[[Extraits de la brochure d’un précurseur anarchiste inconnu : Philosophie de l’insoumission ou Pardon à Caïn, par Félix P. (New York, 1854, IV, 74 pp. in-12°).]]
[/… Qu’on me donne les épithètes qu’on voudra ;
à l’avance je les accepte toutes. Je n’ai qu’une pensée,
je n’envisage qu’une seule gloire : c’est de poignarder à toute heure et en tout lieu,
autant que je pourrai l’atteindre, le principe de la domination. Satan, dans sa révolte,
est mon père, et de Caïn je me fais le frère dans son courage !/]
… On ne fait pas un pas dans la société, sans entendre qu’il est nécessaire que l’homme croie à un Dieu, c’est-à-dire à un être souverain, maître de toutes choses et sous les volontés absolues duquel, tout marche tant bien que mal.
Eh bien, j’affirme carrément que cette doctrine est la source de toutes nos misères et que ceux, beaucoup trop nombreux, hélas ! qui la soutiennent, tant par ruse que par ignorance ou fanatisme, creusent sans cesse sous nos pieds, l’abîme qui doit nous engloutir.
… Les uns maltraitent les autres, — c’est là une chose hors de doute, — et pour se garantir de la rébellion, on a inventé la croyance en Dieu.
J’irai plus loin, je dis que pour croire à un et être suprême, les maltraités n’ont pas besoin d’enseignement ; de ce côté-là, le mouvement de l’âme est fatal.
Oui, c’est lorsqu’on est pour ainsi dire abandonné de tout le monde, que l’esprit cherche l’appui d’un être inconnu ; mais tant qu’il nous reste un frère, un ami, c’est de lui que nous attendons les consolations qu’il faut à nos souffrances…
… Dent pour dent ! La loi du talion. Tel est le combat qu’il nous reste à livrer à la divinité… D’ailleurs, pourquoi tremblerions-nous de cette audace ? L’humanité, sous le poids de ses douleurs, n’est-elle pas aux abois, aux dernières extrémités ? donc, elle n’a plus rien à perdre…Courage à l’attaque ! courage ! Notre servilité nous offre un glorieux prétexte qui justifierait à lui seul, notre rébellion. Et puisque l’on honore un peuple quand il sait renverser un tyran, quelle ne serait pas la grandeur de notre triomphe, si nous parvenions à détruire le principe de la tyrannie !
Il est un fait, c’est que la tyrannie est un mal plus violent que tous les maux qui pourraient résulter de notre indépendance. C’est pour cela que chacun de nous devrait chercher à s’appartenir, pour que les tribulations humaines (si l’on devait toutefois en avoir) ne fussent point le fait d’une honteuse méprise, et que le méchant fut partout indigne de nos égards, car Dieu est un flambeau imaginaire, si fatal à l’humanité, qu’il la guide dans la voie contraire à son bonheur et rend la société coupable avant le criminel qu’elle punit !
Avec lui, c’est à l’homme que revient le soin odieux de torturer son semblable et à la victime la honte de supporter patiemment l’oppression !
Ainsi marche la société empêtrée dans les chaines qu’elle s’impose ! honteuse du sang qui la couvre ! sans respect pour ses propres larmes, et replète d’un crime qui l’étouffera, si une plèrose ne la sauve de son dernier accès… »,
… Mais le seul Dieu qui me parait tolérable d’avouer, si tant est que ce nom ne doive disparaître de tout langage, n’a aucune volonté absolue sur nous : il est le fluide intellectuel ayant l’univers pour réservoir et qui s’affine dans les ressorts de notre imagination, plus mystérieusement encore que les sucs nutritifs de la terre se distribuent aux racines des plantes qui les absorbent, ce fluide donne des facultés qui ne sont réglées par aucune autre loi que celles que nous leur imposons…
… On ose encore lui (à Dieu) donner le nom de Père tout puissant ! chose qui nous impose indubitablement le titre de Frères… Vraiment, cela ne ferait-il pas frémir d’horreur si l’on connaissait un père qui, bien que moins puissant, laisserait, sous ses yeux, s’entre-déchirer ses propres enfants ! Ce sont donc des barbares qui ont créé ce vampire à leur image !…
Comment pourrait-on croire à la liberté si l’esprit se dénature si facilement en faveur d’une dépendance ? Tant que l’esprit supportera une subordination quelconque, le corps doit supporter le servage, c’est une conséquence funeste, mais inévitable, de toute croyance en Dieu.
