Tandis que tous les pays civilisés commencent à comprendre que ce n’est pas par la rigueur des codes qu’on parvient à réduire le nombre d’attentats à la vie des membres d’une société ; que c’est la misère avec toutes ses conséquences, qui a toujours été et sera la cause première de tous ces attentats ; tandis que les pays qui ont encore conservé la peine de mort, s’aperçoivent de ses funestes conséquences et cherchent à l’abolir, — en Suisse, nous voyons tout le contraire.
Une poignée de réactionnaires, tremblant dans leur peau à la première nouvelle des meurtres et des incendies qui ont eu lieu dernièrement, comme suite inévitable de l’affreuse crise industrielle que nous traversons depuis quatre ou cinq ans ; une poignée d’hommes, aussi craintifs qu’ignorants, demandent le rétablissement de la peine de mort en Suisse.
Ils font circuler en sourdine des pétitions dans ce sens ; et, soutenus par tout ce qu’il y a de plus réactionnaire, recueillent en silence mille signatures par ci, deux mille par là.
Or, voici quelques lignes qui caractérisent parfaitement ces messieurs :
C’est la Neue Zuger Zeitung, organe des gouvernants du canton, qui a ouvert la campagne.
Voici comment elle s’y prend : Après s’être moquée du dégoût, trop sentimental, d’après elle, que soulèvent les exécutions capitales, la gazette de Zug s’exprime en ces termes :
« Pour l’exécution, vous n’avez nullement besoin du bourreau ; il coûterait trop cher. Des cordes à bon marché se trouvent chaque jour chez les cordiers… Ou bien, donnez ces hommes pour être disséqués vifs, sur les tables de marbre d’un cabinet d’anatomie, en vue d’études scientifiques ; ou, mieux encore, jetez-les aux animaux dans un jardin zoologique. » La prison est pour eux une punition trop faible, « à moins qu’elle ne soit assaisonnée de flagellations régulières, avec le fouet ou des bâtons ».
Voilà qui s’appelle de vrais gouvernants ! Ils veulent faire à eux seuls toutes les fonctions du gouvernement, même celles du bourreau ! Très bien ! Mais ne blaguons plus l’Inquisition et la torture.