pen­sé de ces cita­tions les « cha­noines riches » qui se donnent le droit eux, de par­ler de la misère humaine, en parlent même en vers, et quels vers ! et dont cer­tains poussent l’arrogance jusqu’à s’intituler socia­listes, com­mu­nistes, voire même anarchistes.

Mais c’est peut-être cela le chictypisme ?

Un exemple « édifiant »

C’est celui qui nous est don­né par Pierre Dumas qui était, hier encore, un mani­tou de la C.G.T. de la rue Lafayette et qui milite aujourd’hui dans les rangs de l’Action Fran­çaise :

Je pense et j’espère pour le pays que l’exemple édi­fiant de M. Pierre Dumas sera sui­vi par beau­coup de socia­listes révo­lu­tion­naires, et d’anarchistes. Dans ce milieu, comme ailleurs, ce sont les hommes de libre dis­cus­sion, les « débat­teurs », qui consti­tuent l’élite, et se tiennent à l’avant du navire, avec leurs piques et leurs har­pons. Nous ne dési­rons rien autant que la dis­cus­sion, que l’abordage, que la contro­verse loyale. Révo­lu­tion, démo­cra­tie, répu­blique, ce sont les vieilles et sales loques que nous mon­trons san­glantes, et que nous déchi­rons et épar­pillons avec bon­heur, chaque fois que l’occasion s’en présente.

Léon Dau­det ajoute :

« Car la besogne la plus pres­sante est de faire au plus tôt le Roi de France. »

Ma foi, je n’en vois pas bien l’urgence et je me demande ce qui peut faire sup­po­ser à Dau­det que des anar­chistes pour­raient s’enthousiasmer pour une besogne aus­si peu intéressante.

Une Exécution

L’Exécutif de l’Internationale com­mu­niste par un ukase publié dans 1’« Huma­ni­té » a exé­cu­té Hen­ri Fabre. Cer­tains des consi­dé­rants de ce juge­ment sont remar­quables et appa­raissent pour ceux qui connaissent la men­ta­li­té de nos as com­mu­nistes pro­di­gieu­se­ment ironiques :

Les par­tis com­mu­nistes, l’Internationale Com­mu­niste ne sont pas des clubs d’amateurs de la poli­tique, des cercles de dis­cus­sions éclec­tiques dont les membres cherchent à mettre en valeur leur per­son­na­li­té et à s’ouvrir une carrière.

Il n’y a pas place dans un Par­ti Com­mu­niste pour des dilet­tantes, des arri­vistes, des affai­ristes, non plus que pour des agents incons­cients ou conscients de l’idéologie bourgeoise.

Ça, par exemple, ça vaut dix :

Aucun lieu com­mun sur la « liber­té de pen­ser » ou la « liber­té d’écrire » en usage cou­rant chez les char­la­tans de la poli­tique, ne sau­rait obs­cur­cir cette véri­té que la liber­té de pen­ser ou d’écrire contre le com­mu­nisme ne peut exis­ter qu’en dehors du Par­ti Communiste.

Défense de cri­ti­quer. Obéir et se taire !…

Pour défi­ler, guide à droite, en avant : Halte !…

Et dire qu’il y en a qui attendent pour quit­ter une caserne sem­blable qu’on les f… à la porte !…

Une Succession

Les jour­naux bour­geois qui ont déjà fait mou­rir Lénine tant de fois et l’ont res­sus­ci­té chaque fois avec la même faci­li­té, envi­sagent actuel­le­ment sa suc­ces­sion. Il est ques­tion d’un Trium­vi­rat dans lequel entre­rait Kame­neff ; cela ne fait pas plai­sir à 1’« Eve­ning Standart ».

« Kame­neff, dit-il, qui est la figure domi­nante de Mos­cou à l’heure actuelle n’a pas d’égards pour l’Angleterre, déteste Lloyd Georges, ses aspi­ra­tions et ses espoirs et hait la France. »

Voi­là qui n’arrangerait pas les affaires à la confé­rence de La Haye.

Une revue anglaise, la « Sta­tur­day Review », envi­sage aus­si la lutte pour le pou­voir en Rus­sie et croit que Trots­ky « capable de se débar­ras­ser par le meurtre de ses adver­saires » est appe­lé à suc­cé­der à Lénine.

D’autres jour­naux affirment que Lénine est déjà remplacé.

L’« Action Fran­çaise » interroge :

« La dis­pa­ri­tion de Lénine est-elle définitive ?

Le Bol­che­visme peut-il se pas­ser de Lénine ? »

Ce n’est pas moi qui répon­drai à ces ques­tions. Le peuple russe, lui, me semble mieux qua­li­fié pour don­ner son opi­nion sur ces choses. Mais il est natu­rel­le­ment le seul que l’on omette de consul­ter. Pour lui, que ce soit le Tsar ou le com­mis­saire dit du peuple qui com­mande, c’est tou­jours obéir et se taire.

Concours

La mode est aux concours. Il y en a de toutes sortes et sur les sujets les plus divers L’« Inter­na­tio­nale » fait celui du plus mau­vais patron de France. Cela laisse entendre qu’il y en a de moins mau­vais et même des bons, de très bons, les chic­ty­pistes, ceux qui cotisent, les riches hon­nêtes, c’est-à-dire ceux « qui tiennent leur richesse du jeu éco­no­mique des tra­vaux ou des ser­vices don­nés et non des ruses de la poli­tique ».

Mais en voi­ci un autre :

L’Alliance natio­nale pour l’accroissement de la popu­la­tion fran­çaise, dont les bureaux sont 10, rue Vivienne, à Paris, vient de créer sous le nom de le Prix Miche­lin de la nata­li­té un prix de 50.000 francs qui sera décer­né à l’auteur de la meilleure bro­chure de pro­pa­gande contre le défi­cit de nos naissances.

Les concur­rents vont donc pro­po­ser des remèdes.

Cer­tains d’entre eux, dit le Petit Pari­sien, pour­raient être trou­vés dans une aide finan­cière aux familles nom­breuses ; mais le fléau ne sera vrai­ment enrayé que lorsque chaque ménage aura vrai­ment com­pris le devoir moral, social et patrio­tique de la pater­ni­té, qui com­porte des joies et des récom­penses inégalables.

Oui, des récom­penses inéga­lables, dont la plus belle sera de voir vos enfants mas­sa­crés à fleur de l’âge dans une nou­velle bou­che­rie pour le plus grand pro­fit des Lou­cheur, Renault et autres Krupp !…

L’Éternel « bourrage »

Des gens cer­tai­ne­ment mal inten­tion­nés affirment que la France est le pays le plus mili­ta­riste du monde. Faut-il être de mau­vaise foi ?…

Écou­tez donc ces pro­pos tenus à Londres par le maré­chal Pétain et rap­por­tés par « Le Gaulois » :

Lorsque, en 1914, l’Allemagne déchi­ra les traits comme des chif­fons de papier pour nous décla­rer la guerre, la France, se rai­dis­sant dans un sur­saut de digni­té outra­gée, lui cria alors : « Vous vou­lez la guerre ! Eh bien nous la ferons jusqu’au bout… afin que nos enfants en soient à jamais pré­ser­vés… oui, nous ferons la guerre à la guerre !… »

Est-ce cela le cri d’un peuple mili­ta­riste ? demande maréchal.

Vous voyez bien !…

[/​Pierre Mual­dès./​]

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