La Presse Anarchiste

Mouvement social

En France, l’in­té­rêt s’est concen­tré durant ce der­nier mois sur l’é­la­bo­ra­tion et la dis­cus­sion du « Sta­tut moderne du Travail ».

Rap­pe­lons les dis­po­si­tions du projet :

  1. Placement ;
  2. Embau­chage et débauchage ;
  3. Sta­tut des délégués ;
  4. Conven­tions col­lec­tives et rajus­te­ment des salaires ;
  5. Conci­lia­tion et arbitrage ;
  6. Grèves.

Les trois der­niers points sont des plus impor­tants et c’est sur eux que doit por­ter toute notre attention.

C’est, en effet, sur la ques­tion essen­tielle du rajus­te­ment des salaires que se sont pro­duits les conflits. Nous avons vu les patrons mécon­naître les accords accep­tés par eux et mépri­ser sou­vent les déci­sions du sur­ar­bitre. Contre cet état d’es­prit, l’arme effi­cace du pro­lé­ta­riat était la grève.

Il fal­lait donc, si le gou­ver­ne­ment et le Par­le­ment vou­laient évi­ter ces faits, étu­dier le rajus­te­ment des salaires ouvriers au coût de la vie et pour cela adop­ter l’é­chelle mobile. Le pro­jet subor­donne l’ap­pli­ca­tion de l’é­chelle mobile « aux condi­tions éco­no­miques de l’en­tre­prise où s’est pro­duit Je dif­fé­rend… ». Ce rajus­te­ment sera sou­mis à l’arbitrage.

Les deux par­ties, aux termes de dis­po­si­tions conte­nues néces­sai­re­ment dans les conven­tions col­lec­tives, dési­gne­ront cha­cune un arbitre et un arbitre sup­pléant et, ensemble, les sur­ar­bitres. C’est la léga­li­sa­tion d’un mode de règle­ment des conflits qui a fait ses preuves. Les arbi­trages inco­hé­rents ne se comptent plus, des patrons refusent d’o­béir aux déci­sions du sur­ar­bitre et c’est cela que le gou­ver­ne­ment et sa fidèle majo­ri­té sanctionnent !

Jus­qu’i­ci, le pro­lé­ta­riat pou­vait se ser­vir de la grève pour mettre les patrons en demeure de res­pec­ter les contrats ou pour pro­tes­ter contre des déci­sions scan­da­leuses. Ils n’au­ront plus ce pou­voir. La grève sera léga­li­sée. Ce « sta­tut légal de la grève », trai­tée de dupe­rie par ceux qui ont encore le cou­rage de pro­tes­ter (lire la bro­chure de M. Cham­bel­land : Les deux grandes dupe­ries du « Sta­tut moderne du tra­vail » et l’ar­ticle de Galo : « Dupe­rie de la grève obli­ga­toire » dans le « Réveil syn­di­ca­liste » du 15 février) n’est que cela. Le vote secret, sous la sur­veillance d’un émis­saire du gou­ver­ne­ment (un délé­gué du pré­fet, qui doit être pré­ve­nu dès l’o­ri­gine du mou­ve­ment), per­met toutes les pres­sions. Cette pro­cé­dure veut empê­cher des mou­ve­ments spon­ta­nés comme ceux de juin 1936, dont les consé­quences peuvent être consi­dé­rables, car leur objet est la mise en demeure pour les pou­voirs publics de don­ner les solu­tions les plus favo­rables aux ques­tions pen­dantes. Enfin, pour jugu­ler ces mou­ve­ments s’ils se pro­dui­saient mal­gré tout, il est envi­sa­gé que : « Si le fonc­tion­ne­ment des éta­blis­se­ments, de l’é­ta­blis­se­ment ou dune par­tie de l’é­ta­blis­se­ment où s’est pro­duite la grève est indis­pen­sable, soit à la sub­sis­tance ou à la sécu­ri­té des autres entre­prises, le gou­ver­ne­ment pren­dra les mesures néces­saires pour assu­rer le fonc­tion­ne­ment du ser­vice indis­pen­sable en accord avec les employeurs et les tra­vailleurs inté­res­sés, à défaut par inter­ven­tion directe ». Si la grève se pour­suit après l’ar­bi­trage, des péna­li­tés sont pré­vues pour entra­ver à la liber­té du tra­vail. Sanc­tions uni­la­té­rales, appli­cables seule­ment aux res­pon­sables ouvriers. Le patron qui aura pas­sé outre à la sen­tence arbi­trale ne sera pas poursuivi. 

Il faut que le pro­lé­ta­riat se rende compte qu’au­jourd’­hui les États, quels qu’ils soient, sont dans l’o­bli­ga­tion d’a­dop­ter des mesures simi­laires. Qu’elles soient pré­sen­tées démo­cra­ti­que­ment, par le « libre jeu des débats par­le­men­taires », impo­sées par la toute puis­sance des orga­nismes du tra­vail dociles à l’État, comme en Alle­magne, en Ita­lie ou en U.R.S.S. elles ne varient pas quant au fond. Le tra­vail est aujourd’­hui sou­mis aux exi­gences de l’im­pé­ria­lisme. La solu­tion du pro­blème ne peut plus exis­ter que dans l’op­po­si­tion abso­lue du pro­lé­ta­riat à toute concep­tion, ceux des classes qui ne peuvent se main­te­nir qu’en l’as­ser­vis­sant davan­tage : diri­geants, bour­geoi­sie, capitalisme.

[/R.D./]

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