La Presse Anarchiste

Échos

[/​Croi­se­ment de races./​]

Le Jour­nal de Genève parle du géné­ral Botha :

« Son père était Hol­lan­dais, sa mère Huguenote… »

Est-ce de ce croi­se­ment étrange qu’est issue la race boer ? Le ren­sei­gne­ment est pré­cieux pour les ethnographes.

[/​Aux grands maux…/​]

Ceci est pour les gens de mau­vaise foi, les sur­en­ché­ris­seurs, les déma­gogues, les…

Des esprits éle­vés se pré­oc­cupent d’ins­ti­tuer à Genève un « Cours de gym­nas­tique esthé­tique à l’u­sage des jeunes ouvrières, afin de contre­ba­lan­cer chez elles l’ef­fet néfaste du surmenage. »

Si après cela il reste encore des dos voû­tés et des gueules de papier mâché, il fau­dra bien que la phi­lan­thro­pie bour­geoise et les pou­voirs publics s’a­vouent vain­cus en pré­sence de l’é­cœu­rante obs­ti­na­tion du populo.

Sur­tout si les figures s’exé­cutent à l’aide de cor­sets orthopédiques.

[/​Liber­té du com­merce./​]

Ceci se passe dans un maga­sin de Genève qui fait des « confec­tions sur mesure ».

Une ouvrière à domi­cile rap­porte des « blouses » — qui lui sont payées à rai­son de 1 fr. 50. Tan­dis qu’elle attend son salaire dans la bou­tique encom­brée, elle voit la patronne vendre 15 fr. le cor­sage pour lequel elle-même va tou­cher trente sous.

Il entre dans la fabri­ca­tion du cor­sage 1 fr. 50 au maxi­mum de matière pre­mière. C’est donc un béné­fice brut (?) de 12 francs que touche la ven­deuse pour un objet d’ha­bille­ment qui ne fait qu’en­trer et sor­tir de chez elle.

Et ça s’ap­pelle faire du commerce.

Mais quand les ouvrières tra­vaillant à ce taux seront four­bues, il leur res­te­ra la res­source du « Cours de danse esthé­tique » dont nous venons de parler.

[/​À la lan­terne !/​]

Le pétrole est rare à nouveau,
comme aux pre­miers jours de la guerre,
et c’est de la faute à Voltaire,
ou bien de la faute à Rousseau…

mais sûre­ment pas de celle des auto­ri­tés compétentes.

À ce pro­pos la classe pauvre — tou­jours classe et tou­jours pauvre — se demande par quel sor­ti­lège il est pos­sible d’a­che­ter à cent pour cent de majo­ra­tion un pétrole dit de luxe, qui n’é­claire point du tout mieux que l’autre et ne brûle pas deux fois moins vite.

Mys­tère et spéculation.

Nous cher­chons la petite bête, c’est enten­du : nous ferions peut-être mieux de chas­ser la grosse.

[/​Autres temps, mêmes mœurs./​]

À ce qui pré­cède on peut rat­ta­cher ce qui suit. C’est aux envi­rons de 1840 que Bal­zac écrivait :

« Per­ver­ti par de scan­da­leux exemples, le bas com­merce a répon­du, sur­tout depuis dix ans, à la per­fi­die des concep­tions du haut com­merce, par des atten­tats odieux sur les matières premières. »

… Sur­tout depuis dix ans, disait Bal­zac, qui n’a pas eu le temps de voir Dieu prê­ter vie au petit pois­son. À nous de mul­ti­plier par dix et de dire « … sur­tout depuis cent ans ».

Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle… s’emplit.

[/​Leur morale./​]

Avec un humour abso­lu­ment irré­sis­tible un jour­nal de la Confé­dé­ra­tion narre la petite his­toire sui­vante — que l’on nous par­don­ne­ra de trans­crire ici sans aucun sel, hélas !

