A) La civilisation égyptienne
Parmi les civilisations anciennes, la civilisation égyptienne est celle qui a brillé du plus vif éclat et qui remonte à l’époque la plus éloignée de nous.
C’est donc par elle que nous commencerons notre étude de la période historique de l’évolution des peuples.
Il y a à peine un siècle que l’on a retrouvé les vestiges de la civilisation égyptienne.
Jusqu’à cette époque l’histoire était muette sur cet âge lointain dont on ignorait les monuments, l’écriture et l’existence.
C’est la linguistique qui a permis de remonter à de si nombreux siècles en arrière.
En effet, en comparant les racines primitives de différents mots dans les langues indo-européennes, on s’aperçoit facilement que toutes ces langues dérivent d’une langue unique.
Le peuple qui parlait cette langue unique et qu’on désigne sous le nom d’Aryas, a dû se déverser sur l’Asie et l’Europe.
Lorsque dans toutes les langues, qui ont dû bien varier, lorsque l’écriture était encore ignorée, on retrouve les racines des mots : bois, fer, chef, propriété, prêtre, etc… on sait immédiatement que les peuples qui parlaient un tel langage avaient gouvernement, religion, travaillaient le bois, connaissaient le fer, et qu’ils avaient déjà l’idée de propriété.
Les Aryas bien qu’inférieurs aux peuples civilisés étaient déjà loin de l’état de barbarie, puisqu’ils avaient religion, gouvernement, croyaient à la magie, aux esprits, façonnaient le bois et travaillaient la pierre, les métaux et la terre.
Ils ignoraient l’écriture et n’élevèrent aucun monument durable.
a) Pour comprendre l’évolution des civilisations il faut connaître les sources où les historiens puisent pour les reconstituer : Ces sources sont les monuments, les traditions, les langues, les religions et les livres.
Les dolmens de Bretagne et autres pierres du même genre ne sont pas de l’époque des Gaulois, mais bien de l’âge de la pierre taillée et de la pierre polie.
Les monuments plus récents main d’une époque qui remonte néanmoins à 7 ou 8.000 ans, sont les pyramides d’Égypte, le Sphynx, les temples sur lesquels se trouvent sculptures et textes. Quelques vieux papyrus nous viennent également en aide.
Nous savons ainsi que la civilisation égyptienne est la plus vieille du monde, grâce au soleil et au merveilleux et si fécond Nil.
b) Après les monuments, les traditions peuvent être de quelque utilité ; souvent ce sont des récits plus ou moins exacts qui se sont altérés pendant la série des générations qui se les sont rapportés, et ne sont plus que légendes lorsque l’écriture enfin connue les enregistre.
c) Viennent ensuite les langues. C’est grâce à la découverte de la lecture des hiéroglyphes que l’histoire des peuples anciens a pu être connue.
d) Les religions sont aussi d’un grand secours. Suivant l’adoration des hommes pour des fétiches ou des dieux plus élevés en spiritualité, on peut indiquer à quel degré de civilisation est le peuple en question.
e) Les livres devraient être les meilleurs matériaux, mais ils sont, comme aujourd’hui sans doute, écrits plutôt pour être vendus, plaire aux maîtres et à la foule ignorante et adoratrice des puissants, que pour étaler la vérité.
Dans l’évolution des civilisations interviennent aussi : le milieu, la race, la famille, les conceptions des questions morales, de droit, de propriété, du développement de l’industrie, des gouvernements, puis en même temps exercent leur influence : la lutte pour l’existence, l’aptitude à varier.
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L’Égypte fut la contrée où exista la plus ancienne civilisation, parce qu’elle est arrosée par le Nil qui par son inondation annuelle dépose un limon fécond, qui donne des récoltes extraordinaires et que le travail pour produire ces récoltes n’est pas déprimant.
Ce que les aïeux de 7.000 ans ont fait pour parer aux inconvénients de l’inondation et bénéficier de ses avantages, serait trop long à raconter ici.
