Avec une complaisance qu’elle n’a pas toujours eue pour le tsarisme la très démocratique presse suisse enregistre du très impérialiste M. Roosevelt l’appréciation suivante :
« La Suisse a appris qu’il faut être fort et prêt à tout. Les Suisses ont créé une armée de premier ordre qui pouvait être jetée à la frontière dès le premier moment, et c’est pour cette raison que l’intégrité de la Suisse est respectée. »
Or, la même presse suisse, plus perspicace ou moins aveuglée par la vanité, estimait naguère que la Confédération n’avait vu respecter sa neutralité que grâce à un hasard géographique, à sa chance de n’être point sur le passage des armées allemandes, et que si Paris s’était trouvé à l’endroit qu’occupe Lyon c’en était fait de l’indépendance helvétique.
Mais maintenant le danger s’éloigne. Il fait si bon jouer aux soldats, faire voir qu’on est un peu là !…
— À l’occasion, n’est-ce pas, ret’nez moi ! j’ferais un malheur !
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Ce discours de M. Roosevelt, il le faut lire en entier pour concevoir toute la somme de sottise pouvant entrer dans le crâne d’un homme d’État (. .. en rupture d’État).
« … La Belgique n’a pas voulu s’armer à temps. Elle expie cette erreur d’une manière terrible. »
« … En ce qui concerne sa sécurité elle se fiait aux traités. »
Ainsi donc la Belgique a été écrasée par l’Allemagne parce qu’elle ne s’était pas assez préparée.
Pour des ignorants comme nous — et comme vous — la Belgique a opposé à l’envahisseur une résistance stupéfiante, un maximum de résistance pour un petit État comme elle.
Pour le savant M. Roosevelt la Belgique devait opposer à l’Allemagne d’abord un budget de guerre et de marine de plusieurs milliards, puis des milliers de 420 et de 840, mobiliser des millions d’hommes, mobiliser jusqu’au Mannekennpiss.
Tout s’éclaire ! La Belgique a trahi l’humanité !
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« … Si une puissance européenne ou asiatique se mêle des affaires du Mexique, les États-Unis ne donneront pas signe de vie. Telles sont les conséquences logiques du pacifisme. »
Ah ! ah ! voici le bout de l’oreille.
Ce n’est donc pas pour y « rétablir l’Ordre » que les États-Unis se sont mêlés des affaires du Mexique ? Nous avons d’une part l’aveu cynique que les libres et libertaires États-Unis veulent dévorer le Mexique, d’autre part qu’ils entendent être les seuls.
Ce Charles-Quint au petit pied, ce Gérard-le-Tueur-de-lions se croit encore à la chasse et posant devant le cinéma.
Les voilà, ceux qui veulent la haine et le massacre jusqu’à vitam æternam.
Et dire qu’au fond tous ces discours incendiaires et ces rodomontades se résument en trois mots : Roosevelt contre Bryan.
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M. Roosevelt estime que les États-Unis doivent posséder une flotte qui leur permette « de dominer n’importe quel adversaire ».
C’est évidemment l’avis du Foreign Office.
Et si l’on consulte le Japon…
Ah ! ça, décidément, est-ce que ces gens-là vont indéfiniment jouer notre peau sur le velours ?