À côté d’un Anglais qu’ils blaguent ferme, deux Alle­mands font dans un maga­sin un achat dont ils déposent le prix sur le comp­toir. Sous les quo­li­bets, l’in­su­laire n’a pas sour­cillé. Il paie et s’en va. Les autres vont sor­tir à leur tour, mais la mar­chande les inter­pelle : elle réclame sa mon­naie. Pro­tes­ta­tions. Ils ont payé. Pour­tant la caisse ne contient rien de leur argent et il leur faut s’exé­cu­ter à nouveau.

L’An­glais revient et prie la mar­chande de faire par­ve­nir à la Croix-Rouge l’argent qu’il a « bar­bo­té » aux Alle­mands tan­dis qu’ils « fai­saient les malins ».

En style jour­na­lis­tique les volés ont fait « une bonne action involontaire ».

L’An­glais, lui, n’a pas fait le pickpocket.

L’histoire n’est pas for­cé­ment authen­tique. Le jour­na­lisme nous a habi­tués à ces tours de force. Mais, vraie ou non, elle met en haut-relief la mora­li­té de ces mes­sieurs de la presse pour qui un vol devient selon la cause une ado­rable plaisanterie.

… Not kennt kein Gebot.

[|* * * *|]

Dans le même numé­ro dudit jour­nal nous rele­vons cette conclu­sion d’une cri­tique d’ailleurs par­fai­te­ment fondée :

« De plus en plus la men­ta­li­té et l’optique se font chez nous déplorables. »

Il ne faut pas par­ler corde dans la mai­son d’un pendu.

[/​Bou­li­mie./​]

D’un Suisse retour d’Al­le­magne le jour­nal Le Temps publie la curieuse infor­ma­tion suivante :

« On a vu des cas où les hommes (les sol­dats) se ron­geaient les ongles à force de faim. »

Mince d’ap­pé­tit ! — et d’estomac.

Mais, par ces temps où tout esprit fami­lial et toute tra­di­tion s’en vont, ce devaient être des ongles d’Amérique.

Frin­gale ou dis­trac­tion ? Non : cannibalisme.

[/​Pre­nons acte./​]

Répon­dant à un télé­gramme de féli­ci­ta­tions du Grand-Orient de France, le géné­ral Joffre exprime l’es­poir qu’a­près la guerre l’u­nion de tous les Fran­çais se main­te­nant assu­re­ra le triomphe de la Liberté.

Donc, après la guerre, tout ne sera pas dit. C’est bien notre avis. Mais ce serait quelque chose qu’un « quelque chose » fût ébau­ché qui néces­si­tât de la part des puis­sants et des riches un effort sin­cère et constant vers un com­men­ce­ment de justice.

Ah ! comme nous l’ai­mons, notre naï­ve­té ! Comme nous ché­ris­sons notre espoir qui nous per­met d’a­jou­ter foi mal­gré tout en des promesses !

Et déli­bé­ré­ment nous allons faire une pro­messe à notre tour, — et un ser­ment sacré : la pro­messe de ne jamais plus récla­mer la Liber­té, l’É­ga­li­té et la Fra­ter­ni­té, et le ser­ment de ne plus jamais exi­ger en place de tout cela quela jus­tice.

De tous les remords qui pèsent aujourd’­hui sur le vieux monde nous avons notre part. Nous la reconnaissons.

Nous avions trop deman­dé en deman­dant la Liber­té, l’É­ga­li­té et la Fra­ter­ni­té. Oui, vrai­ment, avouons-le hau­te­ment, c’é­tait plus aisé à deman­der que facile à donner.

Eh bien, nous ne le deman­de­rons plus. Nous ne deman­de­rons plus rien. C’est bien vrai que c’est une humi­lia­tion que de deman­der même un rien et qu’il faut tout gagner par soi-même.

N’ayons plus le cha­peau ten­du : gar­dons-le sur la tête. Et des deux bras et du cer­veau obte­nons ce que tout le monde et tout nous auto­rise aujourd’­hui à obte­nir : la Justice.

Rien que cela.

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