Mais pour mener à bien ce travail de défense collective, il fallut une action d’ensemble. Un pouvoir central fut fondé, la royauté était née. C’est en Égypte qu’a été formée pour la première fois une grande unité nationale.
L’Égyptien est d’origine asiatique, il s’est déversé par la vallée du Nil, par invasion.
Depuis la découverte de Champollion, on peut écrire l’histoire des empires de l’ancienne Égypte.
On a déchiffré toutes les inscriptions des monuments, des tombeaux, qui relatent les événements des différents règnes, et quelques livres de ce temps-là : Le Papyrus de Turin, La Salle des Ancêtres, etc.
On sait ainsi que vingt-six dynasties royales se sont succédées en Égypte, depuis plus de 5.000 ans jusqu’à 500 ans avant notre ère. Elles se répartissent en trois périodes : l’Ancien Empire qui régna 2.000 ans et comprit dix dynasties ; le Moyen Empire, 1.300 ans et sept dynasties ; le Nouvel Empire, 1.200 ans et neuf dynasties.
Memphis était la, capitale de l’Ancien Empire.
Thèbes fut celle du Moyen Empire,
Sais fut enfin celle du Nouvel Empire.
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La croyance des Égyptiens était que les dieux les avaient d’abord gouvernés. Aussi les prêtres étaient-ils tout puissants.
Les militaires luttaient pour enlever ce privilège des prêtres. Ils reconnurent Ménès comme roi unique : ce fut la première dynastie.
Le Nil était déjà canalisé, le Sphinx, un temple voisin aujourd’hui en ruines, était déjà construit.
Ménès fit bâtir la ville de Memphis dont il fît sa capitale.
Ses descendants furent les Pharaons. Les premières dynasties eurent à lutter contre l’aristocratie féodale des anciens chefs guerriers. La troisième dynastie affermit son autorité et prépara une quatrième dynastie qui fut florissante par l’art. C’est Memphis embelli et la construction des Pyramides. Des bibliothèques existaient, il y avait des ouvrages philosophiques et scientifiques. Ce fut l’apogée de l’Ancien Empire. Avec les dynasties suivantes, l’Égypte ne crée rien de nouveau, et après 500 ans de cette vie inutile, sans progrès, le Moyen Empire prend naissance.
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La capitale est changée. Thèbes détrône Memphis. La douzième dynastie fut particulièrement brillante. Une quantité innombrable de monuments fut édifiée ; des tombeaux avec sculptures montrant les détails de l’existence journalière des vivants furent construits. Les inscriptions sur les monuments publics annoncèrent toutes des victoires.
C’est sous la douzième dynastie que fut construit le lac Moeris, dont les digues avaient plus de 50 kilomètres de long pour contenir le trop plein des eaux du Nil.
Jusqu’à la dix-septième dynastie la prospérité de l’Égypte continua. À ce moment se produisit une invasion de l’Égypte par un peuple de pasteurs : les Hyksos.
Au bout de deux cents ans, Amhès Ier, fondateur de la dix-huitième dynastie libérait l’Égypte du joug étranger. Le Nouvel Empire était né.
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Sous les dix-huitième et dix-neuvième dynasties, c’est une époque de guerre. L’Égypte triomphe partout. Mais à partir de la vingtième dynastie, le peuple écrasé par les impôts nécessaires à entretenir la guerre perpétuelle, est mécontent et misérable ; des compétitions se faisaient jour, les influences étrangères l’envahissaient. La déchéance s’accomplissait. La guerre civile surgit.
Saïs était la capitale du royaume.
Les Assyriens s’emparèrent de l’Égypte, puis en furent chassés.
Le dernier roi de la vingt-sixième dynastie, Amasis, fit construire des temples et des sphinx. Mais déjà les troupes perses arrivaient en Égypte.
Ce fut l’Égypte sous les dynasties étrangères.
Depuis cette conquête en 527 par les Perses, l’Égypte fut sous la domination des Perses. Ensuite elle subit trois autres siècles l’autorité grecque par suite des victoires d’Alexandre sur les Perses. Puis vint le joug romain qui dura quatre siècles.
