La Presse Anarchiste

Militarisation du berceau à la tombe

Les Paul-Bon­cour alle­mands organ­isent la « nation armée »

(Quelques doc­u­ments)

[|I|]

Préoc­cu­pa­tions du général Grœn­er (ex-min­istre de la Reich­swehr dans les cab­i­nets social-démoc­rates) lors de la dis­so­lu­tion pro­vi­soire des « Sec­tions d’As­saut » de Hitler.

« Le des­tin de la jeunesse alle­mande me préoc­cupe par­ti­c­ulière­ment. C’est tou­jours une des tâch­es prin­ci­pales de l’É­tat de don­ner à la jeunesse d’un peu­ple des pos­si­bil­ités d’ac­tiv­ité et de vie. Depuis longtemps déjà, je me suis demandé ce qu’il y avait à faire pour amélior­er la sit­u­a­tion extrême­ment dif­fi­cile de notre jeune généra­tion. Mes efforts ten­dront dans le proche avenir à réu­nir la jeunesse alle­mande tout entière, sans dis­tinc­tion de par­tis, dans des camps d’en­traîne­ment où elle recevra la for­ma­tion cor­porelle et spir­ituelle néces­saire pour forg­er sa pen­sée et sa volon­té dans le loy­al­isme et la fidél­ité à l’État. »

[|II|]

Pro­fes­sion de foi du major Bock (chef des « Casques d’Aci­er »), ou l’é­cole du par­fait larbin. (Gazette de Voss du 9/10/32)

« En matière de sci­ence, la jeunesse alle­mande n’en sait générale­ment que trop long. Ce qui lui manque, c’est la pro­preté, le goût de l’as­ti­quage et l’ex­ac­ti­tude. Ces qual­ités ne peu­vent être inculquées aux jeunes gens que dans des camps fermés.

… Messieurs les employeurs, si vous voulez avoir chez vous de la dis­ci­pline, n’embauchez que des hommes sor­tant des camps de ser­vice civ­il du Casque d’Aci­er avec de bons certificats. »

[|III|]

Décret du chance­li­er Von Papen (16 juil­let 1932) insti­tu­ant offi­cielle­ment le ser­vice civ­il sous la direc­tion de l’État.

« 1. Le ser­vice civ­il volon­taire pro­cure à la jeunesse alle­mande la pos­si­bil­ité de fournir un tra­vail col­lec­tif sérieux au ser­vice de la com­mu­nauté nationale, tout en pour­suiv­ant sa for­ma­tion physique, spir­ituelle et morale. »

« 2. Le ser­vice civ­il volon­taire est placé au ser­vice du bien pub­lic. On ne doit pas en mésuser pour des des­seins poli­tiques ou hos­tiles à l’État. »

Etc., etc.

[|IV|]

Déc­la­ra­tions des chefs hitlériens A.D. Hierl et Gre­gor Strass­er. (10 juin et 4 novem­bre 1932)

1. — Pro­jet d’un règle­ment de ser­vice civ­il oblig­a­toire. (Hierl)

… Quiconque s’ef­force par la parole, l’écrit, l’im­age ou de quelque autre manière de porter atteinte dans l’e­sprit du pub­lic au respect et à la dig­nité du ser­vice civ­il alle­mand, sera puni d’une peine d’emprisonnement de trois mois au moins. »

… « Toute pro­pa­gande ten­dant à exciter les assu­jet­tis au ser­vice civ­il et à provo­quer l’in­soumis­sion, le refus d’obéis­sance, l’in­sub­or­di­na­tion, la rébel­lion, le sab­o­tage, la destruc­tion d’ef­fets ou d’équipement, sera punie de travaux forcés. »

… Pour les assu­jet­tis ayant encou­ru préal­able­ment des con­damna­tions ou faisant preuve d’in­sub­or­di­na­tion, il sera prévu des camps dis­ci­plinaires de correction. »

2. — But et sig­ni­fi­ca­tion du ser­vice civ­il oblig­a­toire. (Stress­er)

« L’essen­tiel n’est pas la créa­tion de valeurs économiques quel­con­ques, mais l’é­d­u­ca­tion et l’en­traîne­ment de la jeunesse alle­mande dans l’e­sprit chré­tien et nation­al, le ren­force­ment de la fierté patri­o­tique et finale­ment la créa­tion d’un sen­ti­ment nation­al ori­en­té vers la guerre, afin de ren­dre notre peu­ple capa­ble de défendre le domaine alle­mand con­tre l’é­tranger, et, s’il le faut, d’en élargir les bornes. »

« Nous devons en arriv­er au tra­vail mil­i­tarisé uni­versel et oblig­a­toire. Le ser­vice civ­il n’est qu’une étape intermédiaire. »

[|V|]

La haute bour­geoisie alle­mande et la finance deman­dent des gardes-chiourmes ayant l’e­sprit militaire.

