La Presse Anarchiste

Manifestation pacifiste au Bois de Vincennes, le 11 novembre

Le comi­té régio­nal de lutte contre la guerre, — orga­nisme issu du Congrès d’Am­ster­dam, — avait convié la popu­la­tion de la Région pari­sienne, « anciens com­bat­tants, contri­buables, fonc­tion­naires et tra­vailleurs de l’in­dus­trie, petits ren­tiers… », (disaient les affiches) à mani­fes­ter le 11 novembre, à 10 heures du matin, au bois de Vincennes.

Appel écou­té par quelques mil­liers de per­sonnes, selon la presse bour­geoise, par 40.000 selon l’Hu­ma­ni­té. Mais de l’a­vis de tous, l’Hu­ma a vu double. Je crois que 20.000 suf­fit amplement.

Cela importe peu d’ailleurs. Ce qui est inté­res­sant à consta­ter c’est que les pro­lé­taires étaient noyés dans un océan petit-bour­geois : agents des contri­bu­tions indi­rectes venus écou­ter leur lea­der Piquc­mal, et autres. Et aus­si que les pan­cartes des loges maçon­niques, des sec­tions de la Ligue des Droits de l’Homme fai­saient bon ménage avec celles des Rayons communistes.

L’ar­ri­vée de Bar­busse est saluée par une « Inter­na­tio­nale » una­nime. Ce qu’il dit, peu l’en­tendent. Sa voix est faible. Un cache-nez entoure sa frêle gorge. On le voit cris­per le poing à la manière des pro­lé­taires alle­mands, on l’ap­plau­dit. L’as­sis­tance (je ne dis pas les audi­teurs) le plaint ; il paraît qu’il est malade et on lui sait gré, on le trouve bon, grand et géné­reux, d’être venu mal­gré cela dire quelques mots.

L’im­pres­sion est pénible pour moi de sen­tir qu’un pareil cabo­ti­nage fait encore recette.

Ailleurs, — il y a dix tri­bunes, mais trois ou quatre seule­ment sont très entou­rées, — Vaillant-Cou­tu­rier fait accla­mer l’U.R.S.S. et le der­nier voyage qu’il y fit. D’obs­curs com­parses prêchent dans le désert. Tel Bouthonnier.

À la tri­bune où Bar­busse a offert sa per­sonne à l’en­thou­siasme popu­laire, voi­ci main­te­nant le dépu­té radi­cal Ber­ge­ry. Il obtient un gros suc­cès de curio­si­té. Il ter­mine par la for­mule vague d’A­na­tole France : « L’u­nion des tra­vailleurs fera la paix du monde ».

Dis­per­sion. À la porte Dorée se pro­duit une courte bagarre où flics et gardes mobiles reçoivent quelques pierres.

L’im­por­tance de cette mani­fes­ta­tion de front unique sans prin­cipe, si elle paraît grande à l’Hu­ma­ni­té, est médiocre en réa­li­té pour le pro­lé­ta­riat et lui a sem­blé effec­ti­ve­ment médiocre puis­qu’il y a assez peu participé.

[/J.D. (Paris)

(Inédit. Repro­duc­tion autorisée)/]

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