La Presse Anarchiste

A l’étalage du bouquiniste

Au pays des soviets (neuf mois d’aventures), par Mau­ri­cius (Eug. Figuière, édit.). — Ce n’est pas sans une cer­taine hési­ta­tion, que voi­ci trois mois, j’ai ouvert ce livre, le neu­vième et le dixième sur la Rus­sie rouge, qui me tom­bait sous la main. Qu’allais-je y trou­ver de plus que dans les pré­cé­dents dont mon esprit était satu­ré ? De la haine ! Du par­ti pris ! De la colère ! Du mépris ! ou bien de l’admiration pas­sion­née ! de l’enthousiasme aveugle ? Un pam­phlet sar­cas­tique et méchant ou bien une apo­lo­gie enflam­mée ? Car de toutes mes lec­tures, il résul­tait qu’en ces deux caté­go­ries, se clas­sait toute la lit­té­ra­ture ins­pi­rée jusqu’à pré­sent par la grande Révo­lu­tion et ses auteurs. Le faible espoir de trou­ver enfin un grain de véri­té et de sin­cé­ri­té et aus­si le nom de l’auteur — un indé­pen­dant s’il en fût, — me firent cou­per les pages de son bou­quin et je lus. Je lus et j’avoue n’avoir pas per­du mon temps. Il me semble, en effet, que je pos­sède main­te­nant une vue à peu près juste de la Rus­sie sovié­tique, grâce à la puis­sance d’évocation de l’auteur, appuyée sur sa fon­cière sin­cé­ri­té. Je vois ses per­son­nages non plus fan­to­ma­tiques et irréels, mais en chair et en os, sai­sis dans la réa­li­té de leur vie, clans la plé­ni­tude de leur action, par une plume alerte et une impec­cable pré­ci­sion. Dans ces 340 pages, il n’y a pas une ligne qui ne capte et retienne l’attention : détails du voyage, angoisses d’une cap­ti­vi­té qui faillit se ter­mi­ner par le poteau d’exécution, pro­me­nades docu­men­tées à tra­vers les nou­velles ins­ti­tu­tions et le nou­vel outillage éco­no­mique, visites des pri­sons dans un pays qui ne devrait pas en avoir, diver­sions pas­sion­nantes sur la mort du Tzar, sur la fin tra­gique de Lefebvre, Lepe­tit, Ver­geat et Tou­bine ; la tra­ver­sée de la Mer Noire sur une barque de pêche et enfin l’arrestation de l’auteur à la fron­tière de son pays ; tout cela est évo­qué devant vous avec un art par­fait qui, tan­tôt tein­té d’ironie, tan­tôt dis­si­mu­lé sous la plus entraî­nante humour, par­vient à n’être jamais ennuyeux. Il est bon, enfin, qu’un liber­taire ait écrit sur la Rus­sie rouge un livré dont on peut dire qu’il est sin­cère et Si je ne m’abuse, les ins­ti­tu­tions et les expé­riences sovié­tistes feront l’objet d’un second livre. Il sera le bien­ve­nu s’il est écrit dans le même esprit.

Le Christ a‑t-il exis­té ? par E. Mou­rier-Rous­set (Socié­té Mutuelle d’Édition). —Expo­sé remar­quable de toutes les argu­men­ta­tions et docu­men­ta­tions invo­quées contre l’historicité de Jésus. L’auteur conclut : S’il est impos­sible de nier d’une façon cer­taine que Jésus ait exis­té, puisque l’on ne peut prou­ver une néga­tion on est tout au moins auto­ri­sé à affir­mer hau­te­ment qu’il n’a lais­sé aucune trace for­melle de son exis­tence, et que s’il a vécu il a pas­sé com­plè­te­ment inaper­çu et igno­ré même en Judée.

Les Consé­quence poli­tiques et sociales du Trai­té de Ver­sailles, par Louis Gué­tant (Socié­té Mutuelle d’Édition). — Louis Gué­tant nous avait déjà don­né un Rap­port sur le Trai­té de Ver­sailles et les Res­pon­sa­bi­li­tés de la Guerre, qui res­te­ra par­mi les docu­ments les plus clairs et les plus pré­cis, à côté des tra­vaux de Demar­tial et de Gout­te­noire de Tou­ry. Mieux encore, sa nou­velle bro­chure montre que si le Trai­té de Ver­sailles fait le mal­heur de ceux qu’on appelle les vain­cus, il fait presque autant le mal­heur, et en plus la honte de ceux qui se disent les vainqueurs.

La Théo­rie de la rela­ti­vi­té au point de vue phi­lo­so­phique, par Phi­lippe Célé­rier. (Socié­té Mutuelle d’Édition). — Voi­ci une bro­chure bien petite, bien mince, et qui cepen­dant, en ses 32 pages, contient plus de pré­ci­sion et vous ren­seigne sur les fameuses et abs­conses théo­ries d’Einstein bien mieux que les plus impo­sants bou­quins parus à ce jour. On y voit entre autres choses, ce dont je me dou­tais déjà, que la théo­rie de la rela­ti­vi­té est incon­ce­vable, et qu’on a tort de croire qu’une théo­rie pro­fonde est néces­sai­re­ment une théo­rie obs­cure, que la véri­table pro­fon­deur scien­ti­fique est lim­pide comme l’eau de source, et qu’un cer­veau nor­ma­le­ment consti­tué peut tout saisir.

Le Mémo­rial de Gonfle-bou­figue, par Rodolphe Brin­ger. (Socié­té Mutuelle d’Édition). — Et main­te­nant voi­ci un peu de gaie­té. Fen de brut, ils font du bruit, disait Tar­ta­rin, et il en va ain­si pour ceux de Gonfle-Bou­figue, comme pour ceux de Taras­con. — Mais Rodolphe Brin­ger ne fera pas tout de même oublier Daudet.

Pour men­tion. — Chez Lénine et Trots­ki, par André Mori­zet. — Jau­rès et le par­ti de la guerre, par Gout­te­noire de Tou­ry. — L’atelier des gens heu­reux, par Joan Finot. — Vers une répu­blique heu­reuse, par Maxime Leroy. — L’abattoir humain, par Lat­zus, pré­face de Hen­ri Bar­busse. — La fin du Secret, par Binet-San­glé, — Le Secret de Péné­lope, par Nico­las Ségur. — Le Gigan­tesque, par Adrien Le Cor­beau. — L’Oiseau grif­fon, par Ban­del­lo. — La Bohême canaille, par Michel-Georges Michel.

Intro­duc­tion à la psy­cho­lo­gie biblio­lo­gique, par le Dr Nico­las Rou­ba­kine. — Savez-vous ce qu’est la Biblio­psy­cho­lo­gie ? Non, sans doute. J’avoue que je ne le savais pas moi-même avant d’ouvrir le livre du Dr Rou­ba­kine ; et je m’estime très heu­reux d’avoir ain­si appris que le livre bien qu’étant une force for­mi­dable — ce que per­sonne ne nie — est une force presque pas uti­li­sée, ce à quoi peu on réflé­chit. L’auteur nous apprend donc, en des pages sub­stan­tielles, com­ment il fau­drait uti­li­ser cette force pour en obte­nir tout le ren­de­ment pos­sible, et il sug­gère une série de réformes pra­tiques ten­dant à l’utilisation intense du livre avec un mini­mum d’efforts, de temps, et de moyens dépen­sés. Tous nos cama­rades qui s’occupent de pro­pa­gande par le livre devraient lire ce bou­quin-là. — Povo­loz­ky, et Cie, éditeurs.

[/​P. Vigné d’Octon./​]

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