La Presse Anarchiste

La notion de la Réciprocité

[/​Le mal qui nous dévore provient

de ce que la loi de la réci­pro­ci­té est

mécon­nue, violée. 

(Prou­dhon : Contra­dic­tions éco­no­miques.)/​]

Bon nombre d’in­di­vi­dua­listes anar­chistes font sou­vent allu­sion à la notion de la « réciprocité ».

Cer­tains affectent d’en sou­rire. Cela n’empêche pas que, hors la réci­pro­ci­té, il n’existe plus qu’i­ni­qui­té et exploitation.

Ridi­cu­li­ser un prin­cipe, un concept ne signi­fie rien, d’ailleurs. Ou plu­tôt, cela veut dire que se sen­tant inca­pable d’en faire un exa­men appro­fon­di, on trouve plus plai­sant d’é­lu­der l’é­tude de ce qui vous est pro­po­sé par une bou­tade ou un bon mot.

Que contient, au fond, la notion de réci­pro­ci­té ?… Ceci, c’est qu’au­cun indi­vi­du ou milieu ne se sent quitte à l’é­gard d’au­trui — indi­vi­du ou milieu — s’il n’a, en échange d’une consom­ma­tion don­née, four­nie, appor­tée ou pro­cu­rée un pro­duit équi­valent. Ou, si l’on veut, la réci­pro­ci­té est ce sen­ti­ment qui veut que dans les rap­ports entre indi­vi­dus et milieux, ce qu’on reçoit soit équi­valent à ce que l’on donne.

Lors­qu’on éprouve le sen­ti­ment que ce qui a été reçu n’é­qui­vaut pas à ce qui a été don­né, lorsque la consom­ma­tion mise à la dis­po­si­tion du pro­duc­teur n’é­qui­vaut pas à l’ef­fort fait par celui-ci, il y a exploi­ta­tion cer­taine. L’ex­ploi­ta­tion consiste en effet, en ce que le ser­vice ren­du, le pro­duit four­ni n’est pas échan­gé contre quelque chose d’équivalent.

Nous main­te­nons qu’un indi­vi­dua­liste « pour de vrai » ne sau­rait accep­ter de rece­voir plus ou moins qu’il offre ou donne, toutes réserves étant faites sur la capa­ci­té de pro­duc­tion ou de consom­ma­tion individuelle.

Pour les indi­vi­dua­listes méca­nistes que nous sommes, équi­va­lence ne peut vou­loir dire ana­lo­gie de nature. Un pro­duit manuel peut s’é­qui­va­loir par un pro­duit intel­lec­tuel. Un effort manuel ou intel­lec­tuel peut s’é­qui­va­loir par des jeux ou de l’a­mi­tié affec­tueuse. C’est aux pro­duc­teurs-consom­ma­teurs, indi­vi­dus ou asso­cia­tions, de déter­mi­ner les objets d’é­change néces­saires pour qu’il n’y ait ni exploi­ta­tion, ni duperie.

Tout ce que peut four­nir ou pro­cu­rer le fonc­tion­ne­ment de l’or­ga­nisme humain — que ce soit au point de vue éco­no­mique, intel­lec­tuel, éthique, sexuel, récréa­tif ou autre — peut être objet de réci­pro­ci­té. Entre méca­nistes, cela ne se dis­cute même pas.

Au point de vue anar­chiste, la réci­pro­ci­té ne se conçoit que volon­taire. Elle est l’ob­jet d’ac­cords qui ignorent l’in­ter­ven­tion éta­tiste ou gou­ver­ne­men­tale. Elle ne vaut que pour ceux qui veulent la pra­ti­quer, mais per­sonne n’a à se récla­mer de l’exer­cice de la réci­pro­ci­té qui ne la pra­tique pas à l’é­gard de l’in­di­vi­du ou du milieu auquel il s’adresse.

Donc, pas de réci­pro­ci­té impo­sée, obli­ga­toire, archiste. De la réci­pro­ci­té dis­cu­tée, accep­tée, défi­nie, délimitée.

Dans ses rela­tions avec celui — indi­vi­du ou milieu — qui refuse de baser ses rap­ports avec lui sous le signe de la réci­pro­ci­té, l’in­di­vi­dua­liste anar­chiste ne sau­rait se sou­cier s’il consomme plus qu’il ne pro­duit ou reçoit plus qu’il ne donne. Et c’est justice.

[/​E. Armand/​]

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