La Presse Anarchiste

Des faits

Il y a à Ver­sailles, en dehors de l’oc­troi Duples­sis, une rue — la rue de Béthune — dont le côté droit appar­tient à Ver­sailles et le côté gauche à la com­mune de Chesnay.

Les lettres adres­sées aux habi­tants de cette rue, aus­si bien ceux de gauche que ceux de droite, sont dis­tri­buées indis­tinc­te­ment par le fac­teur de la poste de Ver­sailles, ce qui est très logique. Mais si une dépêche est envoyé à un habi­tant du côté gauche de la rue de Béthune, celui-ci se trouve contraint de payer, entre les mains du por­teur de la dépêche, une taxe sup­plé­men­taire de 2 francs comme habi­tant de Ches­nay, qui n’a pas de bureau télégraphique.

Si ladite dépêche est adres­sée au Ches­nay, elle ne par­vient au des­ti­na­taire que le len­de­main, appor­tée par le maire, un de ses adjoints ou le garde champêtre.

Cette orga­ni­sa­tion n’est-elle point épique ?

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L’eau de Cologne des députés

La Chambre, qui parle de réduire les trai­te­ments des fonc­tion­naires, d’en dimi­nuer le nombre, de sup­pri­mer des postes de conseillers dans les cours d’ap­pel et à la Cour de cas­sa­tion, de… faire beau­coup d’é­co­no­mies de « bouts de chan­delles », ferait peut-être bien de don­ner l’exemple. Et le détail sui­vant des gas­pillages du Palais Bour­bon mérite d’être signa­lé pour que remède y soit appor­té ; nous pas­sons les trai­te­ments du pré­sident, des ques­teurs, des dépu­tés, méde­cins, etc., et autres qui offrent quelque uti­li­té, et nous arri­vons à : fonc­tion­naires du Palais-Bour­bon, 809.000 francs ; au mêmes, indem­ni­tés de loge­ment, 35.000 francs ; aux mêmes, gra­ti­fi­ca­tions. 67.000 fr. 99 ; habits des huis­siers, 27.000 francs ; four­ni­tures de bureau, 65.000 francs. — Le per­son­nel de ce palais coûte donc la somme for­mi­dable de 1.003.000 fr. 99 et 12. Conti­nuons : jour­naux, 1500 francs ; jour­naux du pré­sident, 544 fr. 75 ; chauf­fage, 42.000 francs ; éclai­rage, 115.332 fr. 53 ; répa­ra­tion des lampes, 1920 fr. 73 ; entre­tien des bâti­ments, 215.000 francs ; ser­vice pos­tal, impres­sion, affi­chage, Offi­ciel, dépêches Havas, dis­tri­bu­tion à domi­cile, embal­lage de docu­ments, annales par­le­men­taires, biblio­thèques, total : 734.685 fr. 18. Des­truc­tion des rats qui vivent de cet énorme amas de papiers inutiles, 200 francs. De plus en plus fort ! risum tenea­tis : ficelle, 999 francs (que de lon­gueurs de ficelles par­le­men­taires !) ; billard par­le­men­taire (taxe), 60 fr. 05 ; eau de Cologne… 1522 fr. 30 (le vrai peut quel­que­fois paraître invrai­sem­blable) ; miroi­te­rie, 1448 fr. 83 ; tapis, 24.950 fr. 14 ; brosses, 7190 fr. 39 ; allu­mettes, 1708 fr. 30 ; enfin, buvette, 33.539 fr. 24 !

Un dépu­té coû­te­rait, dès lors, par an, envi­ron 3 francs pour eau de Cologne, 2 fr. 50 pour miroi­te­rie, 43 francs en brosses ; il use­rait pour plus de 2 francs d’al­lu­mettes ; il consom­me­rait, à la buvette, pour près de 90 francs (à signa­ler à la ligue contre l’al­coo­lisme) ; mieux encore, dans la note (dont nous vou­drions bien connaître le détail) de répa­ra­tions au Palais-Bour­bon (215.000 francs) ; figure la somme de 9420 francs pour répa­ra­tions aux cabi­nets d’ai­sances, soit 17 francs de dégâts cau­sés aux sus­dits par an et par repré­sen­tant du peuple. On conçoit l’ai­sance avec laquelle nos dépu­tés ren­versent les cabi­nets ; on com­prend moins celle dont ils usent à l’é­gard de ceux dont nous nous occu­pons ; sans vou­loir sou­le­ver de ce chef une ques­tion de cabi­nets, nous croyons néces­saire de pro­tes­ter contre ce gaspillage.

La France, quoique débon­naire, se fatigue de voir les dépenses aug­men­ter sans pro­fit pour l’in­té­rêt, public ; les gas­pillages l’ir­ritent ; elle demande, elle veut, elle exige qu’il y soit mis bon ordre. Avis à MM ; les députés

Un peu moins d’eau de Cologne, beau­coup moins de pape­rasses, et un peu plus de tra­vail utile !

[/​F. Nau­dier

(L’É­cho des Com­munes, 1er août 1895.)/]

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