La grève de Liverpool. – Décidément, les grèves anglaises entrent dans une phase nouvelle. Autrefois, les grévistes, jetés dans la misère par la cupidité de leur patron, traitaient néanmoins ce patron en bon voisin ; ils se contentaient de protestations pacifiques. Aujourd’hui, ça change. Les grèves prennent un caractère de plus en plus aigu. Souvenons-nous seulement que celle d’Écosse de l’an passé et de maintes autres, petites, mais bien tumultueuses. Si l’Angleterre s’en mêle aussi, décidément ça va se gâter pour les messieurs !
La semaine passée, trois ou quatre mille chargeurs de charbons, à Liverpool, furent renvoyés par leurs patrons, pour ne pas avoir voulu accepter une diminution de salaire. Aussitôt les ouvriers des docks et les matelots, au nombre de dix mille, se mirent en grève. Cependant, il restait encore assez de manœuvres qui, ne voulant pas faire acte de solidarité avec leurs camarades, continuaient à travailler. Alors, les grévistes, armés de bâtons se mirent à parcourir les rues, entrèrent de force dans les docks et en chassèrent tous ceux qui travaillaient encore. Ensuite tout en soutenant des combats réguliers avec la police, à coups de bâtons et à volées de pierres, ils montèrent sur les vaisseaux que l’on continuait à charger, les déchargèrent et finirent par détruire bon nombre de marchandises. La police barricada les rues menant aux docks, mais les barricades furent enlevées, et des mitraillades actives à volées de pierres, — l’arme de l’ouvrier affamé, — durèrent toute la journée. Les jours suivants, le nombre des grévistes montait déjà à soixante mille hommes. Comme toujours les troupes furent appelées, et les grévistes furent forcés de céder… en gardant leurs rancunes pour un moment plus propice.
Il faut espérer que ce moment ne tardera pas à venir. Le mécontentement est si général dans la classe ouvrière, que l’agitation socialiste, qui autrefois ne trouvait aucun écho en Angleterre, gagne aujourd’hui du terrain à vue d’œil.