Que se passe-t-il en Russie ?
Sans ajouter foi a toutes les dépêches lancées de Riga, de Reval, etc., par des agences suspectes, il n’est pas douteux qu’une grande crise, latente depuis longtemps, vient d’éclater en Russie. La mort de Dzerjinski a ouvert la phase ultime de cette, lutte qui met aux prises les clans rivaux qui se disputent le pouvoir.
À Staline et Boukharine, qui représentent la fraction au pouvoir, se heurtent, pour des raisons diverses, Zinoviev, Trotsky, Chliapnikof, Lachevitch, Kroupskaïa (la veuve de Lénine), et Medviedev.
Alliance bizarre de forces de droite et de gauche, d’opposition communiste et ouvrière, sans qu’on sache au juste ce qu’est cette dernière.
Dans cette opposition se coudoient également les partisans et les adversaires du Komintern et du Profinten ; les uns veulent transporter le Komintern à l’étranger, les autres veulent le faire disparaître, pendant que Medviedev est partisan, lui, de la disparition de l’I.S.R. et de la rentrée des syndicats russes à Amsterdam.
Quoi qu’il en soit, la crise actuelle met en cause le caractère du régime russe et pose même la question de son existence.
Et il semble bien que la Russie, après la France, assiste à la lutte des Robespierristes et des Dantonistes.
Verrons-nous aussi là-bas le Directoire, le Consulat et l’Empire… ou la République démocratique à la Poincaré ou à la Herriot ?…
Ce n’est, malheureusement, pas impossible.
Et dire que c’est pour réaliser cela qu’on nous aura traités à gueule que veux-tu de petits-bourgeois.
C’est triste, infiniment triste !
Pourquoi le Congrès des Soviets n’a-t-il pas lieu cette année ?
Constitutionnellement,. le Congrès des Soviets devait avoir lieu, cette année, en septembre ou octobre.
Or Staline, président du Conseil des Commissaires du peuple, vient de faire paraître un décret qui remet le Congrès au printemps 1927.
Pourquoi ce retard ?
Parce que la Russie, en dépit des démentis publiés par les ambassades soviétiques à l’étranger, traverse une très grave crise de régime.
Les gens en place sont inquiets de la force et de l’ampleur de l’opposition au pouvoir. Les élections, défavorables aux communistes, font craindre, si le mécontentement est exploité par les fractions Zinoview-Trotsky, que le Congrès ne soit nettement contre la politique gouvernementale actuelle.
C’est d’ailleurs reculer pour mieux, sauter. Le peuple, la classe ouvrière, trompés et dupés, ne veulent plus d’un régime qui ne leur a apporté ni le bien-être ni la liberté.
Ils le jetteront bas. La deuxième révolution est déjà en marche. Rien ne l’arrêtera désormais.
Apprêtons-nous ici à aider les ouvriers russes à se libérer de tous les partis politique : bolcheviste, mencheviste, démocrate ou tzariste.
Malgré toutes les persécutions et le règne de la Tchéka pourvoyeuse de prisons et distributrice d’exils administratifs, c’est le syndicalisme antiétatiste qui, en définitive, triomphera en Russie, comme partout.
Et ça ne tardera guère !