En France, l’intérêt s’est concentré durant ce dernier mois sur l’élaboration et la discussion du « Statut moderne du Travail ».
Rappelons les dispositions du projet :
- Placement ;
- Embauchage et débauchage ;
- Statut des délégués ;
- Conventions collectives et rajustement des salaires ;
- Conciliation et arbitrage ;
- Grèves.
Les trois derniers points sont des plus importants et c’est sur eux que doit porter toute notre attention.
C’est, en effet, sur la question essentielle du rajustement des salaires que se sont produits les conflits. Nous avons vu les patrons méconnaître les accords acceptés par eux et mépriser souvent les décisions du surarbitre. Contre cet état d’esprit, l’arme efficace du prolétariat était la grève.
Il fallait donc, si le gouvernement et le Parlement voulaient éviter ces faits, étudier le rajustement des salaires ouvriers au coût de la vie et pour cela adopter l’échelle mobile. Le projet subordonne l’application de l’échelle mobile « aux conditions économiques de l’entreprise où s’est produit Je différend… ». Ce rajustement sera soumis à l’arbitrage.
Les deux parties, aux termes de dispositions contenues nécessairement dans les conventions collectives, désigneront chacune un arbitre et un arbitre suppléant et, ensemble, les surarbitres. C’est la légalisation d’un mode de règlement des conflits qui a fait ses preuves. Les arbitrages incohérents ne se comptent plus, des patrons refusent d’obéir aux décisions du surarbitre et c’est cela que le gouvernement et sa fidèle majorité sanctionnent !
Jusqu’ici, le prolétariat pouvait se servir de la grève pour mettre les patrons en demeure de respecter les contrats ou pour protester contre des décisions scandaleuses. Ils n’auront plus ce pouvoir. La grève sera légalisée. Ce « statut légal de la grève », traitée de duperie par ceux qui ont encore le courage de protester (lire la brochure de M. Chambelland : Les deux grandes duperies du « Statut moderne du travail » et l’article de Galo : « Duperie de la grève obligatoire » dans le « Réveil syndicaliste » du 15 février) n’est que cela. Le vote secret, sous la surveillance d’un émissaire du gouvernement (un délégué du préfet, qui doit être prévenu dès l’origine du mouvement), permet toutes les pressions. Cette procédure veut empêcher des mouvements spontanés comme ceux de juin 1936, dont les conséquences peuvent être considérables, car leur objet est la mise en demeure pour les pouvoirs publics de donner les solutions les plus favorables aux questions pendantes. Enfin, pour juguler ces mouvements s’ils se produisaient malgré tout, il est envisagé que : « Si le fonctionnement des établissements, de l’établissement ou dune partie de l’établissement où s’est produite la grève est indispensable, soit à la subsistance ou à la sécurité des autres entreprises, le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour assurer le fonctionnement du service indispensable en accord avec les employeurs et les travailleurs intéressés, à défaut par intervention directe ». Si la grève se poursuit après l’arbitrage, des pénalités sont prévues pour entraver à la liberté du travail. Sanctions unilatérales, applicables seulement aux responsables ouvriers. Le patron qui aura passé outre à la sentence arbitrale ne sera pas poursuivi.
Il faut que le prolétariat se rende compte qu’aujourd’hui les États, quels qu’ils soient, sont dans l’obligation d’adopter des mesures similaires. Qu’elles soient présentées démocratiquement, par le « libre jeu des débats parlementaires », imposées par la toute puissance des organismes du travail dociles à l’État, comme en Allemagne, en Italie ou en U.R.S.S. elles ne varient pas quant au fond. Le travail est aujourd’hui soumis aux exigences de l’impérialisme. La solution du problème ne peut plus exister que dans l’opposition absolue du prolétariat à toute conception, ceux des classes qui ne peuvent se maintenir qu’en l’asservissant davantage : dirigeants, bourgeoisie, capitalisme.
[/R.D./]