1. ― Du « Börsen-Cour­ri­er » (Cour­ri­er de la Bourse), 15 sep­tem­bre 1932.

« Le but des camps de ser­vice civ­il est la for­ma­tion d’hommes pro­pres au ser­vice des armes. Aucun traité ne peut nous inter­dire de don­ner aux jeunes une édu­ca­tion et des principes qui en fer­ont des hommes aptes au ser­vice des armes. De cette édu­ca­tion, aucun peu­ple vivant ne peut se passer. »

« L’ap­ti­tude au ser­vice des armes sig­ni­fie la vital­ité cor­porelle et spir­ituelle par excel­lence et un esprit de sac­ri­fice absolu aux intérêts de la col­lec­tiv­ité (sic). L’homme digne de porter les armes se dis­tingue par le soin, l’amour de l’or­dre, l’e­sprit de cama­raderie ; il est tou­jours prêt à com­bat­tre et à se sac­ri­fi­er pour le sol et la nation. »

2. — Schle­ich­er est par­ti­san du ser­vice civ­il oblig­a­toire. (4 juin 1932)

« … Il nous faut choisir avec soin, par une dis­crim­i­na­tion claire, les forces qui sont appelées à con­courir à l’éd­i­fi­ca­tion de l’Alle­magne nou­velle sur la base d’une con­cep­tion du monde nationale et inébran­lable­ment chrétienne. »

[|VI|]

La bureau­cratie syn­di­cale social-démoc­rate est prête à fournir des adju­dants, en com­mun avec les col­lègues catholiques et nazis, pour l’ex­ploita­tion des jeunes et la pré­pa­ra­tion à la guerre.

1. ― Extrait d’une réso­lu­tion du Comité fédéral de la C.G.T. alle­mande. (14 juin 1932)

« Il n’ex­iste pas de con­cen­tra­tion nationale sans la par­tic­i­pa­tion des ouvri­ers alle­mands. » (La « Reichs­ban­ner », organ­i­sa­tion mil­i­taire social-démoc­rate a déjà fondé 128 camps de ser­vice civ­il dont elle assure la direc­tion sous le con­trôle de l’État).

2. — Dis­cours de Leipart (le Jouhaux alle­mand) sur les tâch­es cul­turelles des syn­di­cats. (octo­bre 1932)

Aucune couche sociale ne peut se tenir à part de la renais­sance nationale… Nous con­duisons notre lutte sociale dans les intérêts de la nation… Notre tra­vail est au ser­vice du peu­ple alle­mand et n’ig­nore pas cet esprit mil­i­taire qui fait pass­er avant tout l’or­dre, le sac­ri­fice pour le bien de tous. »

3. ― Arti­cle de A. Erke­lenz, leader social-démoc­rate, sous le titre : « Vers l’u­nité du mou­ve­ment syn­di­cal alle­mand ». (« Sozialpo­lilis­che Hefte », 1932, n° 2.)

« Dans toutes les grandes ques­tions économiques qui domi­nent notre avenir : la social­i­sa­tion, l’é­conomie de plan et l’é­tat cor­po­ratif, il n’y a pas de diver­gences pro­fondes entre les trois ori­en­ta­tions syndicales. »

(En fait, l’u­nion entre les dirigeants syn­di­caux social-démoc­rates, chré­tiens et nazis s’est déjà réal­isée par­tielle­ment sous l’égide de Papen-Schleicher.)

4. ― Arti­cle du leader syn­di­cal Eggerts dans l’or­gane offi­ciel de la C.G.T. alle­mande : « Gew­erkschaftzeitung », n° 17.

« Pour arrêter en peu de temps le procès de désor­gan­i­sa­tion de l’é­conomie alle­mande, il faut absol­u­ment don­ner des pos­si­bil­ités de tra­vail. Mais don­ner du tra­vail au taux nor­mal des salaires coûte cher. Tan­dis que la sim­ple util­i­sa­tion des chômeurs, par exem­ple sous la forme du ser­vice civ­il volon­taire, ne coûte pas sen­si­ble­ment plus cher que l’en­tre­tien des chômeurs comme bouch­es inutiles. »

[|VII|]

Let­tre d’un jeune chômeur à un jour­nal du par­ti com­mu­niste alle­mand. (« Welt am Abend » — traduit par « I.u. »)

… Je me présen­tai, avec cinquante et un autres chômeurs, au camp de tra­vail de Kuntzen­dorf. Le bureau de place­ment nous avait promis un tra­vail pas trop dif­fi­cile, un loge­ment, une nour­ri­t­ure saine et quar­ante pfen­nigs d’ar­gent de poche par jour.

Nous fûmes reçus au camp par un ancien offici­er de l’ar­mée impéri­ale qui nous fit align­er pour pronon­cer un discours.

