Les « gens honnêtes et modérés » (ce sont eux qui se dénomment ainsi) viennent, à l’occasion du drame d’Aniche, de nous donner encore une fois la valeur de leur mesure morale. Les Laurent, les Lepelletier, ces reptiles prêts à toutes les besognes les plus répugnantes, étant par trop démodés, ils ont trouvé de dignes émules dans la personne des Fouquier, des Y. Guyot, dans les rédactions du Temps, des Débats, et autres journaux panamistes, à la solde du gouvernement.
Mais celui auquel revient la palme de la mauvaise foi et de la goujaterie c’est encore le boudiné Hugues le Roux qui a trouvé le moyen d’expectorer sa bave dans les colonnes du Figaro du 6 août.
Pour ce complaisant et collègue des Puybarrand, des Lépine et des Bulot, Decoux n’est qu’un halluciné qui a subi les suggestions du dehors, et les vrais coupables sont : l’alcoolisme du père, et la lecture des « écrits pernicieux ! » sans préjudice des incitations personnelles.
Le père Decoux est-il un alcoolique ? Decoux lisait-i1 les « écrits pernicieux » ? M. Hugues le Roux n’en sait rien, il n’en a cure, il ne veut pas le savoir, cela gênerait sa thèse.
Le père Decoux étant un ouvrier, il ne peut être qu’un ivrogne ; Decoux voulait se venger du mal que lui ont fait les capitalistes, au lieu d’aller leur lécher les pieds, comme le fait M. le Roux pour débiter sa prose, il ne peut avoir pris ces mauvaises dispositions que des « lectures pernicieuses », des mauvais conseils. Et les lectures pernicieuses sont celles qui disent au travailleur qu’il a droit à la satisfaction de tous ses besoins, du moment qu’il utilise sa force d’activité, qui lui rappellent qu’il est l’égal de qui que ce soit, et ne doit se courber devant personne.
Ces messieurs qui ont l’échine si souple devant les puissants n’aiment pas que l’on parle aux individus de leur dignité ; ces laquais des possédants se trouvent blessés dans leur amour-propre de larbins, lorsqu’on cherche à élever le caractère des individus. De là, leurs clameurs féroces contre les anarchistes.
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Chez les Peaux-Rouges, avant de tuer les prisonniers de guerre, on les attache, paraît-il, pendant plusieurs jours, au poteau de torture, les livrant à une population de vieilles sorcières édentées, qui viennent épuiser sur eux les raffinements de cruauté que leur fournit un cerveau fertile en inventions de ce genre, afin d’épuiser le courage du patient, de lui arracher un signe de faiblesse. Les journalistes-policiers jouent, dans notre société, ce rôle de chacals et se livrent à des convulsions épileptiques, rappelant la danse du scalp des Peaux-Rouges. Les prisonniers ne sont pas au poteau de torture, mais le délit « d’apologie » est si facile à trouver dans une phrase qui ne veut qu’être qu’un but : attirer la réplique imprudente qui permettrait d’y attacher ceux qu’elles ont pour mission de provoquer.
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Eh bien ! Tas de vendus, nous vous le disons à la face, une bonne fois : les lâches, les excitateurs, ceux qui se cachent pour faire marcher les autres, ils sont de votre côté, rien que de votre côté, puisque, sans savoir, sans vous donner la peine de rechercher la vérité, vous profitez du premier incident venu pour réclamer la mort et la déportation de ceux — nous ne dirons pas qui ne pensent pas comme vous, ce serrait vous faire l’honneur de croire que vous pensez — nous serons plus près de la vérité en disant de ceux qui sont désagréables aux maîtres qui vous paient.
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Certes, nous n’avons jamais eu la prétention de nous poser en prêcheurs de calme, en apôtres de la servilité, en glorificateurs de l’avachissement. Jamais nous n’avons dit aux travailleurs : « Quand votre patron vous vole, remerciez-le de ne pas tout garder ; baisez-lui les pieds lorsqu’il abuse de vos femmes et de vos filles ; prosternez-vous à ses genoux, quand il vous met sur le pavé. »
Chaque fois que nous voyons se commettre une injustice, nous essayons de faire comprendre à nos frères de misère quelles sont les institutions qui l’engendrent ; chaque fois que les conséquences inhérentes à une mauvaise organisation sociale tombent sur les miséreux, les écrasant de leur poids, nous avons mis à nu le vice qui les produisait, faisant le procès à la société qui engendrait de pareilles monstruosités.
Étant de ceux qui sont opprimés, de ceux qui sont exploités, nous avons compris que ce ne sont ni les plaintes ni les doléances qui nous amèneraient le remède à nos souffrances ; nous avons expérimenté que les palliatifs ne changeaient rien à notre situation ; et l’arrogance de nos maîtres nous a démontré qu’ils ne renonceront, de bonne volonté, à aucun de leurs privilèges. Nous avons acquis l’intime conviction que tant que nous quémanderions, on nous traiterait comme des mendiants, et que nous n’acquerrions que les libertés que nous saurions prendre. C’est cette conviction que nous avons essayé de propager autour de nous. Et puis, après ?
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Si les travailleurs avaient à manger à leur suffisance, s’ils étaient satisfaits de leur sort, si la vie leur était douce, à qui ferez-vous croire qu’il suffirait de « prédications fausses » pour leur persuader le contraire ? Les « déclamations creuses » suffiraient-elles à engendrer le mécontentement, s’il n’était produit, à grands flots, par les injustices de votre mauvaise organisation sociale ?
Le mal existe, nous le constatons bien haut, nous en désignons la source, voilà notre crime, voilà, pourquoi vous voudriez étouffer notre voix. Tas d’imbéciles, le mal n’existerait-il pas quand même, alors que vous arriveriez à étouffer les plaintes !
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« Il y a, dites-vous, des esprits faibles, se laissant prendre à nos sophismes, et se mettant à exécuter ce que les déclamateurs n’osent pas accomplir eux-mêmes. »
C’est encore un mensonge, vous le savez bien, car de tous les attentats anarchistes, nettement caractérisés, dont vous avez pu étudier les auteurs puisque vous les avez exécutés, tous, vous avez été forcés de le reconnaître, étaient doués d’une volonté implacable, d’une énergie peu commune, d’une intelligence d’élite, toutes choses qui ne cadrent pas avec les indices d’esprits faibles et suggestionnables.
Ayez donc la pudeur d’avouer qu’il y a autre chose que la prédication de « théories malsaines » pour affoler les individus, que le mal vient de plus loin, et que vous ne voulez pas le guérir parce qu’il vous engraisse.
La société, dites-vous, a été établie pour assurer à chacun le produit de son travail, lui garantir l’exercice de sa liberté, le protéger contre les violences des forts, et, tous les jours, des individus cherchent du travail, n’en trouvent pas, et crèvent de misère et de privations, à moins qu’ils n’y coupent court par le suicide. À toute heure elle insulte à la détresse des miséreux, en leur montrant les jouissances de ceux qui ne travaillent pas, en étalant à leurs yeux le luxe de ses magasins et l’accumulation des produits qui s’y stérilisent. Votre société a fait faillite à ses promesses, c’est elle qui engendre la révolte, en faisant crever les uns de faim pendant que les autres crèvent de pléthore. Ne vous en prenez qu’à vous-même des représailles que vous provoquez. Il n’y a qu’un moyen d’endiguer la révolte, c’est d’accorder aux déshérités ce qu’ils demandent, ce que vous leur ayez promis, avec l’intention de ne jamais le réaliser.
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