La Presse Anarchiste

La C.G.T. et la nationalisation des chemins de fer

Qu’entendent les orga­ni­sa­tions syn­di­cales par « natio­na­li­sa­tion des che­mins de fer » ? Pen­dant long­temps, l’équivoque des for­mules nous a lais­sé dans l’incertitude. Une décla­ra­tion publiée le 4 Mars par la C.G.T. nous apporte quelques pré­ci­sions. Voi­ci la par­tie essen­tielle de cette déclaration :

Ce que veut celui-ci (le mou­ve­ment syn­di­cal), à l’exclusion de tout autre sys­tème, c’est là natio­na­li­sa­tion réa­li­sée sur les bases suivantes.

Retour à la pro­prié­té col­lec­tive des réseaux : élé­ments indis­pen­sables de la vie sociale, ser­vant à tous les che­mins de fer doivent être exploi­tés au pro­fit de toits et non dans le seul inté­rêt de quelques concessionnaires.

Exploi­ta­tion et ges­tion de cette pro­prié­té col­lec­tive pour le compte de la col­lec­ti­vi­té, non par l’État — car nous répé­tons une fois de plus que nous répu­dions abso­lu­ment l’étatisation — mais par un orga­nisme auto­nome consti­tué de manière à repré­sen­ter tous les inté­rêts géné­raux comme à grou­per toutes com­pé­tences indis­pen­sables à la bonne marche et au déve­lop­pe­ment du service.

Cet orga­nisme auto­nome sera diri­gé, pour le réseau natio­nal, par un Conseil com­po­sé de repré­sen­tants de la col­lec­ti­vi­té et des orga­ni­sa­tions de pro­duc­teurs et de consommateurs.

Ce Conseil cen­tral char­gé de l’exploitation et de la ges­tion aura les pou­voirs les plus éten­dus pour admi­nis­trer sous la res­pon­sa­bi­li­té morale des orga­ni­sa­tions inté­res­sées, le ser­vice de che­mins de fer. Des Conseils régio­naux de direc­tion et de ges­tion admi­nis­tre­ront les voies fer­rées orga­ni­sées selon les régions éco­no­miques et joui­ront d’une cer­taine initiative.

Les condi­tions de salaire et de rému­né­ra­tion seront réglées, d’accord avec l’organisation ouvrière, par le conseil cen­tral. Elles seront déter­mi­nées de manière à assu­rer le ren­de­ment le plus com­plet pos­sible, et l’avancement du per­son­nel sui­vant les capa­ci­tés de chacun.

Les réseaux de voies secon­daires seront grou­pés en réseaux régio­naux admi­nis­trés sui­vant des prin­cipes géné­raux sem­blables à ceux du réseau national.

Il ne sau­rait être ques­tion ici d’entrer dans le détail du pro­jet détaillé qui fera d’ailleurs l’objet de publi­ca­tions sépa­rées. Tou­te­fois, la Confé­dé­ra­tion Géné­rale du Tra­vail tient à en résu­mer ain­si les carac­té­ris­tiques essen­tielles qui sont : l’exclusion des inté­rêts pri­vés et de l’exploitation capi­ta­liste, la pos­ses­sion des voies fer­rées par l’État et leur ges­tion par un orga­nisme auto­nome consti­tué comme il a été dit ; comme méthodes d’administration, l’emploi des com­pé­tences, l’appel à l’initiative, la res­pon­sa­bi­li­té à tous les degrés : la déter­mi­na­tion des condi­tions de tra­vail d’accord entre l’organisme direc­teur et les orga­ni­sa­tions ouvrières ; l’établissement du ser­vice et des tarifs de manière à four­nir à la col­lec­ti­vi­té, dans les condi­tions les plus favo­rables et les moins oné­reuses, les moyens de trans­port qu’elle réclame.

Elle doit cepen­dant pré­ci­ser les condi­tions dans les­quelles sera effec­tuée la reprise par la col­lec­ti­vi­té des voies exploi­tées actuel­le­ment par les Com­pa­gnies concessionnaires.

Le rachat, s’il y a lieu, ne peut cepen­dant pas être conçu comme devant abou­tir à consti­tuer une hypo­thèque indé­ter­mi­née sur le nou­veau régime et, par suite, sur l’activité col­lec­tive. En règle géné­rale, les régies nou­velles accep­te­ront les obli­ga­tions contrac­tuelles pour les obli­ga­taires et liqui­de­ront les actions. 

Il ne sau­rait donc être ques­tion dans ce régime nou­veau ni d’une exploi­ta­tion par l’État, ni d’une pos­ses­sion par une cor­po­ra­tion par­ti­cu­lière. La réor­ga­ni­sa­tion que pré­co­nise et réclame le mou­ve­ment syn­di­cal est conçue dans le seul inté­rêt public, et pour per­mettre la mise eu valeur la plus com­plète des réseaux, leur coor­di­na­tion avec les autres ser­vices de trans­ports, leur adap­ta­tion aux besoins de l’activité éco­no­mique, leur déve­lop­pe­ment tech­nique et le pro­grès général.

La Confé­dé­ra­tion Géné­rale du Tra­vail tient à décla­rer, d’autre part, que son inter­ven­tion dans la grève des che­mins de fer aurait été basée sur cette reven­di­ca­tion géné­rale ; que loin de cher­cher l’arrêt de tout tra­fic et de vou­loir para­ly­ser le pays en frap­pant ses fonc­tions de cir­cu­la­tion, elle enten­dait au contraire assu­rer par les moyens de ses syn­di­cats les ser­vices essen­tiels du ravitaillement.

Elle enten­dait ain­si dres­ser entre l’incapacité et l’égoïsme des Com­pa­gnies, contre l’incohérence et l’impuissance du pou­voir, la pre­mière réa­li­sa­tion des prin­cipes sui­vant les­quels les tra­vailleurs entendent trans­for­mer la ges­tion des che­mins de fer.

L’armistice signé entre la Fédé­ra­tion des Che­mi­nots, les Com­pa­gnies fer­ro­viaires et le gou­ver­ne­ment, trans­porte son action sur un autre plan.

Par une pro­pa­gande intense menée à tra­vers tout le pays, par la démons­tra­tion pour­sui­vie devant l’opinion publique que la natio­na­li­sa­tion indus­tria­li­sée des che­mins de fer n’est pas une concep­tion théo­rique, mais un sys­tème immé­dia­te­ment appli­cable et dont la réa­li­sa­tion est com­man­dée par les faits, nous appel­le­rons le pays à appuyer notre effort.

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