La Presse Anarchiste

Au hasard du chemin

J’i­gnore le moment exact où on com­mence à deve­nir anar­chiste. Il me semble tou­te­fois qu’a­vec ce moment doit coïn­ci­der celui où nous pre­nons la déci­sion de lut­ter contre nos pré­ju­gés et nos défauts.

Par­mi ces der­niers il en est deux qui sont très com­muns : abus d’al­cool et de tabac.

La consom­ma­tion de ces deux toxiques est aujourd’­hui tel­le­ment géné­ra­li­sée, qu’il est bien peu d’en­fants qui n’en prennent pas l’ha­bi­tude. Non pas qu’ils y éprouvent du plai­sir dès le début : mais parce qu’ils voient autour d’eux boire et fumer. Leur père ne s’en cache pas davan­tage que les autres et le plus grand désir du petit n’est-il pas de faire « comme son papa » ?

Or le papa de cha­cun de nous n’est ni meilleur ni pire que bien d’autres et son rôle d’é­du­ca­teur, en la cir­cons­tance, se borne à nous défendre de boire ou de fumer. Loin de lui l’i­dée de nous four­nir des expli­ca­tions ! Il a sa digni­té, sait comme elle doit se com­prendre et qu’il est beau­coup plus facile de nous ali­gner une paire de souf­flets que de se cor­ri­ger soi-même, mon­trer l’exemple et dire, l’ayant étu­diée, le pour et le contre d’une question.

Le résul­tat facile à pré­voir : le charme du « défen­du » aidant et l’air déli­cieu­se­ment ravi, béat, que nous voyons sur le visage de nos fumeurs alcoo­liques, fait aus­si­tôt naître en nous le désir de goû­ter à ces joies ineffables.

La crainte des gifles étant le com­men­ce­ment de la four­be­rie on se cache et on fume, on se cache et on boit.

Petit à petit l’or­ga­nisme s’ha­bi­tue à ces exci­tants, les centres ner­veux s’a­tro­phient et l’i­nep­tie de notre conduite rare­ment décou­verte par nous-mêmes, rare­ment révé­lée par un « ami », nous trouve désar­més pour lut­ter contre ce que la vie en socié­té a mis de mau­vais en nous.

Trou­ve­rons-nous faci­le­ment des gens déci­dés à nous aider dans la tache entre­prise ? Mon expé­rience me per­met d’af­fir­mer que non. Je pour­rais dire ma jeune expé­rience puis­qu’il n’y a que quelques années que j’ai com­pris que j’é­tais mon plus ter­rible ennemi.

Une très grosse majo­ri­té ne m’ai­de­ra pas à réagir. Elle n’en voit pas la nécessité.

Par­mi ceux qui res­tent quelques-uns me cri­ti­que­ront sans man­sué­tude, sans tenir compte de l’ef­fort accom­pli et n’ar­ri­ve­ront qu’à por­ter atteinte aux sen­ti­ments de cama­ra­de­rie que je vou­drais plus larges et davan­tage dic­tés par le désir d’être utile et de rela­tions agréables. (Je rai­son­ne­rais dif­fé­rem­ment si la conduite impec­cable de tous pou­vait faire espé­rer la réso­lu­tion immé­diate des inso­lubles ques­tions sociales.)

Pour le tabac per­sonne n’ose aller jus­qu’à dire qu’il fait du bien mais bon nombre le déclarent peu nui­sible. Ils oublient seule­ment que la nico­tine est soluble dans l’al­cool et que lorsque nos cel­lules en sont impré­gnées l’in­toxi­ca­tion est aus­si com­plète que possible. 

Quant à l’al­cool je lisais, il n’y a que quelques jours, dans une revue scien­ti­fique, qu’on ne sau­rait jamais trop conseiller son emploi. On citait un exemple : la consom­ma­tion en vin des ouvriers agri­coles au moment des bat­tages. Ils n’en souffrent pas paraît-il. J’au­rais aimé qu’on me démon­trât qu’au­cune réper­cus­sion fâcheuse ne se fai­sait sen­tir ulté­rieu­re­ment et qu’on tint compte de l’ef­fort phy­sique extra­or­di­naire accom­pli à ce moment-là.

Cet avis n’é­tant donc pas moti­vé je pré­fé­re­rai me ran­ger à celui qui suit, tiré de la même revue.

« Mal­gré les nom­breux tra­vaux qu’a sus­ci­tés l’ac­tion de l’al­cool sur l’or­ga­nisme, l’ac­cord est loin d’être par­fait entre les conclu­sions des divers auteurs, et bien des points sont encore insuf­fi­sam­ment éclai­rés. Par­mi ceux-ci on peut citer l’in­fluence de l’al­cool sur le fonc­tion­ne­ment rénal, ques­tion que N. Janusz­kié­wicz vient jus­te­ment d’é­tu­dier en se pla­çant uni­que­ment au point de vue phy­sio­lo­gique et en lais­sant entiè­re­ment de côté ce qui concerne l’al­coo­lisme chro­nique. (Presse médi­cale février 1912)

Des expé­riences faites par cet auteur il résulte que, ni à faibles ni à fortes doses, l’al­cool n’a d’in­fluence exci­tante sur le rein. D’a­près lui, au contraire, il pro­vo­que­rait un spasme vas­cu­laire et para­ly­se­rait la fonc­tion sécré­toire de l’é­pi­thé­lium rénal.

L’aug­men­ta­tion de la diu­rèse consé­cu­tive à l’in­tro­duc­tion, dans l’es­to­mac, d’al­cool en même temps que de grandes quan­ti­tés d’eau, ne dépend pas de la sti­mu­la­tion de la fonc­tion rénale, mais sim­ple­ment d’une résorb­tion plus rapide de l’eau, déter­mi­nant le pas­sage mas­sif de celle-ci dans la circulation.

M. Janusz­kié­wicz a éga­le­ment consta­té qu’une seule injec­tion d’al­cool, même à haute dose, ne pro­duit aucune alté­ra­tion rénale, tout au moins de celles qui sont appré­ciables par l’exa­men chi­mique et micro­sco­pique des urines. Comme conclu­sion à ses recherches, cet auteur estime que, si l’u­sage de l’al­cool dans l’a­li­men­ta­tion doit être décon­seillé, son emploi comme médi­ca­ment est par­fai­te­ment jus­ti­fié. À doses faibles ou moyennes, il sti­mule le coeur et élève la pres­sion il est absor­bé très rapi­de­ment ; il est donc indi­qué dans les états de col­lap­sus et dans cer­taines mala­dies infec­tieuses. — Alb. B. »

Je ne vois pas en effet d’autre conclu­sion â tirer : décon­seillons l’emploi de l’al­cool dans l’a­li­men­ta­tion ; employons-le contre les mala­dies où son emploi est indiqué.

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