« L’Alle­magne pos­sède déjà les camps de tra­vail, bien­tôt elle aura le ser­vice mil­i­taire oblig­a­toire. Vous pou­vez vous estimer heureux d’être admis au camp de tra­vail, cela vous per­me­t­tra de vous habituer au ser­vice militaire. »

Ces paroles furent accueil­lies par un mur­mure de protes­ta­tion qui devint un tumulte lorsque l’of­fici­er souligna que nous étions bien en Alle­magne et point en Russie, et que notre pays ne tarderait pas à recon­quérir la place qu’il avait occupée avant 1914.

… la nour­ri­t­ure qu’on nous don­na était franche­ment détestable. Une livre et demie de pain, un peu de mar­garine, du bouil­lon, du café imbuvable, 70 grammes de sucre pour quinze jours. Comme vête­ments de tra­vail, nous reçûmes de vieux uni­formes de schu­pos. On était cinquante-deux à dormir dans une salle, — une véri­ta­ble caserne — sur des bottes de paille. À 8 h 45, tout le monde devait être dans le dor­toir ; à 9 heures, on coupait la lumière. Il n’é­tait per­mis de fumer que jusqu’à 8 heures.

Celui qui se sous­trait au tra­vail est con­damné au cachot. Toute activ­ité poli­tique est inter­dite dans le camp, excep­tion faite pour le capitaine.

À six heures du matin, on est réveil­lé, et après un déje­uner rapi­de, on est con­duit au lieu de tra­vail sous le com­man­de­ment : « En avant, marche ! »

Le lende­main de notre arrivée au camp, la pluie se mit à tomber, et nous dûmes tra­vailler de 7 heures jusqu’à 3 heures du soir sons l’a­verse. Une fois ren­trés au camp, nous ne pûmes nous séch­er, car il fal­lut aus­sitôt couper du bois et éplucher des pommes de terre.

Le troisième jour, comme la pluie con­tin­u­ait tou­jours à tomber, trois d’en­tre nous eurent le courage de refuser de tra­vailler dans ces con­di­tions. Vingt-deux autres se joignirent à leur protes­ta­tion. Le cap­i­taine se mit en colère et ordon­na des mesures sévères, qui, pour­tant, ne furent pas appliquées. Enfin, qua­torze d’en­tre nous demandèrent leurs papiers qu’on ne leur délivra qu’à con­tre-cœur et en les cou­vrant des pires injures.

[|VIII|]

Posi­tion des com­mu­nistes anti-par­lemen­taires de l’U­nion des Tra­vailleurs Com­mu­nistes (K.A.U.).

L’in­stau­ra­tion du ser­vice civ­il ne sert, en tout et pour tout, que les intérêts de la bour­geoisie et du fas­cisme en fail­lite. Elle sig­ni­fie pour la jeunesse pro­lé­tari­enne une exploita­tion inouïe : douze à qua­torze heures de dur tra­vail jour­nalier, sans aucune garantie rel­a­tive au repos heb­do­madaire, à la pro­tec­tion con­tre les acci­dents et à l’hy­giène la plus élé­men­taire. Elle con­duit à la mil­i­tari­sa­tion de la jeunesse ouvrière en atten­dant que celle-ci soit jetée dans la guerre impéri­al­iste. Elle pré­pare la for­ma­tion d’une gigan­tesque organ­i­sa­tion de briseurs de grèves qu’on pour­ra employ­er con­tre les intérêts du pro­lé­tari­at tout entier.

Pour le moment, le car­ac­tère offi­cielle­ment oblig­a­toire du ser­vice civ­il tel que le désire M. Schle­ich­er, min­istre de la Reich­swehr, n’est pas encore eu appli­ca­tion ; d’après le min­istre Schäf­fer, « le volon­tari­at suf­fit à rem­plir les pos­si­bil­ités et les besoins actuels. »

C’est d’au­tant plus le moment pour la jeunesse révo­lu­tion­naire ouvrière de pren­dre ses mesures de lutte con­tre le ser­vice civ­il en con­sti­tu­ant ses con­seils sco­laires dans les cours d’ap­pren­tis­sage et en for­mant des comités d’ac­tion des jeuness­es révo­lu­tion­naires sur la base de l’u­sine et du bureau de pointage, avec le pro­gramme suivant :

Organ­i­sa­tion de la résis­tance de masse de la jeunesse pro­lé­tari­enne con­tre le tra­vail for­cé prévu sous le nom de ser­vice civ­il oblig­a­toire. Créa­tion de liaisons directes avec les ouvri­ers adultes pour un front uni des jeunes et des vieux, pour aboutir à un refus ouvert et organ­isé du ser­vice civ­il soutenu par un mou­ve­ment de grève générale de toute la classe ouvrière.

[/(Kampfruf)/]


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