Mais malgré ses défaites, l’Égypte absorba ses vainqueurs, car sa civilisation était de beaucoup supérieure aux civilisations persane, grecque et latine de cette époque et de beaucoup plus ancienne.
Ensuite le christianisme fit disparaître en 389 de notre ère, les dieux, les arts, la langue de l’Égypte. L’empereur chrétien ordonna la destruction de tous les temples de l’Égypte. La domination chrétienne dura 250 ans et fut un véritable tombeau pour l’Égypte. Les Arabes les en libérèrent en 640 leur apportant langue, religion nouvelles, arts nouveaux.
Il naquit alors une nouvelle civilisation.
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Pour arriver à lire les hiéroglyphes égyptiens il a fallu procéder par comparaison, considérer dans beaucoup de mots le même signe. Ce travail fut facilité par la découverte d’un texte écrit à la fois, en grec, en hiéroglyphes et en caractères cursifs des Égyptiens.
Les hiéroglyphes représentaient au début l’objet ; puis de dessins qu’ils étaient, ils se simplifièrent. Un ne représenta bientôt plus qu’une partie du dessin, et ce dessin voudra exprimer ou l’objet, l’organe ou une action de cet objet, de cet organe.
Après les hiéroglyphes, ce fut l’écriture cursive. Puis également l’écriture d’idéographique, devint phonétique et alphabétique.
L’écriture égyptienne contenait vingt-deux lignes alphabétiques, cent trente-six syllabiques et un nombre prodigieux de déterminatifs.
La langue égyptienne a emprunté son vocabulaire et sa grammaire à la langue sémitique.
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En Égypte, comme religion c’était le polythéisme, les dieux se multipliaient : culte des morts, déification des rois morts, puis culte du soleil, du Nil, etc.
Chaque ville avait ses dieux : Ammon à Thèbes, Osiris à Abydos. Phtah à Memphis, etc.
La préoccupation de l’Égyptien était la vie future. Il l’avait matérialisée par Râ et Osiris : Râ, le Soleil et Osiris, la nuit : combat entre la lumière et les ténèbres.
Le mal était représenté par le serpent Apap.
Mais c’était le soleil qui était le dieu le plus adoré.
Chaque province et ville avaient leurs animaux sacrés…
Le crocodile était adoré à Thèbes et tué dans Éléphantine.
Le chat, le taureau Hapis étaient considérés comme dieux.
La magie était une science, les talismans, les amulettes étaient choses sacrées.
L’embaumement des morts, les offrandes matérielles qui leur étaient faites, dénotent encore un genre de sentiments religieux.
On croyait à l’existence de l’âme qui voyageait et se réincarnait jusqu’à ce qu’elle devienne pure et aille vivre avec les dieux, ou qu’au contraire, parce qu’incorrigible, elle soit réduite au néant.
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Lorsque la civilisation de l’Égypte apparaît dans l’histoire, elle est déjà ancienne, elle a une religion, un gouvernement. C’était le régime théocratique, qui dura même sous la royauté la plus absolue comme celle des Pharaons.
Sous le régime théocratique, l’Égypte était constituée par une foule de petites provinces.
Ce fut Menés le premier roi qui réunit sous son autorité toutes ces petites provinces. Puis ce fut une période de féodalité.
Le roi avait la direction de l’armée, de la justice et de la religion.
Les chefs de province étaient généralement alliés par le sang à la dynastie royale et étaient des personnages considérables.
Les impôts furent toujours très lourds en Égypte.
Les classes religieuses et guerrières jouissaient de privilèges particuliers.
Les enfants d’ouvriers prenaient ordinairement la profession paternelle.
Les esclaves étaient nombreux. C’était les vaincus de la guerre. Ce sont eux qui ont transporté les pierres pour construire les Pyramides et qui travaillaient dans les mines.
Le Matriarcat a existé en Égypte, les inscriptions le rapportent, l’enfant était fils ou fille de la mère.