Qu’on apprenne donc d’abord à l’enfant, ses devoirs vis-à-vis de ses semblables, au lieu d’habituer son imagination aux mystères, et plus tard, s’il le veut, il s’entretiendra des visions éternelles. Alors, il y aura beaucoup moins de fous et plus d’honnêtes gens, dans la société…
… Les pleurs, les plaintes et les armes de ceux qui souffrent, n’ont pourtant rien pu changer encore, à leur affligeante condition…
À quoi bon se révolter aujourd’hui, si demain vous rétablissez ou laissez rétablir le colosse qui vous écrase, si demain, sous d’autres formes, vous reconstituez les dents qui vous mordent, la mâchoire qui vous broie, le gosier qui vous avale, l’estomac qui vous digère, si demain, en un mot, l’autorité que vous avez renversée, renaît plus fraîche, plus forte, et par conséquent, plus violente et plus redoutable, à quoi bon ? répondez-moi donc.
Depuis nombre d’années, la démocratie s’étonne de voir ses soldats si épars et discords ; mais rien de moins étonnant, selon moi. La division des intérêts divise les intéressés… Consolons-nous pourtant, car malgré tout la nature se fait jour et la démocratie s’épurant se dispose à suivre ses lois. Alors il n’est plus qu’un cri : celui d’indépendance…
… La propriété telle qu’elle existe aujourd’hui, est le fruit d’une loi soutenue par des adroits qui veulent vivre aux dépens de ceux qu’ils dominent. Comme toutes les lois des hommes, elle est injuste et meurtrière, ne faisant, en réalité, le bonheur d’aucun, pas même de celui qu’elle protège… Comprise comme elle l’est actuellement, la propriété est la source de tous les maux !…
… Ce n’est cependant pas d’elle seule que provient la méchanceté, la cruauté, la vengeance, la fainéantise de l’homme dont on accuse tant de nos semblables !
Le malheur rend méchant, le manque de tout rend voleur ou décourage et c’est un faux principe qui dénature l’homme, au point de ne pas aimer ses frères, de leur être plutôt nuisible que se dévouer pour eux.
Pour soutenir ce principe et en perpétuer le crime, on feint de garantir le repos public en augmentant les gendarmes, en bâtissant de nouvelles prisons, en doublant, en triplant le salaire de ceux qui forgent les chaînes ou qui les rivent aux pieds des pauvres exploités. Ah ! si au lieu d’abrutir, le malheur donnait de l’intelligence, on verrait bien autre chose, et cela malgré la multiplication des gendarmes !…
… S’il est, dans ce monde, quelque chose de puissant, c’est bien le règne de la tyrannie, ce colosse aux griffes innombrables, déchirant sans cesse, tous les peuples dont la poitrine palpitante appelle la liberté.
Certes, l’on ne saurait trouver rien de plus déplorable que les maux qui débordent sur la terre par le fait de ce meurtrier principe. Les rois qui ne devraient être pour nous que de libres conventions, que nous pourrions changer à mesure que l’avenir nous apporte de nouvelles idées, parce que souvent le lendemain, nous ne saurions nous contenter de ce qui faisait notre bonheur de la veille, sont pour la plupart de nous, de lourdes chaînes qui nous tiennent rivés au malheur, pendant que les traîtres qui nous y attachent, parcourent à leur aise les champs de notre prospérité !…
Le travail qui ne devrait être pour l’homme qu’un sujet de distraction est devenu abrutissant sous cet empire insupportable et sanguinaire, parce que beaucoup sont tenus de s’y livrer au delà de leurs forces pour nourrir leurs propres bourreaux !…
… Quoi !… pas un seul endroit de la terre qui ne soit souillé du crime de la servitude et de l’oppression. Pas une ville qui n’ait retenti, autant de fois qu’il y a des grains de sable dans ses murailles, des cris de l’infortune et du désespoir ! Et l’homme intérieur, dont un faux principe n’aurait point encore changé la nature, pourrait-il réfléchir sur de semblables malheurs sans qu’une secrète puissance ne se réveille en lui, pour ne se rendormir que lorsqu’il aurait trouvé le salutaire breuvage dont le pauvre est altéré ?… Le pauvre a soif, et la seule boisson qu’il demande… c’est la liberté ! Mais une liberté absolue, une liberté sans intermédiaire, une liberté sans autres lois que celles qui germèrent en lui. Enfin cette liberté qui naît de l’indépendance et qui ne pourrait être hostile qu’à celui qui épie l’ouvrier pour vivre de sa sueur et de son sang ! !