La liberté individuelle était inconnue en Égypte ; l’Égyptien antique a supporté un joug formidable ; le luxe des bijoux, les fards étaient très répandus, les fêtes chez les riches ne cessaient pas. Sur les tombeaux, les peintures montrent ce qu’étaient de telles fêtes. La danse, la musique y étaient en honneur. Aux funérailles, il y avait pleureuses et pleureurs.
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Le droit égyptien était catégorique. Le parjure était puni de mort, etc. La bastonnade, la prison, les travaux forcés étaient les châtiments exercés, quand ce n’étaient pas la mutilation ou la mort.
Le respect de la propriété était absolu. L’intérêt de l’argent était de 30 0/0. La contrainte par corps n’existait pas.
La peine du talion, le droit de vengeance n’existaient plus depuis longtemps. Tous les délits, tous les crimes étaient prévus, réprimés et punis par les juges au nom de l’État.
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Les Égyptiens savaient mesurer la superficie des terrains, connaissaient la coupe des pierres, la direction du vent, la durée de l’année. Ils extrayaient les métaux, fabriquaient des parfums, le verre, des couleurs, des pierres précieuses.
Ptolémée écrivit un traité de géographie.
Les astres, pour les Égyptiens, servaient à dévoiler l’avenir aux hommes.
Ils connaissaient le cercle divisé en 360 degrés. Ils avaient adopté la numération décimale.
Dès les premiers vestiges de la civilisation égyptienne, on voit que les Égyptiens savaient travailler l’argent, l’or, le cuivre, l’étain et le bronze.
La broderie se faisait en fils d’or.
La balance existait.
Ils savaient enchâsser les pierres précieuses dans l’or ; ils connaissaient le verre et, grâce aux oxydes métalliques, imitèrent les pierres précieuses ; ils connaissaient aussi l’ébénisterie ; ils savaient fabriquer les étoffes légères et transparentes avec le lin ; les étoffes plus lourdes, avec la laine.
Ils fabriquaient du papier avec le papyrus ; ils extrayaient le vin du raisin et l’huile des olives, du lin, du ricin ; ils savaient faire des pommades, des onguents, des teintures, des parfums, des perruques, des fleurs artificielles.
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Les livres de l’Égypte sont les plus vieux du monde. Nous en avons qui ont été écrits au temps où se construisaient les Pyramides.
Le Papirus Press nous a conservé deux fragments : « La fin du Traité de Morale de Kagimna » et « Les Instructions de Phtahotap ». Phtahotap, fils d’un roi, propose comme ligne de conduite la docilité, le respect de l’ordre établi. « Le Livre des Morts », recueil religieux ; « Les Lamentations d’Isis et de Nebt-hat » ; « Le livre de ce qui est dans l’Hémisphère inférieur ».
Comme livres historiques, nous avons les inscriptions des pierres, où sont inscrits les grands événements de chaque règne. Nous avons encore « Les Mémoires de Sineh », datant de la douzième dynastie, dans des papyrus du Musée de Berlin ; puis un autre papyrus du British Muséum, qui parle de la lutte contre les Hyksos. Enfin un papyrus datant de la vingtième dynastie : « Comment Thoutü prit la ville de Joppé ».
Nous possédons aussi quelques ouvrages historiques, un traité de géométrie et quelques papyrus relatifs à la médecine.
L’œuvre littéraire avait surtout comme forme l’épître. Les « Instructions », écrites il y a plus de cinq mille ans par Arnessemhat Ier pour son fils Oursotesen Ier, sont de ce genre.
Comme œuvres poétiques, ont été retrouvées les œuvres de Pentaour ; sa principale œuvre est l’« Histoire de la Victoire de Kadish ». Un autre poème célèbre est 1’« Hymne au Nil ».
Comme roman, citons « Thouboui », et comme conte « Deux Frères ».
Dans un prochain article, nous terminerons la « Civilisation Égyptienne ». Nous verrons son architecture, sa sculpture, sa peinture, ses arts industriels.
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