Or, pour jouir de cette liberté, il faut empêcher la tyrannie, et comme on l’a déjà dit : Il n’est certainement pas que le roi, de tyran, dans un royaume.
Un roi n’est que le sommet d’une pyramide gouvernementale, dont la base est calculée pour le maintenir.
Tant que cette base ne se disjoint pas, il serait inutile de se sacrifier à abattre son met pour acquérir la liberté…
… Trancher la tête d’un roi et laisser subsister le principe qui exige cet homme, qui exige que tant d’autres roitelets s’engraissent aux dépens du prolétaire, ce n’est absolument qu’un coup de sabre dans une eau rapide pour en empêcher le courant !… Riez au nez des niais ou des intrigants qui, pour de semblables bêtises, vous crieraient : Aux armes !… J’ai dit, ou j’ai voulu dire, que pour obtenir une véritable liberté il fallait attendre que la pyramide gouvernementale se disjoignît, d’elle-même encore !… Je le maintiens…
Loin d’encourager cette ivresse liberticide, autant que sanguinaire, je m’évertuerai toujours en faveur du silence, pour ne pas avoir à déplorer les atrocités d’une révolution de barbares et à arroser de nos pleurs, les lieux teints du sang de ceux qui auraient pu devenir nos amis
Supposons qu’un Gouvernement soit disloqué, c’est alors qu’il faut montrer du courage et de la résolution pour empêcher sa reconstitution, sous quelle autre forme ou couleur que ce soit. Car, pour exister, il faut qu’un pouvoir soit homicide, le meurtre étant, de chaque jour, le fruit de son instinct de conservation.
Pour 1’indépendance, pour sa fille la liberté, sacrifions-nous ! Au armes, aux armes !! Mais pour les hommes, des factieux, silence… Car, loin de dégager le monde des griffes qui l’étreignent, nous ne ferions que l’asservir davantage…
Vraiment, on ne saurait faire que rire d’un républicain qui veut à tout prix, changer d’un gouvernement pour en rétablir un autre ! Que veut-il donc, cet insensé ? Ce serait mieux dit : perturbateur. Du trouble, du désordre, cinquante sauvages pour un barbare. Cent députés pour un prince. Enfin mille chancres pour un ulcère. Est-ce bien la peine de tant de bruit pour tant d’horreurs !!
Non, non, je ne serai Jamais républicain au point de troquer le laid contre l’effroyable. Et je ne me donnerai pas même l’inquiétude de voir dans la rue si les barricades sont désertes ou animées, tant qu’on ne se disposera à discuter au moins sur ces quatre points.
1° La terre étant considérée à juste titre, comme partie principale de notre premier héritage, est inaliénable sous quelque forme et trafic que ce soit ;
2° Toute terre non cultivée rentre au domaine public pour y être distribuée en instrument de travail immeuble ;
3° Les produits du travail, seuls sont considérés comme propriétés traficables et individuelles ;
4° Toute domesticité est regardée comme dégradante et qui servira un maître ne sera plus citoyen…
… Je réfléchis en passant, qu’on est capable de croire que je vais diminuer le nombre des révolutionnaires !!… si je devais diminuer quelque chose, ce ne serait, en tout cas, que le nombre de ceux qui se disent républicains et qui, le plus souvent, ne sont qu’un tas de pandours qui égorgeraient les rouges et les blancs, comme ils disent, parce qu’ils sont d’une autre couleur.
Tant mieux, alors on se connaîtra, et si la guerre entre nous est une guerre à mort, on aura du moins l’avantage de savoir pourquoi. Tandis qu’aujourd’hui, à peine ose-t-on s’approcher en plein jour de certains individus qui vous crient d une voix insolente : Vive la république !… Eh bien, qui dit vive un gouvernement quelconque, dit vive une coterie existant aux dépense de ceux qu’elle gouverne. Qui dit : Vive l’absolutisme ! dit vive le mensonge. Qui dit : Vive une république gouvernementale ! dit vive l’hypocrisie ! Mais qui dit : À bas tous les gouvernements !! dit à bas le meurtre ! Vive l’indépendance ! vive la vérité !…
Que Messieurs les libéraux, les radicaux, les républicains bourgeois, choisissent. Et s’ils veulent continuer à exploiter le misérable ouvrier, qu’ils disent : Vive l’absolutisme !…
La terre est la mère de tout le monde. Chacun a droit à elle, comme il a droit aux rayons du soleil qui nous réchauffent, et ne doit pas plus en disposer, qu’il ne le fait de l’air dont il aspire une partie pour vivifier son sang.
Or, si la terre est aujourd’hui soumise aux lois du trafic comme une marchandise ordinaire, un produit quelconque, c’est un crime de lèse-humanité qui atteint la plupart de nous, qui est devenu la source de tous nos maux et qui met l’homme au dessous de la bête sauvage, qui, bien que d’un esprit farouche, ne s’approprie cependant que ce qui est conforme au besoin de sa nature
Il y a donc deux camps bien distincts entre nous : celui des gouvernants et celui des gouvernés, tout aussi bien qu’il n’y a que deux principes : celui du mensonge et celui de la vérité…
… Les gouvernements tremblent, réjouis-toi (travailleur !) ; ils chancellent, tiens-toi prêt ; ils tombent, élance-toi. Mais que jamais sur leurs ruines ensanglantées du sang de tes pères, aucun audacieux n’ose crier : Vive le pouvoir !… ou brise-lui la tête, car le pouvoir c’est l’autorité, et l’autorité c’est la tyrannie. Avec cette dernière… point de liberté, sans quelle ne soit un monstre enfanté de deux sujets différents, que tout homme doit traquer comme il ferait d’une bête soupçonnée de la rage.
À bas les gouvernements, à bas la tyrannie, vive l’indépendance ! vive l’amour et l’amitié.
… Plus de gouvernements, plus d’impôts. Plus d’égorgeurs, plus de sang. Plus de convoitise, plus de haine, l’avenir est à toi. Et c’est alors que tu t’aimeras dans ton frère.
Établissez-vous en communes révolutionnaires ; que jusque dans les plus petits endroits on crie toujours : À bas les gouvernements ! que chacun de vous participe aux discussions de sa localité, afin d’en discuter les intérêts.
Commue votre bien-être dépendra de la même cause, vous n’aurez jamais pour guide que la même raison, le même esprit. C’est alors que l’intelligence prévaudra réellement…
Ne vous occupez pas des fainéants : il n’y en aura aucun, car l’homme qui travaille librement pour lui, a besoin du travail comme récréation et ne pourrait s’en passer sans souffrir.
Cela paraît bizarre, n’est-ce pas ? Il y en a tant aujourd’hui, de fainéants et qui vivent à merveille.
Pour la plupart de ceux-là, je ne saurais que vous répondre, si ce n’est que puisque vous les avez tolérés jusque-là, il faut bien les nourrir : l’habitude est une seconde nature.
D’ailleurs ils disparaîtront comme les vieux soldats de l’Empire.
Le principe qui doit, par sa propre force, conduire en communion les intérêts de tous ses membres, favorisera aussi bien l’industriel que l’agriculteur ; par conséquent, votre indispensable moral ou matériel établira, lui-même, une balance entre les produits agricoles et ceux de l’industrie. Et n’étant dépendants que de vos besoins, cet équilibre ne saurait jamais être trop dépassé pour que les produits de chacun de vous ne s’écoulent pas toujours avec la même régularité.
Ensuite, rien ne pouvant plus empêcher ou contraindre le libre échange de ses produits, et comme ce sont eux seuls qui peuvent combler le vide de vos nécessités, chacun les trafiquera à sa guise. Alors, le beau, le solide et le commode étant encore susceptibles d’une incontestable perfectibilité, une concurrence éternelle en établira les prix, tout en ayant pour stimulant, cette perfection progressive dont la limite se trouve dans les fictions de l’éternité, pour ne pas dire insaisissable.
Des bazars communaux s’établiront dans chaque localité, et les produits qui y manqueraient donneraient trop vite des avantages à ceux qui pourraient combler ce dépourvu, pour que chaque commune ou hameau n’ait pas de suite, son indispensable à sa portée. Le fruit du travail des producteurs tombera directement et sans autre augmentation de prix au-dessus de sa réelle valeur, à la disposition des consommateurs, excepté seulement les frais qu’entraîneront les commis des bazars, auxquels ces produits seront confiés.
Toutefois, nul ne sera tenu d’entreposer ses produits à l’exposition communale, afin qu’il demeure encore libre de les négocier lui-même directement avec d’autres producteurs ou consommateurs, s’il le juge convenable…
Il y aura toujours des hommes d’un talent supérieur. Et pour cela, l’individualité ne pourrait être confondue, sans souffrir de sujétion, à une liberté collective. Du reste, qui dit liberté individuelle, dit tout ; car une liberté collective ne peut se créer que sous la volonté de plusieurs individus.
Se réuniront donc en vie, devoirs et travaux communs, ceux qui le jugeront à propos. Et demeureront individuellement indépendants, ceux que le moindre assujettissement pourrait ombrager.
Le véritable principe est donc bien loin d’exiger la communauté inviolable. Cependant, pour l’harmonie de certains travaux, il est évident que beaucoup de producteurs s’établiront en société, par rapport à l’avantage qu’ils trouveront dans la réunion de leurs bras. Mais encore une fois, le communisme ne sera jamais un principe fondamental, en raison de la diversité de nos intelligences, de nos besoins et de nos volontés.
Ainsi, hormis le métier de juge, de prêtre, de gendarme, de voleur et de bourreau, notre nouvelle société offrira à chacun de ses membres le moyen de vivre dans une aisance parfaite, ne se fatiguant plus de vaines gloires ni de sordides convoitises.
Dans chaque agglomération, il s’établira des institutions pour la jeunesse…
Jamais les savants n’auront été plus recherchés… La science sera donc un instrument de travail occupé par ceux qui se sentiront capables d’exploiter un des champs de son domaine.. Et chaque homme ayant pour occupation celle qu’il préférera, mettra dans son travail autant d’art, d’habileté et d’intelligence qu’un bel écrivain en mettra lui-même à dépeindre une histoire quelconque : un sujet qui est dans son véritable cercle, travaille avec goût et bonheur, sans chercher jamais à être hostile à personne.
Ainsi s’écouleraient tous vos jours dans la prospérité et la joie.
… La terre serait la patrie de tout le monde, chacun pourrait en contempler les richesses.
Tous les hommes s’aimeraient entre eux…
Ô indépendance ! protectrice de l’humanité, source intarissable de bonheur et de satisfaction, insinue-toi dans le cœur de l’homme, désabuse son esprit des artifices qui le trompent et l’excitent, dessille ses yeux, ô déesse ! pour qu’il puisse voir ton auréole radieuse, dont la lumière pure fatigue le monstre comme le grand jour fatigue le hibou ! Mère de toutes les libertés pures, que ton nom soit chanté, que ton nom soit béni ! Vive l’indépendance ! guerre à l’autorité !
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Ces extraits montrent que leur auteur était certainement pénétré des idées anarchistes qu’il présentait d’une manière indépendante. Il n’est pas présenté ici pour une autre raison que celle qu’à son époque, dans les années cinquante, les anarchistes sont rarissimes et il en est peut-être le moins connu. On a toujours recueilli avec intérêt, ces premières étincelles de l’esprit libertaire : on connaissait les Belleguarrigue, les Cœurderoy et les Déjacque en voici encore un qui signe (page
Ce fut désormais impossible, mais en janvier 1916 en parcourant d’anciennes notes je trouvai ceci que j’avais noté moi-même en février 1904 d’après ce que me disait alors la veuve de Pierre Vésinier qui avait passé les années cinquante à Genève et connaissait tous les proscrits de décembre, notamment ceux de son pays de Cluny et environs. Un de ces vieux lui montra en 1899 une ancienne brochure écrite par lui qu’il venait de retrouver par hasard à Genève, brochure anarchiste, puisqu’à Vésinier elle rappelait les idées de Déjacque qu’il connaissait bien. Cet homme même serait allé en Amérique où il a connu Déjacque (mais puisqu’on m’a dit que ce fut en 1856 ou 57, ce détail n’a peut-être rien à faire avec la brochure)… En tout cas le nom de cet homme qui en 1899 fut propriétaire aux environs de Cluny, était — Félix Pignal. Donc P et cinq lettres comme il y a P et cinq points à la page IV de la brochure. Cette double coïncidence, celle de cinq lettres, et celle de la brochure anarchiste par cet auteur des environs de Cluny, suivie du fait que le témoignage de 1904 et la brochure trouvée par moi en 1914 sont deux faits indépendants l’un de l’autre, tout cela rend plus que probable, à mon opinion, que cette nouvelle addition aux incunables retrouvées de l’anarchie a vraiment pour auteur
21 juin 1922.
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